1933 : un nouvel hôpital pour Rambouillet

Le 17 septembre 1933, deux siècles après la création par la comtesse de Toulouse du premier hôpital de Rambouillet, le président Lebrun en inaugure un nouveau, à son emplacement actuel.

Depuis, notre hôpital n’a jamais été déplacé, mais il a fait l’objet de restructurations et de modernisations considérables. Je ne les évoquerai pas ici.

Au moment où un projet de nouvel hôpital nous est présenté, cet article revient seulement sur la réalisation de ce qui constitue encore aujourd’hui la partie ancienne de notre hôpital.

Les premiers hôpitaux

En 1730 la comtesse de Toulouse fait construire rue de la Motte, à Rambouillet, un bâtiment à usage d’hôpital, appelé Sainte-Marie (ou hôpital de la Charité). En 1769 son fils, le duc de Penthièvre en fait construire un second, plus important, qui communique avec le premier. Comme le précédent il est réservé au seul personnel du Domaine. C’est le Pavillon de Toulouse. Sa gestion est confiée à la communauté des Filles de la Charité. Dans le bâtiment mitoyen le duc installe une manufacture de dentelles et filasserie pour donner du travail aux enfants nécessiteux de la commune : le Pavillon de Penthièvre.

Louis XVI, achetant le domaine de Rambouillet, accepte de conserver à ces bâtiments leur destination charitable.

A la Révolution l’hôpital s’ouvre à tous les malades de la commune, sur proposition du citoyen-chanoine Rabourdin, si bien qu’en 1792, lorsque les biens de la liste civile du roi deviennent biens nationaux, la commune de Rambouillet accepte de prendre à sa charge les frais de fonctionnement de l’hôpital.

A son tour, lorsque Napoléon reçoit le domaine de Rambouillet dans sa liste civile, il concède à l’hôpital une rente annuelle de 8000 francs afin d’en assurer le fonctionnement.

En 1834 la ville se rend acquéreur du Pavillon de Penthièvre, d’abord pour en faire une école de garçons, puis, en 1893, après plusieurs changements d’affectation (dont une manufacture de sucre !), un hôpital militaire.

A la veille de la guerre 14-18, l’ensemble hospitalier de Rambouillet (Pavillon de Toulouse + Pavillon de Penthièvre) ne répond déjà plus aux normes d’hygiène et de confort. En raison de sa proximité de Paris, il est très sollicité durant la guerre, et sa capacité est alors augmentée par l’ouverture d’annexes, dans les locaux de l’école de filles, rue Gambetta, à Poigny-la-Forêt, à la Boissière. Les besoins sont tels qu’il faut utiliser aussi les châteaux de la duchesse d’Uzés, à Bonnelles, du comte Potocki au Perray…

1925 : une modernisation avortée

Après la guerre il s’avère rapidement que les installations de la rue de la Motte ne satisfont plus aux exigences de la médecine de l’époque. Cependant, en dépit des rapports alarmistes de la Supérieure de la communauté religieuse, et des docteurs Perrineau et Villeneuve, médecins de l’hôpital, les travaux nécessaires ne sont pas considérés comme un besoin prioritaire.

Ils le deviennent pourtant en 1923, lorsque les nouveaux règlements sanitaires imposent la création de salles d’isolement pour les tuberculeux, ce que les locaux existants ne permettent pas.

En 1925 l’architecte de la Ville Trubert est donc chargé d’étudier à la fois la possibilité de surélever les bâtiments existants, et celle d’en créer de nouveaux, malgré l’exiguïté du terrain. Sa proposition est validée au plan communal le 26 janvier 1926, et le 12 avril, par les services de l’Assistance Publique. L’architecte versaillais Blanchard réalise alors les plans de ces travaux.

Reste à en trouver le financement, soit un million de francs, sur lesquels l’Etat propose une subvention, prise sur les recettes du PMU, de 400 000 frs. Plusieurs généreux donateurs, suivant l’exemple du banquier Lazare, se déclarent prêts à faire un don, mais à condition qu’il serve, non à ces travaux, mais à la construction d’un hôpital neuf. Le projet est donc dans une impasse.

C’est Raymond Patenôtre, qui vient d’être élu député de Rambouillet, qui le relance en décembre 1928, en parvenant à convaincre la commission administrative des avantages que présenterait la construction d’un nouvel hôpital. En avril 1929, la commission donne son accord, et sollicite l’appui du Conseil Général de Seine-et-Oise. Or, celui-ci, pour respecter les obligations créées par les nouvelles lois des assurances sociales, est justement en train de lancer un vaste plan de construction de 12 hôpitaux régionaux. Il accepte d’y intégrer celui de Rambouillet.

Il s’agit cette fois d’un projet de plus de 11 millions.

1929 : le nouvel hôpital

Cette fois c’est le projet de l’architecte Maurice Puteaux qui est retenu sur concours public. Le terrain est trouvé, en limite nord de la ville. Il appartient à plusieurs propriétaires dont le Progrès de Rambouillet espère avec confiance, le 22 février 1929, « qu’ils auront à coeur, en consentant des prix raisonnables, normaux, de faciliter la réalisation d’une oeuvre qui est au premier chef d’utilité publique ».

Le projet prévoit initialement 220 lits. Il en comprendra finalement 237, répartis dans six pavillons en meulière accessibles par deux allées carrossables, dont la plus importante, bordée d’arbres, en face de l’entrée, rue Pasteur.

Cette séparation en plusieurs pavillons répond aux normes de l’époque : isoler pour réduire le risque de contagion.

« Chaque pavillon a ses caractéristiques propres. Les salles contiennent au maximum six lits, et répondent aux données modernes préconisées.

Le pavillon de chirurgie est relié par le pavillon des femmes à la Maternité, et permet aux patientes en cas de besoin de profiter des soins chirurgicaux dans le minimum de déplacement et de temps.

L’hospice civil dispose de larges salles de repos qui permettent aux vieillards de se grouper au cours de la journée.

Le pavillon des contagieux profite d’un isolement idéal grâce aux galeries de visites extérieures qui permettent aux familles de voir leurs malades sans avoir de contact avec eux.

Le pavillon des tuberculeux possède ses galeries de cure en plein sud, suivant les dernières prescriptions de l’hygiène hospitalière. » (La vie municipale, 1/10/1933)

Tout un réseau de galeries souterraines permet le déplacement de malades (et les transports funéraires) de façon invisible, ainsi que tous les services d’intendance.

Le budget total de cette construction s’élève à 11 100 000 frs (rappel 1fr 1930=63€ 2023).

  • Le Pari Mutuel verse 5 500 000 frs,
  • le département 3 000 000 frs,
  • le Ministère de la guerre 700 000 frs,
  • la ville de Rambouillet 100 000 frs,
  • et la vente du Pavillon de Toulouse dégage 300 000 frs.

Pour le solde, soit 1 500 000 frs, une souscription publique est lancée, le 25 octobre 1929 et étendue aux 44 communes qui bénéficieront de cet hôpital.

« Tous les souscripteurs recevront une attestation mentionnant leur contribution à la fondation de l’hôpital-hospice régional de Rambouillet. En outre toutes les souscriptions, même les plus modestes seront inscrites sur le Livre d’or des fondateurs de l’hôpital.

Enfin les pavillons et les salles d’hospitalisés du futur établissement porteront le nom des principaux donateurs. »

Des listes de donateurs sont publiées plusieurs fois par mois. Dans la première, le 24 octobre 1929, on note le nom des Patenôtre pour un don de 500 000 frs, des de Feels pour 300 000 frs , des Lazare pour 200 000 frs, des Rothschild et des Weil pour 50 000 frs, mais aussi un grand nombre de dons plus modestes, le tout pour 1 100 000 frs. Les suivantes rapporteront encore 400 000 frs.

De son côté la paroisse collecte des dons, et organise en juillet 1932 une kermesse pour compléter le financement de la chapelle de l’hôpital.

Le 26 septembre 1930 les travaux de terrasse et maçonnerie sont adjugés pour 4 900 000 frs, et les travaux commencent aussitôt. Lorsque le préfet visite le chantier en janvier 1931, il se félicite de leur avancement, mais exhorte les entreprises à mettre plus de personnel sur le chantier. Le 20 février l’adjudication des travaux de charpente, couverture, canalisations, plomberie, aération différentielle est prononcée pour un total de 2 500 000 frs. En janvier 1932 l’hôpital reçoit l’autorisation d’installer une cuve de 40 000 litres de mazout pour son système de chauffage à vapeur basse pression. Une réserve de 22 500 litres d’eau chaude alimente tous les services, et toutes les chambres.

En mai 1933 les assurances sont souscrites, et certains agents locaux se plaignent dans la presse locale de ne pas avoir été consultés.

Et c’est ainsi que le président Lebrun peut profiter d’un séjour au château pour inaugurer le 17 septembre 1933 un hôpital régional achevé moins de 5 ans après le vote du projet. Il est accompagné de M.Dalimier, ministre des colonies (venu à Rambouillet pour le rencontrer pour un tout autre sujet) et de Raymond Patenôtre. Devenu entre-temps Sous-secrétaire d’Etat à l’Economie Nationale dans le premier gouvernement Daladier, Raymond Patenôtre peut s’enorgueillir d’avoir été à l’origine du projet, d’en avoir obtenu le financement, et d’en avoir été lui-même, avec son épouse, le plus gros souscripteur privé.

Moins de cinq ans pour obtenir les autorisations, acheter les terrains et effectuer les travaux, avec des moyens techniques loin de ceux dont nous disposons aujourd’hui ? L’équivalent du délai jugé irréaliste annoncé pour reconstruire à l’identique la charpente et la flèche de Notre-Dame…

Il sera intéressant de comparer avec les délais qui seront nécessaires pour que le prochain hôpital, prévu à l’emplacement de Smart-City, puisse être inauguré à son tour…

Christian Rouet
janvier 2024

l’entrée de la rue Pasteur

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