Les anciens cimetières de Rambouillet

Avant la création de celui des Eveuses, Rambouillet a disposé de plusieurs cimetières, que je vous propose de visiter aujourd’hui.

Le premier cimetière

Au Moyen-âge, l’Église, toute puissante, prône l’enterrement ad sanctos (près des saints), afin que les défunts profitent de leur vertu.

C’est ainsi que le premier cimetière de Rambouillet est créé vers la fin du Xème siècle, autour de notre première église, sur l’actuelle place de la Libération.

Il reste modeste, compte tenu de la faible population de Rambouillet, qu’un registre ecclésiastique, le « Pouillé du diocèse de Chartres au XIIIe siècle » évalue à 150 paroissiens (soit environ 600 personnes).
Cependant, en l’absence de monuments funéraires, qui n’apparaissent qu’à la fin du XIXème siècle, ses limites sont mal définies. Des maisons du quartier sont construites en empiétant sur le cimetière, et des corps seront retrouvés des siècles après, notamment au moment de l’aménagement du quadrilatère, derrière le Relays-du-Château.

Etait-ce le seul cimetière de la ville ? En principe, oui ! Toutefois l’abbé Jouy (cité par Pierre de Janti) signale l’existence de deux autres lieux de sépultures très anciens, qu’il situe, l’un en haut de la rue de la Corne (Penthièvre) à l’ouest, dit « fosse aux anglais » et l’autre dans le parc du château, en face de la fontaine Choquet (près de la laiterie de la reine). Mais nous ne possédons pas d’autres renseignements.

Des corps étaient probablement aussi ensevelis à la maladrerie (1398), là où la comtesse de Toulouse créera un hôpital (rue de la Motte).

Certains notables, curés ou seigneurs successifs de Rambouillet ont eu, quant à eux, le privilège d’être enterrés dans l’église elle-même.

la statue de Nicolas d’Angennes

On sait qu’il y avait notamment là, devant l’autel de Saint-Hubert, une dalle de marbre noir qui marquait l’entrée du caveau des d’Angennes. Derrière elle, les statues de Nicolas d’Angennes, et de Julienne d’Arquenay étaient placées dans une niche creusée dans la muraille nord de l’église.

Ce caveau accueillit seize membres de cette famille, de Renaud d’Angennes, mort en 1415, à Charles II d’Angennes, mort en 1652.

A la Révolution, le caveau fût profané. On en récupéra 1267 livres de plomb, vendues 404 livres, et la plaque de marbre ainsi que les deux statues furent vendues pour 45 livres.
La statue de Nicolas d’Angennes fut retrouvée plus tard, et elle est maintenant dans le hall de la mairie. Celle de son épouse n’a jamais été retrouvée.

Toutefois, les révolutionnaires ne touchèrent pas aux ossements, et ceux-ci furent transférés en 1872 au Tremblaye-sur-Mauldre lors de la destruction de l’église.

Dans la chapelle de la Vierge, était installé de même le caveau des Toulouse-Penthièvre. Le 25 novembre 1783 le duc de Penthièvre ayant cédé son château de Rambouillet à Louis XVI, il fit transférer les restes de ses aïeux dans son château de Dreux, au cours d’une cérémonie émouvante qui montra l’attachement des Rambolitains pour une famille qui avait beaucoup fait pour leur ville.

Le caveau contenait alors neuf cercueils et neuf seaux ou boites de plomb renfermant des entrailles ou les coeurs, depuis Louis Alexandre de Bourbon, comte de Toulouse, mort en 1737 jusqu’à Louis-Marie de Bourbon, mort en 1754.

Sans doute certains notables, civils ou religieux de Rambouillet avaient été également inhumés sous les dalles de l’église, comme l’usage en était fréquent, mais les descriptions de l’ancienne église n’en font pas état.

Le deuxième cimetière

Est-ce à la suite des lettres patentes par lesquelles Henri IV octroie à la ville son marché du samedi, et ses foires de la Quasimodo et de la Saint Lubin, qu’il a fallu dégager de l’espace pour la vie économique de la cité ?

Ou bien le cimetière a-t-il alors été jugé trop proche du Château pour des raisons sanitaires ?

Toujours est-il, qu’on le retrouve au XVIème siècle, sur l’actuelle place Félix Faure, sans grandes indications quant aux conditions de son déplacement.

le cimetière vers 1670-1674

Les plans publiés par Jean Blecon dans son «  Palais du Roi de Rome » montrent qu’en 1670-1673 il était à la pointe du terrain de la garenne, bordé par le chemin de Rambouillet à la Villeneuve au nord, et par le Grand chemin de Rambouillet à la Droue, au sud.

Vers 1705 Fleuriau, devenu marquis de Rambouillet, agrandit son domaine et l’agrémente des pièces d’eau du Miroir et du Rondeau, ce qui entraîne un nouveau tracé pour le grand chemin pavé de Paris à Chartres, et transforme l’intersection des chemins d’Orléans et de la Louvière.
Le cimetière est alors agrandi et clôturé. Il se trouve désormais adossé au mur du parc (à droite de la grille actuelle).

le cimetière vers 1705

Un rappel de la réglementation, alors en vigueur

Au fil des siècles, l’organisation des cimetières connaît un profond bouleversement, marqué par le rôle sans cesse croissant du pouvoir civil.
Venant après de nombreux textes, l’édit royal du 10 mars 1776, aboutit à une définition moderne des cimetières, et notamment stipule que …

  • ·  seuls les archevêques, évêques et curés conservent le privilège d’être enterrés dans l’église,
  • ·  les activités profanes sont interdites dans les cimetières,
  • ·  la vie courante elle-même y est limitée (fin des droits de passage ou des vues directes dont pouvaient bénéficier ses voisins),
  • ·  les cimetières doivent tous être clos de murs,
  • ·  et surtout, ils doivent être déplacés en dehors des villes (ce qui n’est pas une mince affaire ! En 1786, il faudra 15 mois de processions pour déplacer deux millions de cadavres du cimetière des Innocents dans les catacombes de Paris).

Cependant les cimetières demeurent terre d’église.

Le respect de ces textes reste très inégal. De nombreux cahiers de doléances se plaignent des charges qu’ils font peser sur les paroisses, tandis que d’autres se plaignent au contraire de leur non-respect. Par exemple :

-Que les cimetières soient placés hors des villes, bourgs et villages ; et qu’il en soit de même des dépôts d’immondices (Cahier des doléances, du bailliage de Versailles).

-La translation des cimetières hors les bourgs, placés dans les lieux où les vapeurs méphitiques ne seraient pas nuisibles ; cette translation ordonnée depuis longtemps ne s’exécute point, surtout dans les campagnes, et on ne peut que solliciter à cet égard l’exécution générale des lois (Cahier de doléances du bailliage et siège royal du Vouvant, séant à la Chateigneraye ) etc…

Le troisième cimetière

A Rambouillet, en 1784, les paroissiens ne respectent toujours pas plusieurs injonctions de l’Edit Royal. Jean Blécon (« Le Palais du Roi de Rome » coédité avec la Shary) nous rapporte leur délibération :

Le transfert du cimetière était un vœu de la population rambolitaine qui avait été exprimé le 9 mai 1784 à l’issue des vêpres, par l’assemblée des habitants réunis en la salle presbytérale en présence de messire Julien Hébert, curé, du sieur Dominique Lefèvre, marguillier en charge, d’Adrien, syndic, et de plusieurs habitants, témoins.

Le sieur Lefèvre fit remarquer que « depuis longtemps les habitants se sont occupés du projet de changer le lieu du cimetière de la  paroisse :

  • ·  parce qu’il était insuffisant pour contenir les corps des fidèles,
  • ·  qu’il était arrivé souvent que la même année on avait été obligé d’ouvrir une seconde fois la même fosse pour y déposer un second corps,
  • ·  parce que les règlements prescrivant de donner aux fosses cinq pieds de profondeur et qu’il n’est possible de leur donner que deux pieds et demi, vu que si on les creusait davantage la fosse se trouverait remplie d’eau. »

À ces motifs s’en sont ajoutés de nouveaux :

  • ·  le cimetière tenant à la pièce du Rondeau du parterre du château et le dominant ne peut qu’y porter des « eschalaisons chabouinés » qui peuvent influer sur la santé précieuse du roi et de la famille royale dans les voyages et séjours qu’ils pourraient faire ici,
  • ·  qu’il paraît que l’on va construire un bâtiment nouveau pour le service du roi aux environs du cimetière, ce qui augmentera considérablement le nombre des habitants et rendra encore le cimetière plus insuffisant qu’il n’était,
  • ·  que les émanations cadavéreuses pourraient occasionner aux habitants de ces nouveaux bâtiments des maladies épidémiques qui se communiqueraient au surplus du pays.

Après avoir fait remarquer que si le projet de changement n’a pas été mis en exécution,

« c’est parce que ni la fabrique, (la paroisse) ni les habitants n’étaient assez fortunés pour faire l’acquisition d’un terrain suffisant pour former un nouveau cimetière; l’enclore de murs suivant l’article 22 de l’édit de 1695 et construire dedans une petite chapelle pour satisfaire à la dévotion du public ».

Alors l’idée a germé de faire supporter ce transfert par le roi et d’en attribuer le bénéfice à sa bonté,

« en mettant sous les yeux de sa Majesté les différents motifs qui nécessitent le changement de cimetière, il y a lieu d’espérer, de sa bonté paternelle pour ses nouveaux vassaux et de son humanité, un terrain suffisant pour former un nouveau cimetière, la clôture de ce terrain et une chapelle en cédant au roi l’ancien cimetière ».

Tous, convinrent de cette nécessité, chargèrent le sieur Lefèvre « de donner cette supplique qu’il jugera convenable pour obtenir de sa Majesté par voie d’échange ou autrement la concession d’un terrain suffisant pour y former un nouveau cimetière ».

S’ils s’étaient attendus à une négociation difficile, les Rambolitains durent être heureusement surpris, et Lefèvre en retira certainement une réputation de fin diplomate, quelque peu usurpée !
A la vérité, le comte d’Angiviller avait de grands projets pour le développement du parc, et la création du jardin de l’hôtel du Gouvernement, et le cimetière, placé où il était, le gênait.  Il accueillit donc avec beaucoup de satisfaction la demande, et il  lui fût aisé de démontrer au roi l’intérêt de cette transaction. Un vaste terrain au milieu de la garenne du grand chenil, loin des habitations, et ne présentant alors aucun intérêt d’urbanisme fut donc affecté au nouveau cimetière, et le roi s’engagea à supporter les frais liés au déplacement.
Une fois cette décision prise, à la satisfaction de tous, le projet avança rapidement.

Le cimetière après son transfert (plan de 1830)

Le 23 septembre 1785, messire Bourgeon, curé de Gazeran, mandaté par Mgr l’évêque de Chartres, accompagné de messire Julien Hébert, curé de Rambouillet, visite le nouveau cimetière qu’il déclare trouver « bien clos de murs, de portes, et dans la décence convenable à sa destination », il en dresse procès-verbal, et le bénit.

Le lendemain 24 septembre, Jean Chauvin, natif d’Aunou-le-Faucon (Orne), commis des bâtiments du roi, est la première personne à y être inhumée.

C’est en novembre et décembre de la même année que Claude Romeuf dit Romain, entrepreneur de terrasses, demeurant à Groussay, procéda à « l’enlèvement des terres de l’ancien cimetière »; le travail fut assez pénible, la terre était « chargée à la pelle dans les voitures avec difficulté par rapport à la sécheresse et elle était comme de la cendre et avec « criquement des os » »; la terre fut transportée à deux cent vingt toises de distance (444,37 mètres) et les os, mis à part, furent enterrés dans des trous faits dans le nouveau cimetière.

Le mémoire rédigé pour ce travail s’élevait à cinq mille vingt-cinq livres neuf sols dix deniers. Il fut réduit à deux mille neuf cent trente-deux livres dix-huit sols onze deniers qui furent payées par le roi. La croix et quelques tombes furent transférées dans le nouveau cimetière comme celle de Catherine-Adrienne Godard de Barrisseuse. (Jean Blécon – Le Palais du Roi de Rome)

Le samedi 31 mars 1787, une cloche, nommée Marie-Louise-Mélanie, est bénie pour être ensuite placée dans la chapelle du cimetière.

Et le 15 mai suivant, cette dernière ayant été jugée « placée en un lieu convenable, et pourvue de calice, linges et ornements nécessaires pour la célébration de la sainte messe », elle est à son tour bénie par le curé de Rambouillet.

    • Ce cimetière de la Garenne est celui que nous connaissons encore aujourd’hui.
    En 1835 le trésorier de la paroisse de Rambouillet fixe le nombre de tombes à 68. Calculant qu’il a fallu cinquante ans pour que la moitié de la surface du cimetière soit occupée; il se risque donc à une prévision : « Il en faudra cinquante de plus pour le compléter »
    Aujourd’hui il contient 8 910 corps, dans 3 260 tombes, et il a été complété en 1971 par le cimetière des Eveuses qui en contient 2 602 dans 1 941 tombes (chiffres fin 2020).
Christian Rouet
31 octobre 2021

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