Les moulins du ru des Vaux de Cernay
Si j’en juge d’après les centaines de voitures garées aux abords de la cascade des Vaux de Cernay, dimanche, ce coin charmant est l’un des plus populaires de notre région.
Le moulin des îles y a récupéré la clientèle des deux établissements disparus. Le Chalet des cascades a brûlé en 2016 et son emplacement a été transformé en parking. Quant à l’Ermitage, menacé par l’effondrement des terres qui le surplombent, il a été fermé sur arrêté de péril.
C’étaient les deux rendez-vous préférés des motards, dont le bruit des moteurs trouvait là une caisse de résonance adaptée à leur passion musicale, heureusement limitée aux week-ends.
Mais accompagnez-moi plutôt à l’époque où moteurs et transistors ne troublaient pas encore cette charmante vallée !
Faut-il le rappeler ? Les eaux du ru des Vaux proviennent de l’étang du Perray-en-Yvelines et des étangs de Hollande. Le ru rejoint l’Yvette dans le parc de Dampierre, et celle-ci, creusant la vallée de Chevreuse, se jette dans l’Orge (elle-même affluent de la Seine en amont de Paris).
En 1750, selon la carte de Cassini, l’Yvette alimentait 24 moulins, et ses affluents, 16. Nous allons évoquer ici les 6 moulins du ru des Vaux.
Vous pouvez relire sur ce site un article consacré à l’abbaye des Vaux de Cernay, et un autre aux moulins d’Yveline dont les sujets se rattachent à celui-ci.
Premier moulin
Le moulin de l’abbaye n’existe plus. Il a été remplacé par le bâtiment de la conciergerie, quand la baronne Charlotte de Rothschild, veuve du baron Nathaniel, a acheté le domaine en 1873 et y a accompli une importante rénovation, que son fils a poursuivie.
Le moulin est encore visible sur le plan du cadastre de 1830 (cliquez pour agrandir). On voit que le ru était enterré, et la roue du moulin était donc placée sous le bâtiment.
Sur ce plan détaillé de l’abbaye (attention, les deux plans ne sont pas orientés de la même façon !), on voit mieux comment le ru coulait en surface à la sortie du moulin, puis passait sous les latrines de l’abbaye, leur fournissant l’eau courante selon un plan très habituel pour ces bâtiments.
Faites-moi penser à écrire prochainement un article sur l’hydraulique cistercienne…
Le deuxième moulin
Quittons l’abbaye. En réalité vous n’avez pas pu y entrer, puisqu’elle est en cours de rénovation, mais sans doute avez-vous profité du petit parking, juste après la limite de la propriété ?
En enjambant les biefs du ru, qui traversent le mur de l’abbaye vous avez donc rejoint un sentier sablonneux qui descend en pente douce vers la cascade des Vaux.
Bientôt le sentier longe le bel étang de Cernay. Sur la digue médiévale qui retient toujours ses eaux, une inscription rappelle que « la digue du grand moulin est un ouvrage hydraulique des moines ».
Du « grand moulin » il ne reste quasiment rien. C’était un moulin « sous étang » dont la roue était, comme pour celui de l’abbaye, placée sous le moulin. L’eau s’écoulait de l’étang par 3 canaux qui se rejoignaient un peu plus bas : un déversoir à gauche, au centre une chute assez forte et concentrée pour activer la roue du moulin, et à droite, le ru naturel qui passait entre le moulin et la grange, seul bâtiment encore visible.
Au XIXème siècle le moulin avait accueilli un établissement de pisciculture, et il était encore visible sur les cartes postales des années 1910.
Aujourd’hui il n’en reste que le déversoir (qui ne fonctionne plus). Du moulin proprement dit, on ne distingue plus que l’emplacement de la roue. Le chemin qui longe la digue est aujourd’hui envahi par les orties et les ronces.
C’est donc le plan placé à cet endroit qui permet le mieux d’en comprendre toute l’organisation. A rapprocher de cette vue du début du siècle, prise sous un angle très proche.
Une indication, sur la petite porte attenante aux ruines de la grange indique qu’elle sert de refuge aux chauves-souris en hiver. C’est inattendu… et sympathique !
Au nord des granges, le sentier passe au pied d’un monument élevé par ses élèves et amis à Léon Germain Pelouse.
Devant moi, un père expliquait avec un grand sérieux à ses deux garçons, que Pelouse est l’inventeur d’une variété de gazon aujourd’hui très répandue. Je n’ai pas réussi à savoir s’il plaisantait.
Pauvre Pelouse ! Faites-moi penser à écrire prochainement un article sur les artistes paysagers de l’école de Cernay.
Le troisième moulin
L’existence du « petit moulin » est avérée depuis 1207. Moulin à blé il appartient alors à un meunier Hotton. Propriété de l’abbaye, il devient bien national au moment de la Révolution, et le duc de Luynes, propriétaire du domaine de Dampierre s’en rend acquéreur.
Ici encore, la roue est située sous le moulin. L’eau du ru est retenue dans un étang-réservoir, et un canal la dirige vers une chute qui lui donne plus de force, fait tourner la roue, et vient rejoindre en aval le cours principal du ru.
L’exploitation du moulin cesse vers 1890. Il accueille alors les touristes, comme les Salons du Léopold, un peu plus en amont, avant d’être transformé en habitation secondaire.
En 2012 le département l’achète et le Parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse procède à sa restauration afin de lui redonner son aspect de la fin XVIème, avec son canal, sa vanne, sa roue et ses meules.
Le Petit Moulin ouvre en 2016. Il intègre une scénographie englobant l’évocation des artistes paysagistes de l’école de Cernay.
Que devient-il ? Le petit moulin est resté fermé depuis 2019, faute de financement. Mais la commune de Cernay-la-Ville, dans le cadre d’une convention de 10 mois, s’apprête à le rouvrir à l’occasion des Journées du Patrimoine des 17 et 18 septembre 2022. Il accueillera des manifestations ponctuelles, en partenariat avec les associations locales, qui devraient redonner vie à ce lieu charmant.
Souhaitons que cette initiative soit couronnée de succès !
Le quatrième moulin
La pente du ru s’accélère, atteint la « cascade des Vaux » et vient alimenter l’étang que longe la route.
En contrebas, à droite de celle-ci, il y avait depuis le XIVème siècle un 4ème moulin. Moulin à blé connu sous le nom de moulin des rochers, il était devenu au XVIIIème siècle un moulin à tan, comme il y en avait plusieurs dans cette forêt de chênes et de châtaigner.
Leur écorce était broyée pour fournir le tannin utilisé pour le tannage du cuir.
Le moulin, et son déversoir situé à sa droite sont parfaitement visibles, en bordure de route, et les bâtiments semblent en bon état. Il s’agit d’une propriété privée.
Au cadastre de 1934 il est toujours « moulin des rochers » mais il est devenu aujourd’hui« moulin des roches » sans que je puisse retrouver la date ni le motif de ce changement d’appellation.
Il coexiste donc aujourd’hui avec le moulin des îles. Et si vous pensez que ce nom a été choisi en référence au terrain enserré entre les deux bras du ru, l’enseigne se charge de préciser son inspiration !
A l’évidence l’Abbaye des Vaux de Cernay, et le Moulin des Iles ne recherchent pas la même clientèle !
Comme disait ma grand-mère : « il faut de tout pour faire un monde … »
Le nombre de visiteurs que connaît cette région depuis la fin du XIXème siècle s’explique par le charme de ce circuit. Il faut malheureusement revenir par le même trajet, sauf à longer la route.
Le cinquième moulin
Le ru des Vaux venait ensuite activer la roue du moulin des Bouillons. Il s’agissait d’un moulin-ferme, dont l’existence est attestée dans un premier document de 1556.
Le moulin était l’un des bâtiments, et le meunier exploitait en même temps les terres qui entouraient la ferme, fertilisées par les limons déposés par le ru.
De tels moulin-fermes pouvaient être de véritables manoirs, dont certaines terres étaient louées à un laboureur. On sait par exemple qu’en 1591 celui des Bouillons était fortifié, et doté d’un pont-levis.
Ce plan IGN montre le tracé du ru actuel (en bleu) et celui du tracé temporaire (en pointillé) par lequel le ru traversait la ferme et faisait tourner la roue du moulin.
C’est dans cette ferme que François 1er aurait succombé aux charmes de la belle ferronnière.
Le moulin n’existe plus.
Le sixième moulin
Très comparable à celui des Bouillons, le moulin d’Aulne est lui aussi un moulin-ferme. Même plan, avec des bâtiments qui entourent une cour carrée et qui comprennent une meunerie, un logis, une écurie, un four à pain et une laiterie.
Le document de Geoportail montre bien le plan des bâtiments, et la présence des 3 bras du ru, dont 2 enserrent le moulin (en jaune, la route).
L’ensemble, longtemps en ruines fait l’objet de travaux de rénovation … qui semblent loin d’être terminés !
Peu après le moulin d’Aulne, le ru des Vaux pénètre dans le domaine de Dampierre.
Il en alimente les bassins avant de rejoindre l’Yvette, après le château.
Faites-moi penser à écrire prochainement un article sur Senlisse. Et un autre sur le château de Dampierre !
Euh … faites-moi aussi penser à prendre des vacances !
Christian Rouet
septembre 2022
Très bien écrit et clair félicitations au jjournaliste
Bonjour ,
Cette étude sur les moulins des vaux de cernay est très intéressante , claire et parfaitement documentée .
Ma famille est propriétaire du sixième moulin » le moulin d’Aulne » , et effectivement les travaux de restauration sont en cours et demandent bien des efforts et du temps .
Encore bravo pour votre article .