Les chapelles de l'hôpital de Rambouillet
Au Moyen-âge l’hôpital est une œuvre de charité fondée sur les enseignements de l’Eglise. Créé par l’Eglise, il est administré par des membres du clergé.
Après la laïcisation révolutionnaire, les hôpitaux restent de la compétence des communes. Les religieuses, après en avoir été écartées, y reviennent, tandis que l’hôpital acquiert progressivement son statut d’établissement de soins.
Avec la loi de 1905 qui établit la séparation de l’Eglise et de l’Etat, l’hôpital devient clairement laïc. Pour autant, tout patient doit pouvoir y trouver le réconfort de sa religion, dans des moments particulièrement éprouvants.
La loi ne privilégie aucune croyance. Cependant, dans notre pays de tradition chrétienne, la chapelle est souvent le seul lieu de culte permanent. C’est le cas à l’hôpital de Rambouillet.
Les deux premiers hôpitaux de Rambouillet
C’est à la générosité de la comtesse de Toulouse que Rambouillet, doit son premier hôpital Sainte-Marie (ou Hôpital de la Charité) en 1730. Un accord passé le 14 mars 1731 avec les Filles de la Charité leur en confie la gestion.
Il est probable que cet hôpital devait avoir sa chapelle, comme tous ceux de cette époque, cependant nous n’avons pas assez de détails sur ce premier établissement, pour la situer ni la décrire.
En 1769 le duc de Penthièvre fait construire un second hôpital, bien plus important que le premier. Nous connaissons aujourd’hui ce bâtiment sous le nom de Pavillon de Toulouse (rue de la Motte). Il vient de bénéficier (enfin!) d’un superbe ravalement.
L’hôpital est un bel immeuble de style classique de deux niveaux. Six marches conduisent à une porte monumentale, légèrement en retrait du bâtiment et par elle à un petit jardin qui sépare le nouvel hôpital de l’ancien qui a été conservé.
L’hôpital dispose en son centre d’une chapelle, élevée sur toute sa hauteur, qui se signale en extérieur par un avant-corps en légère saillie, couronné d’un fronton. Une grande verrière aujourd’hui murée et remplacée par deux fenêtres, l’éclaire. Elle occupe en profondeur la moitié du bâtiment, l’autre partie étant prise par les escaliers.
Il n’y a donc pas de place pour des fidèles. A l’étage une tribune permet aux soeurs de suivre l’office depuis l’étage (où sont également placées les chambres des femmes). En rez-de-chaussée chacune des deux salles qui l’encadrent dispose d’une grande baie afin que les malades puissent suivre l’office depuis leur lit (six lits dans la chambre nord et 5 dans la chambre sud, tous réservés aux hommes).
Par sa situation centrale, et son importance, cette chapelle montre bien que l’hôpital est un établissement religieux. Elle en est la pièce la plus importante, pour nous rappeler que la prière peut être plus efficace que les soins et que la guérison dépend de Dieu et non des hommes (ce qui, compte tenu de l’état de la médecine de l’époque, était très probablement vrai !).
Le duc de Penthièvre inaugure la chapelle le 6 septembre 1770. En 1786 son chapelain, Nicolas Rabourdin (qui sera prêtre réfractaire, commissaire, puis procureur de Rambouillet), bénéficie d’un logement qui donne sur la rue du Hasard (Maurice Dechy).
Le nouvel hôpital
La loi de 1905 a instauré en France la laïcité, et la liberté de culte est inscrite dans l’article 8 de la Charte de la personne hospitalisée :
« L’établissement de santé doit respecter les croyances et convictions des personnes accueillies. Dans les établissements de santé publics, toute personne doit pouvoir être mise en mesure de participer à l’exercice de son culte (recueillement, présence d’un ministre du culte de sa religion). »
Les patients sont libres d’exprimer leurs croyances religieuses. Mais sans oublier que
« l’hôpital est un service public soumis au principe de laïcité : l’expression des croyances doit rester dans le cadre de la sphère privée et ne pas porter atteinte à la tranquillité de ses voisins et au bon fonctionnement du service. Tout prosélytisme est interdit, tant pour les patients, leurs proches que les personnels ».
Nous savons combien cette réglementation, simple dans sa définition, est délicate dans son application, à l’époque où le nombre de religions pratiquées en France augmente, et où certains croyants se radicalisent.
Inauguré par le Président Lebrun en 1933, le nouvel hôpital de Rambouillet dispose lui aussi d’une chapelle. Construite en meulière et en briques, en même temps que les autres pavillons de l’hôpital, et dans le même style, elle fait clairement partie de l’hôpital.
Mais elle a perdu l’importance qu’elle avait au Pavillon de Toulouse et, en la construisant à l’extrémité sud , au bord de la rue Pasteur (x), l’architecte a tenu à respecter l’esprit de la loi de 1905.
Je note accessoirement qu’aujourd’hui, alors que la chapelle reste parfaitement visible de la rue, il faut faire le tour complet de l’hôpital, et se perdre dans les sens-uniques pour l’atteindre car l’ancienne entrée est désormais interdite au public.
Lorsqu’il y a une cérémonie funéraire, il me semble qu’il devrait être possible de permettre un accès plus simple !
Mais retournons en 1933 …
La construction de cet hôpital, qui bénéficie alors des plus grandes avancées médicales, coûte plus de 11 millions de francs, dont 15% sont financés par une souscription publique. Un livre d’or garde le souvenir de tous les dons, et les pavillons et salles d’hospitalisés portent désormais le nom des principaux donateurs.
Et la chapelle ?
Les paroissiens de Rambouillet se sont mobilisés, et ont multiplié quêtes et manifestations afin d’en compléter le financement.
L’extérieur de cette petite chapelle n’a pas changé depuis près d’un siècle : c’est un bâtiment discret et d’un abord agréable, en meulière et briques. Une croix en béton domine le pignon.
En 1933 c’est le lieu de prière des religieuses de la congrégation des Filles de la Charité, qui prodiguent leurs soins aux malades. En effet, les congrégations religieuses restent présentes dans les hôpitaux, longtemps après la loi de 1905, faute d’un personnel laïc suffisant pour les remplacer.
Je n’ai pas trouvé de vue de l’intérieur de la chapelle. Sans doute était-il très simple, car il avait été difficile de trouver les financements nécessaires à la réalisation de ce grand projet. Des choix avaient donc été probablement opérés en fonction des priorités.
Quoi qu’il en soit, sa rénovation est décidée en 1945, et sa décoration intérieure est alors confiée à deux artistes rambolitains bien connus : le peintre Raymond Cailly, et son beau-père, le sculpteur Gaston Le Bourgeois.
A son rôle religieux et social, la chapelle ajoute ainsi désormais une valeur artistique certaine, dans une ville qui ne compte pas tellement d’oeuvres d’art.
La chapelle rénovée
Lorsqu’il s’installe à Rambouillet, en 1918, le sculpteur Gaston Le Bourgeois a déjà une grande renommée. Il a participé à de nombreuses expositions, principalement comme sculpteur animalier. En 1931, malade, il se fait aider par un artiste peintre, Raymond Cailly pour la préparation de l’exposition coloniale. C’est le début d’une collaboration et d’une amitié qui se renforce encore lorsque Cailly épouse en 1933 Eve, l’une des filles de Le Bourgeois.
La collaboration des deux artistes s’exprime avec bonheur dans la rénovation de la chapelle, en 1945. Contrairement à la réalisation du « monument américain » pour lequel leurs deux noms sont associés de même, mais sans que le rôle de Cailly semble bien important, ici chacun a pu s’exprimer librement dans sa spécialité.
Raymond Cailly réalise la vaste composition murale du choeur. Elle entoure une niche qui reçoit une statue de la Vierge, en pierre de Lorraine de la maison mère des Filles de la Charité. A ses pieds, pour la placer sous sa protection, une reproduction de la chapelle de l’hôpital, dont la façade est parfaitement reconnaissable.
Des anges l’entourent, et célèbrent sa glorification, évoquée par la Sainte Trinité, au-dessus de la niche.
Le motif central est prolongé sur les côtés intérieurs du choeur. Un groupe d’habitants de Rambouillet, à droite (il s’agit de la famille du peintre) ainsi qu’un groupe de malades et d’estropiés, accompagné d’une religieuse à gauche, s’associent à la glorification de la Vierge.
Saint Joseph et saint Vincent de Paul encadrent le choeur.
Pour sa part, Le Bourgeois a réalisé, à partir d’une seule défense d’ivoire, de dimension exceptionnelle, un Christ en croix. La forme de la défense lui donne une grande élégance. Les bras ont été taillés à partir de la même défense.
Cette sculpture vient prendre place sur l’autel, devant l’oeuvre de Cailly, avec laquelle elle se marie parfaitement.
Le Bourgeois réalise également l’autel central et deux petits autels latéraux.
En 2007 cette chapelle, principalement utilisée pour des cérémonies funéraires, souffre d’un manque d’entretien qui laisse craindre la disparition de ses peintures murales, en raison d’infiltrations et de fissures dans les murs.
L’hôpital n’a pas les moyens d’entreprendre les travaux nécessaires, et c’est l’association PARR, de Rambouillet, qui se mobilise en 2013 derrière sa présidente Catherine Comas, pour recueillir, en dons et subventions, les 60 000€ nécessaires au sauvetage de cette chapelle, piloté par l’architecte L. Pouyes.
Dans le cadre de son concours « un patrimoine pour demain » cette rénovation reçoit en 2013 le prix du Pèlerin Magazine.
La chapelle de l’hôpital est ouverte tous les jours, et je conseille à ceux qui ne la connaissent pas, d’aller un jour la visiter.
Et demain ?
Nous avons tous entendu parler de la construction d’un nouvel hôpital, en un autre lieu de Rambouillet (on parle du site de l’ancienne Radiotechnique). S’agit-il d’un nouveau serpent de mer, comme l’ouverture d’un nouveau cinéma ? En tous cas certainement pas d’une réalisation à court terme !
Cependant, imaginons qu’il se réalise un jour ! Je m’interroge : aura-t-il comme les précédents sa chapelle, ou sera-t-il le premier hôpital de Rambouillet à recevoir un lieu de culte multiconfessionnel ?
Et si l’ancien hôpital fait place à des résidences, qu’adviendra-t-il de sa chapelle ?
Christian Rouet
février 2013
Ping : 1933 : un nouvel hôpital pour Rambouillet - le Pays d'Yveline
La surface occupée est impressionnante(6,5 ha, par comparaison Cochin ou Bichat : 6,9 ha), ce qui parait beaucoup, même pour Rambouillet Territoire.
N’a-t-il pas été prévu pour être un hôpital militaire, si nécessaire …?
Pourquoi le démolir alors qu’une partie est assez récente et il ne serait sans doute pas nécessaire de démolir et reconstruire toute la partie plus ancienne. Une partie pourrait être laissée aux promoteurs ou à un autre projet.