La résidence Lenotre

Le Chemin de Rambouillet à Orléans, mentionné sur les plans du début du XVIIIème siècle, devient la route de Rambouillet à Ablis, puis la rue d’Ablis le 20 mai 1833.

Le 15 novembre 1935 elle est rebaptisée rue G. Lenotre, pseudonyme de l’historien Théodore Gosselin, longtemps locataire au 11 rue de Grenonvilliers. On sait que le nom a été transformé par erreur en Georges Lenotre (voire Lenôtre) et la municipalité nous a, récemment encore, indiqué qu’il serait « trop onéreux de rectifier l’erreur dans les différentes bases de données » (sic). Théodore restera donc Georges, dans une ville où l’histoire n’est pas le souci premier.

C’est le bas de cette rue que nous allons remonter ensemble.

Rappelons que jusqu’en 1828, la commune de Rambouillet s’arrête alors au croisement de la rue d’Ablis (G. Lenotre) avec la rue de la Garenne (rue R. Patenôtre). Au delà commençait la commune de Gazeran, et il fallut attendre l’ordonnance de Charles X, le 19 juin 1828, pour que ces limites soient déplacées.

On voit au cadastre Napoléonien que c’est le grand domaine du Pavillon de la Marine qui constitue alors l’essentiel des terrains qui font face au cimetière, déplacé là en 1785, grâce à la participation financière de Louis XVI, et aux friches de la Garenne, où s’ébattaient les chiens de la meute. (Le Grand Chenil était à l’angle de la place de la Foire (place Félix Faure), à l’emplacement actuel de la Banque Populaire).

Les années passent. Les maisons se construisent en bordure de rue, depuis l’angle formé avec le boulevard Voirin (avenue du Maréchal Leclerc) qui abrita le premier cinéma de Rambouillet, au café-restaurant du Tivoli, et accueillit l’un des octrois de la ville (et aujourd’hui remplacées par les immeubles de la résidence du Tivoli).
Mais avant cela, c’est l’emprise de la voie ferrée, tracée en 1849, qui apporta un vrai changement au quartier, séparant physiquement le quartier de la Pierrefite, au nord (la route de Gazeran), qui accueillera plus tard le lycée Bascan, du Pavillon de la Marine, au sud.

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, le Pavillon de la Marine est divisé en deux domaines : celui du château du Vieux Moulin, construit en 1909 par le baron de Salcette, et le château des Sablons, construit en 1925 par Arthur Aube.

Entre les deux, le chemin du Racinay, qui conduit aux fermes du Petit et du Grand Racinay (ou Racinet) sur les terres d’Orcemont sera transformé en rue du Racinay, élargie à 8m en 1968 (indiqué par JBlecon, Historique des rues de Rambouillet).

Le Vieux Moulin

Je ne reviens pas ici sur l’histoire de ce domaine. Je lui ai consacré deux articles, l’un sur son histoire, l’autre sur sa vocation actuelle, en ligne sur le site.

La création de la rue du Racinay avait permis à son propriétaire d’en détacher plusieurs parcelles devenues constructibles, de même que d’autres en façade sur la rue G. Lenotre, au nord et au sud du domaine, réduisant au fil des temps sa surface de moitié.

Le domaine abrite désormais une résidence seniors, dont l’ouverture est prévue pour décembre 2024.

Les Sablons

Arrêtons-nous, par contre, sur ce domaine moins connu. (merci à Philippe-Jean Vallot de m’avoir fourni de précieuses informations).

Au recensement de 1901, Henri Duchêne et son épouse Marie sont domiciliés rue d’Ablis. Duchêne est à la tête d’une entreprise de couverture (et maçonnerie). Il vient d’une famille de onze frères et soeurs, mais le couple n’a pas d’enfants.

Cinq ans après, Arthur Aube, métreur-comptable est domicilié à la même adresse. (Il n’était pas rare qu’un métreur, chargé des devis, des relevés des temps et des matières sur les chantiers, et de leur facturation soit aussi le comptable de l’entreprise.)

Il a alors 27 ans, son patron en a 52. L’année suivante Arthur Aube épouse Paulette Thué dont le père est couvreur à Auffargis puis au Perray-en-Yvelines.

Henri Duchêne doit considérer son jeune métreur comme le fils qu’il n’a pas eu, puisque, outre leurs liens professionnels, et leur adresse commune, au recensement de 1921, Paulette Duchêne dont le mari est décédé en 1917 vit toujours avec la famille Aube, et elle est indiquée « belle-mère ».

publicité 1912

C’est sans doute dès 1914, quand Duchêne prend sa retraite à 60 ans, qu’Arthur Aube reprend son entreprise sous le nom de « A.Aube, succ. Ancienne Maison Duchêne ».

L’entreprise prend de l’importance. En 1920 elle rachète en outre la quincaillerie Roux-Petel de la rue Nationale. (voir l’article consacré à ce magasin que les Rambolitains appelaient « Titine »)

En 1925 Arthur Aube fait construire rue d’Ablis un petit manoir au milieu d’un beau parc arboré. Son entreprise est florissante. Il est adjoint au maire durant plusieurs mandats.

collection Daniel Grignon
collection Daniel Grignon

L’appellation du « château des Sablons » rappelle (comme la rue de la Sablière) que ces terrains sont sableux. On se souvient que c’est la qualité du sable qui avait conduit les Verreries d’Arleux à s’installer boulevard Voirin (av du Maréchal Leclerc).

Le terme de « château » se justifie plus par son emplacement au centre d’un très beau parc, et par le statut social de son propriétaire que par son architecture qui évoque plutôt une belle maison bourgeoise, voire un manoir.

Comme le rapporte Thierry Liot dans « Le domaine et la ville de Rambouillet » : « La tendance, quelque qu’en soit la forme est aux châteaux (…) qui se rapprochent (…) de la nature des villas, et les villas tendent de plus en plus à substituer leur confort (…) à la gravité hautaine et à la dignité plus accentuée des châteaux .» (C. Daly « L’architecture privée au XIXème siècle ».

La famille Aube réside aux Sablons jusqu’en 1935. Cette année là, elle cède le domaine à un voisin, l’avocat Georges Régnier. Sa fille épouse le journaliste Jean-Marie L’Allinec, dont le père a été directeur de l’hôpital de Rambouillet. Les Rambolitains parlent alors, tantôt du « château l’Allinec », tantôt de celui « des Sablons ».

Notons que l’entreprise Aube, pour sa part, conservera durant quelques années ses locaux au croisement de la rue G. Lenotre et de la rue du Racinay. André Couland succèdera à Arthur Aube, à la tête d’une sarl « Entreprise Arthur Aube » créée le 15 avril 1955, qui ne cessera ses activités que vers 1973.

En 1970 le domaine est cédé à un promoteur; le château est démoli, et remplacé par la résidence Lenotre.

Le Racinay

C’est d’abord le nord du quartier qui fait l’objet de constructions : 4 immeubles composent la résidence du Racinay, et un quartier pavillonnaire est maintenant desservi par le circuit principal rue de la Sablière / avenue du Parc et rue du Racinay, et quelques voies annexes.

cliché Géoportail 1968

Le parc du château des Sablons, comme celui du Vieux Moulin, demeurent des ilots de verdure… sur lesquels lorgnent tous les promoteurs.

Le bas de la rue de la Sablière, en bordure de la voie ferrée continue alors à abriter les services techniques de la ville. En 2012 ils sont remplacés par plusieurs immeubles (très rapprochés!) : 331 appartements dont 83 logements sociaux.

La résidence Lenotre

Comme pour la rue G. Lenotre, il est fréquent de la voir dotée d’un accent circonflexe, sans doute par confusion avec le jardinier Lenôtre. Théodore Gosselin –qui en était un lointain descendant – avait pourtant souhaité s’en distinguer par modestie. Raté !

Cette fois l’achat du domaine des Sablons permet de densifier l’habitat, avec la construction en 1972 des 9 immeubles de cinq étages qui constituent cette résidence. Quelques beaux arbres ont heureusement pu être sauvegardés pour le plaisir de ses occupants.

cliché Géoportail 1975

Aujourd’hui, après la rénovation du Vieux-Moulin, c’est au croisement de la rue de l’Etang d’Or, que se poursuit la densification de l’habitat, le long d’une des artères les plus importantes de la ville. En effet, la rue G. Lenotre est la voie d’accès aux zones commerciales du Bel-Air et de Brayphin, mais de plus, lorsque la circulation de la RN10 est bloquée par son rétrécissement, de nombreux véhicules l’empruntent, s’imaginant gagner du temps en traversant la ville !

Nous poursuivrons la visite de cette rue dans un prochain article.

Christian Rouet
Septembre 2024

Cet article a 2 commentaires

  1. Anonyme

    C’est toujours avec impatience que j’attends cette lecture, quel plaisir de découvrir cette histoire sur cette jolie ville de Rambouillet,plus j’en découvre et plus je me dis que le nous avons eu de la chance d’habiter dans cette si jolie région même si nous y sommes venus par hasard.
    Merci Monsieur de savoir si bien raconter et écrire l’HISTOIRE
    Myriam Hochet

  2. Anonyme

    Bonjour Monsieur.
    Merci pour cet article qui répond à toutes les questions que nous nous posions sur la Résidence Lenotre.
    Cet toujours un plaisir de vous lire.
    Bien cordialement.
    Véronique Goumain

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