Félix Faure, le président qui aimait Rambouillet

Précisons le tout de suite : rien de commun entre Sébastien Faure (lire l’article) et Félix Faure, si ce n’est d’avoir le même nom de famille. Notre anarchiste n’aurait sans doute pas souhaité que l’on lui prête une quelconque parenté avec un président de la République ! Le président, pas davantage…

Félix Faure est pour tous le président de la République, davantage connu pour les conditions de sa mort, que pour sa carrière politique.

Toutefois, à Rambouillet, il a bénéficié d’une sympathie et d’une reconnaissance toute particulière pour avoir, le premier, choisi le château comme résidence d’été, redonnant ainsi à la ville une renommée qu’elle avait perdue.

Et c’est à ce titre que Félix Faure mérite de figurer dans cette rubrique.

Après un résumé de sa vie, nous reviendrons donc sur les séjours de la famille Faure à Rambouillet.

La vie de Félix Faure.

Fils d’un petit fabricant de meubles du faubourg Saint-Antoine, Félix Faure, qui avait envisagé tout d’abord le métier des armes, entre en 1863 dans une maison de peausserie du Havre. Il a 22 ans.

Il épouse en 1865 Marie-Mathilde Berthe Belluo avec qui il aura deux filles.

En 1867, devenu négociant en cuir, il fonde sa première société, « Félix Faure et Cie » : il est alors l’un des premiers à acheter des cargaisons de peaux avant leur accostage en Europe, s’assurant ainsi un approvisionnement très concurrentiel.

Républicain modéré, de mieux en mieux accepté au Havre, membre de la Loge Maçonnique « Aménité »  il est élu aux élections municipales du 7 août 1870 sur la « liste démocratique » qui remporte tous les sièges. A 29 ans il en est le benjamin.

Il en devient le 3ème adjoint lorsque le conseil est remanié, à la suite de la proclamation par Gambetta de la IIIème République, après la défaite de Sedan.

Notable bien enraciné dans sa ville il est ensuite député de la Seine-Inférieure durant quatre mandats successifs, de 1881 à 1895.

Après avoir été sous-secrétaire d’État aux Colonies dans plusieurs cabinets successifs, puis sous-secrétaire d’État à la Marine et enfin ministre de la Marine, il est élu à 54 ans président de la République, le 17 janvier 1895, à la suite de la démission de Jean Casimir-Perier.

Il le restera 4 ans, durant lesquels il sera l’acteur du rapprochement avec la Russie, recevant le Tzar Nicolas II à Paris, et lui rendant visite en Russie en 1897, dans cadre de l’Alliance franco-russe.

Toutefois, en politique intérieure, on retient surtout de son mandat la regrettable affaire Dreyfus, qui divisa la France de 1894 à 1906.

C’est à lui que Zola adresse dans l’Aurore du 13 janvier 1898 son fameux « J’accuse ».

En fait il semble que Félix Faure a été assez rapidement convaincu de la non-culpabilité de Dreyfus, mais il reste opposé, par légalisme, à la révision de son procès, et celui-ci ne sera engagé qu’après sa mort, malgré une pression de plus en plus forte de l’opinion publique.

En dehors de Rambouillet, Félix Faure n’a pas été un Président particulièrement populaire. Outre les retombées de l’affaire Dreyfus, les Français lui ont reproché un goût du faste et de l’élégance vestimentaire qui l’avait fait surnommé le « Président Soleil », et qu’ils apprécient chez un roi ou un empereur, mais pas chez un républicain. D’autres que lui l’ont appris à leurs dépens…!

Quoi qu’il en soit, l’opposition ne le ménage guère. A sa mort, Clémenceau se permet ces formules lapidaires : « En entrant dans le néant, il a dû se sentir chez lui » ou encore « Ça ne fait pas un Français en moins, mais une place à prendre ». De quoi l’assassiner s’il n’était déjà mort !…

Sa mort.

Tout le monde connaît cette autre formule, attribuée également à Clemenceau : « il voulait être César; il finit Pompée ».

Meg, surnommée « la pompe funèbre »

Sans entrer dans les détails, on sait que le 16 février 1899, à l’âge de 58 ans, c’est dans le Salon Bleu de l’Elysée, et dans les bras de sa maîtresse Marguerite Steinheil, dite « Meg », épouse volage du peintre Adolphe Steinheil, qu’il meurt, d’une mort qui fait les délices des chansonniers – et qu’à tout prendre, bien des hommes choisiraient.

Au prêtre demandant à son arrivée : « Le président a-t-il toujours sa connaissance ? » l’huissier aurait répondu : « Non, elle est sortie par l’escalier de service ! »

 Ses obsèques nationales sont célébrées le 23 février 1899.

Pendant le défilé Paul Déroulède et Marcel Habert, le député de Rambouillet, tous deux leaders de la Ligue des Patriotes qui a tenté dix ans avant de porter le Général Boulanger au pouvoir, jugent le moment opportun pour un coup d’Etat.

Saisissant la bride du général Roget ils essayent de l’entraîner avec ses troupes à l’assaut de l’Elysée, mais sans succès.

Déroulède et Habert sont arrêtés, déchus de leur mandat parlementaire puis condamnés à cinq ans d’exil. (lire cet article)

Félix Faure à Rambouillet

A la fin du XIXème siècle, le château de Rambouillet est démeublé, et sans affectation particulière. Le duc de la Tremoille loue le domaine, pour 10 000 francs par an, mais ne l’occupe que durant la saison de la chasse. Il y reçoit le prince de Galles, le maréchal de Mac-Mahon, les princes d’Orléans… A l’expiration de son bail en 1883, il offre de tripler le prix de sa location pour en conserver la jouissance, mais le président Jules Grévy, qui a coutume d’y chasser, décide de réserver le château pour la réception d’invités de marque.

Toutefois le château demeure inoccupé, car au grand désappointement des Rambolitains, ni Grevy, ni ses successeurs, les présidents Carnot et Casimir-Perier, qui viennent y chasser, ne choisissent de séjourner sur place.

En 1895, quand il remplace Casimir-Perier à la présidence de la République, Félix Faure qui a apprécié le cadre de Rambouillet lors de plusieurs chasses agréables, décide de profiter du château comme résidence familiale, et d’y faire revivre le faste des réceptions d’antan.

Ce choix satisfait parlementaires et sénateurs, car Rambouillet est d’un accès facile, grâce au train.

Et naturellement, il ravit tout particulièrement les Rambolitains car il redonne à leur ville, renommée, occasions de réceptions grandioses et de fêtes… et constitue un apport substantiel à l’économie locale.

C’est le samedi 19 septembre 1896 que la famille Faure passe son premier séjour au château. Mme Faure et leur fille Lucie sont arrivées la veille en train, sans être remarquées, et ont gagné le château en calèche. Le président est accueilli le lendemain par les autorités civiles de la ville, pavoisée pour la circonstance. Deux enfants habillés l’un en turc, l’autre en zouave lui offrent des bouquets devant la sous-préfecture et le président accueille avec plaisir les acclamations des « bons habitants de Rambouillet, gens paisibles s’il en fut ».

Le 22 septembre 1897, pour son second séjour, la ville a dressé un portique « à Félix Faure, la ville de Rambouillet, France-Russie » et un escadron de chasseurs à pied est venu de Vincennes pour faire escorte au président. « La ville se sentait fière de posséder dans ses murs le président et sa famille pour la période des chasses. Le château et ses occupants semblaient, à cette époque, faire partie de la ville. » commente Mme Champrenault dans un article de la SAVRE.

 Pendant son séjour le président reçoit beaucoup : le roi de Grèce, le roi du Siam, le roi des Belges, le roi Alexandre de Serbie et son père, l’ex-roi Milan, le général Kouropachkine, ministre russe de la guerre… Chacun traverse la ville, précédé de musique et escorté de militaires à cheval : cela constitue un spectacle apprécié par les Rambolitains qui se massent sur leur parcours.

Les personnalités locales sont invitées dans plusieurs cérémonies officielles, et madame Faure reçoit les épouses que madame Leddet, la femme de l’officier des chasses, est chargée de lui présenter.

Un jour, dans la salle des marbres, c’est Louis Lumière lui-même qui vient présenter à la famille Faure des vues prises lors du voyage du président en Russie. Pour la circonstance douze pensionnaires de l’orphelinat ainsi que vingt élèves de l’école des enfants de troupe, sont invités, en même temps que les familles des chefs de service de Rambouillet.

le président dans son cabinet de Rambouillet

Félix Faure soigne son image : les journaux de l’époque le représentent souvent, au travail dans son cabinet, dans le parc du château, à la chasse …

Il aimerait aussi se promener incognito dans les rues de Rambouillet, mais doit y renoncer, car avec l’affaire Dreyfus il reçoit de nombreuses lettres de menace, et doit être constamment accompagné d’un garde du corps.

On le voit ici dans le parc du château, et à la chasse à Rambouillet : ces photos font la fierté des Rambolitains et les parisiens sont nombreux à prendre le « train du plaisir » pour passer le weekend dans la forêt de Rambouillet.

En 1898, le séjour des Faure n’a pas l’éclat des années précédentes. La popularité du président est au plus bas, minée par la demande de révision du procès de Dreyfus, après le suicide du colonel Henry, et l’agitation anarchiste… La santé de Félix Faure s’en ressent.

Madame Faure est victime d’un refroidissement, et de nombreuses réceptions sont annulées. De plus, le gibier se fait rare, au point qu’on parle de la nécessité de le ménager l’année suivante.

Ce séjour, qui se termine le 19 octobre 1898, sera le dernier : Félix Faure décède le 16 février suivant.

Dans le Progrès de Rambouillet, l’éditorial de Jules Maillard traduit l’émotion des Rambolitains :

« Les habitants de Rambouillet ont vu de près, dans sa simplicité, d’une dignité presque majestueuse dans son amabilité, cet homme extraordinaire, qui, du rang de l’ouvrier s’était élevé par sa grande intelligence et son travail au premier rang des citoyens.

Il aimait Rambouillet à cause du calme qu’il y trouvait, à cause de la chasse qui était une de ses grandes passions, à cause de la population qui lui était attachée et se trouvait en parfaite communion d’idées, de goûts et d’aspirations avec lui. » 

 Le conseil municipal, très touché par ce décès témoigne de son émotion auprès du Président du Conseil, et auprès de madame Faure .

Après le décès de Félix Faure, le château restera résidence d’été de tous les présidents, jusqu’à René Coty.

Il continuera ensuite d’accueillir des présidents et des hôtes de la République jusqu’à Valery Giscard d’Estaing, et à être le siège des chasses présidentielles jusqu’à leur suppression en 2010 par Nicolas Sarkozy.

Les relations des présidents avec les Rambolitains seront toujours cordiales – même si le général de Gaulle apprécia peu le vote des Rambolitains en faveur de l’Union de la Gauche, et sut le montrer.  Cependant elles ne seront jamais chargées d’une aussi grande sympathie que celle éprouvée envers celui qui reste à jamais dans notre mémoire le premier président à avoir choisi Rambouillet.

C’est dire si la proposition de donner à la place de la Foire le nom de Félix Faure, le 8 février 1904 fit l’unanimité, (lire l’article).

Et le choix de ce nom n’a jamais été remis en cause pour cette place dont l’importance n’a cessé d’augmenter.

Christian Rouet
Février 2021

Cet article a 2 commentaires

  1. Ghys christine

    Belle initiative de la part du président Félix FAURE, Il a sauvé le château de rambouillet, belle architecture, beau château…….je vois Hubert que tu t’intéresses à l’histoire de ta ville, j’ai toujours aimé rambouillet….

  2. COUFOURIER HUBERT

    Merci pour ce moment de lecture que j’apprécie énormément.

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