Le commissariat de police de Rambouillet
On peut faire remonter l’histoire du commissariat de Rambouillet à 1825. Il a, depuis, occupé quatre emplacements successifs, pour s’adapter aux besoins d’une population qui s’est multipliée par 10 depuis cette date.
Ce sont ses déplacements et ses différents locaux que je voudrais rappeler aujourd’hui, et non l’organisation de notre police, entre gendarmerie, police nationale et municipale. Toutefois un bref rappel historique s’impose en préambule.
La police d’autrefois :
Le mot « police » vient de polis, la cité. En ancien Français, le mot « pollice » désigne tout d’abord le gouvernement, avant de se limiter à la seule mission de maintien et de rétablissement de l’ordre.
Dans l’ancien régime, c’est le bailli de Rambouillet qui cumule les pouvoirs de police et de justice. Le siège de la police est donc situé dans les locaux du bailliage. Louis XVI fait construire un nouvel hôtel du bailliage en 1786 et la police s’y installe avec le tribunal. L’immeuble communique directement avec les prisons situées à l’arrière, sur l’actuelle place Marie Roux.
En 1790, la Révolution transforme radicalement toute l’organisation administrative et judiciaire du pays. Rambouillet dispose alors, pour le maintien de l’ordre, de gardes champêtres, qui sont des employés municipaux. Avec les gardes forestiers, ils surveillent les délits commis dans les campagnes et dans les forêts. Leurs droits s’étendent à la chasse et à la destruction d’animaux nuisibles. Le garde de ville reste dans l’agglomération.
En cas de besoin les gardes font appel à la gendarmerie nationale, qui a remplacé en 1791 l’ancienne maréchaussée.
Cependant, dans cette période troublée, la délinquance augmente. Pour la contrer, le Directoire crée le Ministère de la Police Générale.
Dans le cadre de la loi du 2 janvier 1796, le maire (« président d’administration ») est le responsable de la police dans sa commune, lorsque sa population ne dépasse pas les 5000 habitants – ce qui est le cas des onze communes du canton : Rambouillet, la ville la plus importante n’en compte que 3000.
A ce titre, il lui appartient de « faire jouir les habitants des avantages d’une bonne police, notamment de la salubrité, de la sécurité et de la tranquillité dans les rues, lieux et édifices publics ». La police a pour mission « de maintenir habituellement l’ordre public dans chaque lieu et dans chaque partie de l’administration principale; elle tend particulièrement à prévenir les délits ».
Déjà à cette époque les réformes sont difficiles à faire adopter ! En moins de 4 ans, 9 ministres se succèdent à la tête de la Police Générale, jusqu’à la nomination de Fouché en 1799. C’est lui, après le coup d’état du 18 brumaire qu’il a favorisé, qui donne une impulsion nouvelle à l’institution policière.
Une nouvelle organisation est alors mise en place et elle connaîtra plusieurs réformes jusqu’à la IIIème République, tantôt pour centraliser les pouvoirs de police au niveau départemental, entre les mains du Préfet, représentant de l’Etat, tantôt pour les donner au maire, à l’échelon communal, dans un souci de décentralisation.
Le commissariat de police de Rambouillet est créé en 1825, avec une organisation qui combine les deux niveaux de compétence.
Le commissaire de police doit » assurer le bon ordre, la sûreté et la salubrité publique » dans la commune, sous les ordres du maire. Cependant c’est le préfet qui le nomme, le gère administrativement, et peut seul le révoquer.
Le commissariat de Rambouillet
Lors de sa création, le commissariat est installé dans les locaux de la mairie.
En 1896, le tribunal et la prison sont transférés dans de nouveaux locaux mitoyens, à l’angle de la rue Gambetta et de la rue Pasteur. Mais le commissariat reste dans ses anciens locaux.
Bénéficie-t-il de plus de place ? Non, car les pièces disponibles sont récupérées pour abriter les services administratifs de la mairie, et lui permettre d’assurer ses nouvelles missions.
Le commissariat ne dispose donc toujours que d’une pièce principale et de deux pièces destinées aux gardes à vue, et 30 ans après, le journal l’Indépendant s’en indigne dans son édition du 4 avril 1908
Mais au moins les gardes champêtres ont-ils obtenu un uniforme.
Est-ce en raison de ce manque de locaux que dans les annuaires et almanachs des années 1910 à 1914 le commissariat est référencé dans ses locaux de la mairie, mais également au domicile personnel du commissaire, rue Sadi-Carnot, comme pour conseiller aux administrés de s’y rendre plutôt ? On y lit que le garde champêtre est joignable de même chez lui ( il est en même temps concierge de la mairie, logé sur place ) et le garde de ville, en son domicile rue d’Angiviller.
Il faut attendre 1958 pour que le commissariat quitte enfin ses locaux de la mairie, pour un immeuble situé au 4 rue de Penthièvre, à côté de la boulangerie Briant.
Il s’agit d’un immeuble précédemment loué en appartements, et le commissariat se trouve ainsi à mi-chemin entre la mairie et l’ensemble prison/tribunal/gendarmerie.
Je n’ai pas trouvé de photo de la façade du bâtiment, mais on en voit bien l’arrière, sur cette vue aérienne.
Cependant la population de Rambouillet passe de 10 000 habitants en 1958 à plus de 15 000 en 1970 et les locaux de la rue de Penthièvre sont vite trop exigus.
De nombreux projets de déplacement sont repoussés, faute de crédits, et comme, entre-temps, les grosses réparations d’entretien sont négligées, le local se délabre au point que sa toiture finit par s’effondrer en 1972.
L’année suivante, une solution est enfin trouvée. C’est la nécessité d’élargir la rue de Penthièvre, à la suite du percement de la rue d’Angiviller, qui conduit à la démolition du commissariat, et à son transfert en 1973 au 91 rue Gambetta.
Il y occupe une maison d’habitation en meulières sur deux niveaux plus combles (dont l’extérieur n’a pas changé depuis son départ).
Cependant, ce nouvel emplacement ne saurait être que provisoire, car l’accroissement de la population se poursuit et atteint les 20 000 habitants en 1990. Il faut à nouveau trouver de nouveaux moyens humains, financiers … et plus de place.
L’obtention des autorisations et des financements nécessaires de la part du Ministère de l’Intérieur pour doter le commissariat de locaux appropriés demande une longue bataille, dans laquelle le sénateur-maire Gérard Larcher s’investit totalement.
Afin de faciliter la construction de locaux neufs, la ville fait don à l’Etat d’une partie du terrain libéré lors de la démolition de la prison de Rambouillet.
Présenté au public en avril 1992, le projet tarde encore quelques années, mais le 2 décembre 1996, l’inauguration du nouveau commissariat peut enfin avoir lieu, ainsi que le rappelle une plaque apposée dans le hall.
Les architectes en sont Béatrice Dollé et Christian Labbé. Ils résument ainsi l’esprit de leur projet (Art et Architecture mars 2002) :
« Le projet s’est efforcé de résoudre la contradiction de présenter, d’une part, une image institutionnelle d’un bâtiment public, émanation de l’autorité de l’Etat, et d’autre part, une certaine idée du service public en donnant une image accueillante et rassurante. »
Anita Weber, directrice de la DRAC relève que cette volonté d’offrir le meilleur accueil se retrouve dans le choix des options prises dans le cadre du « 1% artistique » ( la loi impose que 1% du budget de construction d’un établissement public soit consacré à la commande ou l’acquisition d’une œuvre d’un artiste vivant, spécialement conçue pour le bâtiment considéré).
En 1996 c’était la première fois que ces textes s’appliquaient à un établissement du Ministère de l’Intérieur.
« Il s’est agi de confier l’aménagement du hall d’entrée à un designer.
Martin Szekely a été chargé à la fois de concevoir une banque d’accueil spécifique et de choisir les autres éléments mobiliers et leur positionnement. La banque d’accueil en bois massif, naturel et noir, comprend deux postes de travail, un plan d’accueil, un présentoir à imprimés et un écritoire. Elle est éclairée en trois points par de larges abat-jours blancs, assez hauts pour régler l’intensité lumineuse.Martin Szekely a choisi de la placer en biais de manière à induire la circulation du public. Les sièges, banquettes, porte-revues, cendriers, corbeilles, vitrines destinées à l’affichage administratif ont été choisis dans le même esprit de rigueur et d’intégration à l’architecture. »
Si cette description ne suffit pas à vous donner envie de vous faire arrêter, j’y ajoute ces photos de l’intérieur des locaux de Rambouillet, tirées d’un rapport d’inspection de 2004 !
La police municipale
En renfort de la police nationale, une municipalité peut doter volontairement sa commune d’une police constituée d’agents municipaux. La ville de Rambouillet a fait ce choix, et elle dispose actuellement de 18 agents, dont 4 ASVP (agents de sécurité de la voie publique) qui remplacent les anciens « gardes champêtres ». Ses actions sont complémentaires avec celles de la police nationale, et son rôle est plus spécifiquement axé sur la sécurité publique.
En octobre 2022 la police municipale a quitté ses anciens locaux de la rue du village, qu’elle occupait depuis 2003, pour des locaux plus spacieux et plus accueillants, 4 rue Jean Moulin.
Je n’en parlerai pas davantage ici, mais évoquer nos policiers municipaux me permet d’ajouter cette photo qui rappellera sans doute des souvenirs aux anciens Rambolitains : le brigadier Mehl. Il promenait sa longue silhouette dans les rues de la ville, surveillait la sortie des écoles, et vérifiait la présence des disques de stationnement, à l’époque où la ville n’était pas encore équipée de parcmètres. Quand il repérait une voiture en faute, il entrait dans la boutique, ou frappait au carreau pour un avertissement sans frais.
Sans frais ? L’usage en a été perdu !
Christian Rouet
décembre 2022
PS : vous savez sans doute que les policiers sont appelés des poulets depuis qu’en 1871 la Préfecture de Police de Paris a pris la place de l’ancien marché aux poulets de la capitale, sur l’île de la Cité.
Mais savez-vous d’où vient le cri « 22 !» pour signaler l’arrivée de la police ? Non ? Eh bien en fait personne ne le sait vraiment. Il est avéré depuis 1863. Parmi la bonne vingtaine d’explications qui circulent sur internet, celle qui me semble la plus sérieuse c’est que les ouvriers imprimeurs criaient 22 pour signaler l’arrivée de leur contremaître, et 44 celle de leur patron, en référence à la taille des caractères utilisés (cette page est en corps 12 : une lettre en 22 attirerait votre attention, non ?). Mais si cet usage du « 22 ! » dans l’imprimerie est bien avéré, rien n’explique comment ou pourquoi il aurait été repris par les voyous…
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Ce nouveau commissariat a été inauguré par Monsieur Jean Louis DEBRE alors Ministre de l’Intérieur.
Pas certain que ce 22 chez les imprimeurs soit si avéré que ça, puisqu’Eugène Boutmy ne l’évoque même pas dans son « Dictionnaire de l’argot des typographes » en 1883 (https://fr.wikisource.org/wiki/Dictionnaire_de_l%E2%80%99argot_des_typographes_1883).
Il semble en fait que l’origine réelle de ce « 22 ! » se soit perdu dans la nuit d’Étampes. 😉