Napoléon à Rambouillet

weekend impérialLes 7 et 8 octobre 2023, le château de Rambouillet propose « une immersion au coeur de l’époque napoléonienne, lors d’un weekend impérial ».

En marge de cette évocation festive, il m’a semblé intéressant de rappeler quelques aspects de la relation entre Napoléon et les Rambolitains.

Pourquoi l’empereur s’est-il intéressé à notre cité, et quels souvenirs gardons-nous de ses passages ?

Pourquoi Rambouillet ?

Sous l’ancien-régime la totalité du royaume de France « appartient » au roi. Toutefois, tous les souverains, jusqu’à Louis XVI ont toujours fait la distinction entre les biens du royaume dont ils sont les suzerains, et les biens qui leur appartiennent en propre, et leur assurent des revenus comme à n’importe quel propriétaire.

Les revenus des biens du royaume alimentent le Trésor Royal, et couvrent les dépenses effectuées pour l’armée, les infrastructures … en bref le rôle régalien de l’Etat dont le roi est, par nature, l’incarnation.
Les revenus du patrimoine personnel du roi alimentent la cassette royale, qui finance l’entretien de ces biens, et lui permettent de satisfaire « son bon plaisir », sans avoir même à en informer son conseil.

Le 23 décembre 1786 Louis XVI achète à son cousin le duc de Penthièvre, le domaine de Rambouillet. Cet achat ne présente pas d’intérêt pour le Royaume, il le paye donc avec ses fonds personnels, et c’est sur la cassette royale que son gouverneur, le Comte d’Angiviller, entreprend en son nom de nombreux chantiers au château et dans la ville.

la liste civileLa Révolution fait de tous les biens du royaume, ainsi que de tous les actifs du roi, de l’Eglise et de la noblesse des biens nationaux. Beaucoup sont vendus aux enchères pour alimenter les caisses de la Nation. Cependant; en 1789, les révolutionnaires ont seulement prévu de substituer une monarchie constitutionnelle à l’absolutisme royal. Pour exercer ses fonctions de roi des Français, Louis XVI a donc besoin de disposer de revenus. Le 7 octobre l’Assemblée Nationale décide de le doter d’une « liste civile » sur le modèle anglais.

Outre une dotation annuelle de 25 millions, le roi reçoit ainsi la jouissance (et donc les revenus) de « Versailles, le Louvre, les Tuileries, l’Élysée, Marly, Meudon, Saint-Cloud, Saint-Germain-en-Laye, Rambouillet, Compiègne, Fontainebleau, Strasbourg, Pau, Bordeaux, des forêts, des terres et divers bâtiments plus secondaires », à charge pour lui d’en supporter toutes les charges.

Tous ces biens échappent ainsi au démembrement et à la vente.

La destitution du roi, après l’échec de sa fuite à Varennes, met fin à cette liste civile, et ces domaines perdent leur statut privilégié. Tous les chantiers de Rambouillet sont arrêtés. Certains biens, comme le palais du Comte d’Angiviller, ou des parties du parc, sont vendus; d’autres, comme le château, ne trouvent pas preneurs et restent à l’abandon.

Le 28 floréal An XII (18 mai 1804), une nouvelle Constitution fait de Napoléon Bonaparte, alors Premier consul de la République, l’Empereur des Français. Il bénéficie donc à ce titre de la liste civile qui avait été attribuée à Louis XVI (« Article 15: La liste civile reste réglée ainsi qu’elle l’a été par les articles 1 et 4 du décret du 16 mai 1791 » ).

C’est ainsi que Napoléon reçoit la jouissance de Rambouillet, sans l’avoir particulièrement souhaité. Il vient visiter son domaine pour la première fois le 4 novembre 1804, un mois avant son sacre.

Les séjours de Napoléon à Rambouillet

Le château est à l’abandon depuis 1791, et l’empereur charge immédiatement l’architecte Trepsat d’en réaliser un audit, et d’en faire un relais de chasse confortable.

Entre cette première visite et la dernière nuit qu’il y passera le 30 juin 1815, en route pour Sainte-Hélène, Napoléon séjourne au plus 46 jours (ou nuits) à Rambouillet.

46 ? C’est peu pour faire de Napoléon un véritable Rambolitain ! Cependant c’est beaucoup si l’on considère que l’empereur a passé le plus clair de son temps en campagne dans toute l’Europe !

Et d’ailleurs, jusqu’à ce que le comte de Toulouse, quittant le Conseil Royal, prenne sa retraite dans son château de Rambouillet, aucun de ses propriétaires successifs n’y avait jamais résidé de façon permanente. Les seigneurs d’Angennes, par exemple, ont toujours habité Paris, où leurs fonctions les obligeaient à résider près du roi; et Rambouillet n’a jamais été que leur « résidence secondaire ».

Napoléon n’est venu que 12 fois à Rambouillet, dont 6 fois pour une seule journée (ou nuit, voire pour seulement quelques heures ). Son séjour le plus long a duré 10 jours. 
En voici la liste complète : 4 novembre 1804, 2 mai 1806, 16 au 26 août 1806, 7 au 15 septembre 1807, 14 août 1808, 29 au 30 octobre 1808, 10 au 14 mars 1809, 21 au 23 février 1809, 21 au 23 février 1810, 2 juillet 1810, 14 au 22 mai 1811, 6 au 13 août 1811 et 29 juin 1815.

Durant ses séjours, il travaille, avec cette faculté qu’il a de suivre de loin mille dossiers en même temps, et de multiplier les instructions. Il reçoit, écrit beaucoup. C’est par exemple de Rambouillet qu’il écrit à l’empereur d’Autriche pour lui demander la main de sa fille Marie-Louise.

A plusieurs reprises il s’entretient avec les notables de Rambouillet, dont le maire Boulle, puis son successeur Levasseur.

Et naturellement, il profite de ses séjours pour chasser.

Nous lui devons …

Le château:

« Il est dans un tel état de délabrement, écrit Trepsat, que toutes les réparations qu’on y ferait seraient en pure perte ».

L’empereur a souhaité d’abord en faire un pavillon de chasse, mais il demande bientôt qu’il devienne « un château propre à lui servir d’habitation ». Commencés en août 1805 les travaux le rendent habitable en trois mois. La toiture a été refaite, les murs consolidés… Le château reçoit du mobilier du Trianon. 

En 1806 l’architecte Famin remplace Trepsat à qui l’empereur reproche la démolition d’une tour qui aurait sans doute pu être conservée.

Au cours du séjour de février 1810 un peintre s’attire la colère de l’empereur pour avoir eu l’idée d’orner sa salle de bains des portraits de sa mère et de ses soeurs, ce que Napoléon juge hautement inconvenant !. 

Le parc

Le parc est remis en état, avec notamment de nouvelles plantations sur les îles, en face du château. A partir de graines importées sous l’administration de Louis XVI, et restées inutilisées, l’allée des cyprès chauves est plantée en 1805. Elle sera malheureusement détruite par la tempête de décembre 1999.

Les canaux et pièces d’eau sont curés. Une flottille de gondoles et barques permet d’en profiter agréablement.

Le palais du gouvernement

Le 23 août 1797 il avait été vendu au député Paulian qui en avait commencé le démembrement et la vente comme matériaux de construction. Incapable d’en payer le prix, il avait finalement été déchu de ses droits, et le bâtiment, à demi ruiné, avait été réintégré à la liste civile de l’empereur.

Dès sa nomination Famin propose de le reconstruire. Les travaux sont entrepris début 1807, pour y installer 6 appartements. Cependant, après la naissance de son fils, le 20 mars 1811, l’empereur décide d’en changer l’affectation et d’en faire le palais du Roi de Rome.

Il était toujours en cours d’aménagement lorsque l’empereur abdique en février 1814. Les aigles, les abeilles impériales et les N qui l’ornaient sont rapidement retirés, et son premier occupant est le duc de Serent, nommé gouverneur de Rambouillet par Louis XVIII.

L’hôtel du bailliage

Louis XVI avait promis d’en faire don à la ville de Rambouillet, mais l’acte n’ayant jamais été régularisé, la ville n’en était toujours que locataire. Mis en vente lors de l’annulation de la liste civile du roi, le bâtiment n’avait pas trouvé preneur, et la ville en poursuivait l’utilisation à titre de bailliage (tribunal) moyennant un loyer annuel de 1000 francs.

Lors de son séjour d’août 1806, l’empereur, sollicité par le maire, en fait don à la ville. L’acte de donation sera régularisé en 1810.

Une plaque commémorant ce don a été apposée sur le fronton de l’immeuble (actuelle mairie).

La filature du duc de Penthièvre

En 1778 le duc avait créé, dans le prolongement de l’hôpital, une filature destinée à donner du travail aux enfants nécessiteux. Un décret de la Convention avait rendu inaliénables les établissements de bienfaisance, mais, faute de financement, celui-ci était resté fermé.

En 1804 l’immeuble devient maison d’accueil pour les enfants mâles des militaires morts à Austerlitz.

De 1812 à 1814 elle abrite une manufacture qui produit du sucre de betteraves en remplacement de celui des Antilles dont le blocus anglais prive la France. Elle ferme après des résultats décevants.

Le lavoir de Groussay

Le lavoir, financé vers 1730 par le comte de Toulouse est inutilisable, et la ville sollicite l’aide de l’empereur pour en construire un nouveau. Napoléon accède à cette demande, et verse 15 000 francs, de sa cassette personnelle. Le lavoir est un petit bassin d’environ 30m de long, creusé notamment par des prisonniers de guerre, sous la direction de l’architecte Mariaval. En fait il s’agit surtout de canaliser l’étang, et les documents d’époque parlent d’ailleurs de l’étang-lavoir ou du canal-lavoir. Il est alors prévu que l’écoulement des eaux devra se faire par un réseau d’égouts, dits « Egouts Napoléon » , toutefois ceux-ci ne seront jamais utilisés.

La sous-préfecture

Avec beaucoup de constance Henry Levasseur, redevenu maire de Rambouillet en 1808, cherche à obtenir que Rambouillet devienne chef-lieu d’un nouvel arrondissement de Seine et Oise.

Il obtient finalement satisfaction et le 27 août 1811 il devient le premier sous-préfet de Rambouillet. A l’empereur qui demandait si la ville disposait de locaux pour accueillir la sous-préfecture, Levasseur avait proposé qu’elle soit installée chez lui, à l’emplacement de l’actuelle sous-préfecture.

Cette décision administrative, comme celle de maintenir un tribunal à Rambouillet (dans l’hôtel du bailliage, actuelle mairie) ont été deux mesures dont les effets ont été particulièrement importants. Rambouillet était en concurrence avec des communes voisines, comme Dourdan, et cette décision impériale a assuré durablement son développement.

Le Pavillon de Pourras

Nous sortons là de Rambouillet, mais rappelons que l’empereur appréciait la chasse (même si ses multiples occupations ne lui en donnaient pas beaucoup le loisir).

On lui doit la remise en état de la chaussée qui sépare les étangs de Saint-Hubert et de Pourras (une plaque commémorative rappelle ces travaux), et sur la rive sud, la construction du pavillon de Pourras, dont les ruines existent toujours, et sont régulièrement débroussaillées par les volontaires de la Sarraf.

Ai-je oublié quelque chose ? Oui certainement, car même si Napoléon n’a passé que 46 jours à Rambouillet, son intérêt pour la ville était grand, et il suivait à distance l’avancement de ses projets, comme il le faisait dans tous les domaines.

De son côté, Henry Levasseur, soutien indéfectible de l’empereur, avait souhaité l’honorer en changeant de sa propre initiative le nom de plusieurs rues de Rambouillet.

C’est ainsi que le 1er octobre 1812, la rue d’Angiviller était devenue «rue de Borysthène », la rue de Penthièvre, « rue de Witpeck », la rue Lachaux, « rue de Smolenck » et la rue Poincaré,« rue de Moskou » afin de célébrer les victoires de Napoléon dans sa campagne de Russie. Son arrêté avait été abrogé 18 mois plus tard, mais les actes notariés passés durant cette période avaient respecté la nouvelle nomenclature (ce qui n’avait pas été le cas, lorsque des noms révolutionnaires avaient été adoptés en 1794, pour notre ville rebaptisée Plaintsbois !)

L’empereur pensa-t-il souvent à Rambouillet, durant ses dernières années d’exil à Sainte-Hélène? En tous cas il légua au gardien Hebert, un ancien grognard, une somme de 20 000 francs : c’est le dernier Rambolitain à avoir approché Napoléon, le 30 juin 1815 à son départ par la grille de Guéville.

Alors, tout ceci ne mérite-t-il pas l’organisation d’un weekend impérial ?

Christian Rouet
octobre 2023

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