L'étang de Coupe-Gorge

En ce samedi de vacances, je vous accompagne autour de l’étang de Coupe-Gorge, un endroit bien sympathique, en dépit de son nom.

Je n’ai pas recherché l’origine précise de ce toponyme, mais son sens est évident. Au Moyen-âge la forêt n’était pas sûre. « On ne saurait dénombrer les meurtres et tentatives de viol qui se sont déroulés dans la dépression de l’étang du Moulinet et au Grand Coin du Bois » écrit Pierre de Janty (Forêt, chasses et château de Rambouillet, 1947).
Près de Rochefort, il y a un bois de Coupe-Gorge. Près de Bullion,  une Fosse aux Larrons. A l’orée du bois de Batonceau, un  carrefour du Crime et sur le chemin de Montfort à Saint-Léger,  un carrefour des Voleurs.

Plus tard ce sont de malheureux cerfs qui y ont laissé la vie, et les chroniques des chasses à courre royales signalent très souvent un hallali à l’étang de Coupe-Gorge. On y apprend de même que le cerf y a battu l’eau vingt-cinq fois entre 1770 et 1790, et qu’un bateau de chasse s’y tenait constamment prêt.

Bien plus près de nous, l’étang de Coupe-Gorge a eu durant des années une bien mauvaise réputation. « Si le lieu est connu pour attirer des hommes en quête de relations sexuelles avec d’autres hommes, depuis la fin mai « l’activité » s’est fortement développée. À tel point que, mardi, en fin d’après-midi, les policiers ont comptabilisé près de vingt voitures stationnées sur l’un des parkings de l’étang. »(A.Schwarz, Echo Républicain du 4 juillet 2015)

Cependant l’étang a perdu depuis sa réputation sulfureuse et n’attire plus que les amoureux du paysage.

La route du Coupe-Gorge commence en face de la Grille aux Lapins, à la sortie de Rambouillet vers Saint-Léger. Elle conduit aux deux petits parkings, à gauche et droite, juste au bord de l’étang. Vu l’état de la chaussée, on ne peut plus parler de nids de poules, ou alors il s’agit de poules géantes (je râle, mais je peux comprendre cependant que cet accès n’est pas un axe prioritaire !). Au surplus on n’y risque pas l’excès de vitesse, sauf à y être seul, car les voitures doivent mordre sur le bas-côté pour s’y croiser.

Bref… délaissant la petite route de gauche qui conduit au loueur de bicyclettes, nous voici donc garés au bord de l’étang.

Coupe-Gorge a été créé artificiellement, en barrant la vallée. Ce barrage fait l’objet d’études et devra être consolidé. En attendant, il est interdit aux voitures et n’est plus franchi que par des véhicules de sécurité ou d’entretien.

La route qui vient de Rambouillet est donc un cul-de-sac. Pour rejoindre le côté nord de l’étang en voiture, il faut désormais rejoindre la route de Coupe-Gorge par la rue de la Croix Saint-Jacques, au Perray-en-Yvelines. Au bord du parking, des tables et bancs permettent de pique-niquer en dominant l’étang.

l’étang un soir

En amont, cet étang de 2,5 hectares est alimenté par la rigole des Plauviettes depuis les étangs de Hollande, au nord des Bréviaires. En aval, il alimente lui-même, par un ru long de 1,2km, l’étang de Gruyer, lui même relié à l’étang du Moulinet et à l’étang de la Grenouillère.

Leurs eaux rejoignent finalement les bassins du château de Rambouillet, et donnent naissance à la Guéville.

Un beau parcours qu’il serait merveilleux de pouvoir descendre en barque, mais aucun de ces rus n’a jamais été navigable, et, en fait, ils sont à sec la plus grande partie de l’année.

Quant aux étangs, ils servent de bassin de rétention, dans le cadre d’un vaste plan de protection des zones inondables de Rambouillet.

Le site de l’étang est particulièrement intéressant. Il peut être bucolique par beau temps, lorsque les arbres se reflètent dans l’eau bleue. Il devient romantique, voire inquiétant quand les eaux sont noires et que l’étang devient le royaume des ombres.

l’étang en hiver

La rive ouest de ce grand haricot, ou mieux, de cette crosse de hockey, est plate. Une allée cavalière doublée d’un petit sentier, serpente sous des chênes ou autres feuillus. La rive Est, est  plus haute et le sentier plus accidenté  passe à flanc de berge, sous des résineux.

le petit pont

Le tour complet, en le traversant sur le petit pont qui en marque le début prend moins d’une demi-heure à un pas de promeneur.

Il n’est pas beaucoup plus long d’aller jusqu’à un second pont, plus discret, pour traverser la rigole des Plauviettes qui se rétrécit vite.  

Un étang sans eau

J’évoque depuis le début de cet article un étang, c’est à dire une étendue d’eau. Et c’est ce que nous sommes nombreux à avoir connu. Mais ce n’est plus le cas. En 2016, après les inondations qui avaient frappé la ville de Rambouillet, une convention avait été signée avec l’ONF (Office national des forêts), pour que Rambouillet Territoires puisse actionner les vannes des étangs et anticiper sur les crues et les débordements. Et les étangs ont été vidés.

En 2024 Thomas Gourlan, le président de l’agglomération, reconnaissait que « l’heure est venue de trouver le juste équilibre entre la protection des personnes à travers l’ouvrage hydraulique, sa fonction d’agrément et de préservation de la biodiversité ».(78Actu 23 avril 2024)

Qu’en est-il aujourd’hui ? Coupe-Gorge est toujours à sec, et même s’il offre aux promeneurs le charmant spectacle de ses fleurs violettes, il est loin d’avoir retrouvé son charme.

l’étang en août 2025

Il s’agit (je crois ) de la Salicaire commune, plante invasive des marais qui fleurit en été. Elle a été longtemps utilisée par la médecine traditionnelle contre diverses affections de la peau et des muqueuses.

L’endroit a pourtant fait durant des siècles le bonheur des pécheurs… et des hérons.

Le Progrès de Rambouillet, avril 1899

Ils l’ont déserté aujourd’hui. Reste-t-il quelques poissons dans les mares, dissimulées sous les herbes ? Je connais l’existence du « dipneuste », un poisson capable de rester plusieurs années sous terre et survivre, mais sa présence en pays d’Yveline serait un choc pour les lois de la nature !

Une belle promenade

Cependant, même ainsi, je vous recommande la promenade, en toutes saisons.

Autrefois il fallait que les sous-bois soient entretenus. Un arbre mort était aussitôt enlevé. Les taillis nettoyés. Aujourd’hui la forêt doit rester la plus naturelle possible, pour préserver la biodiversité. Quand les feux de forêt se seront trop multipliés, on reviendra au principe d’un entretien préventif, mais sans doute est-ce trop tôt pour le décider.

le sentier en automne

Il n’y pas la foule ! Deux touristes étrangers dont le guide indiquait un étang et qui ne le trouvent pas…  Des familles dont les enfants baissent spontanément la voix, comme s’ils entraient dans une église. Quelques promeneurs qui se saluent aimablement lorsqu’ils se croisent.

Vous l’avez probablement remarqué ? Des personnes qui se croiseraient n’importe où ailleurs dans une profonde indifférence, se témoignent de la sympathie sur un sentier de randonnée. Parce qu’ils partagent les mêmes goûts ? Peut-être. Cependant elles ne se salueraient pas si elles visitaient une même exposition, ou attendaient le même train.

Sans doute le retour à la nature les ramène-t-elles au besoin qu’ont les espèces animales de s’assurer qu’elles n’ont pas d’intentions inamicales.

Il y a souvent des champignons de formes et de couleurs différentes, bien en évidence le long du chemin, ou sur les souches des arbres morts. Trop visibles pour être comestibles, ils resteront là ! Quant aux bons, lorsque c’est la saison, il parait qu’il y en a partout… mais je n’ai jamais été capable d’en trouver un seul !

Je n’ai jamais non plus croisé un quelconque animal en forêt, alors que je marche en essayant d’être le plus silencieux possible. Et j’enrage de penser qu’il y en a derrière les arbres qui m’épient et se sont seulement arrêtés de brouter quelques instants pour m’observer !

une fougère en automne

Heureusement il y a les fougères : de quoi se ruiner en photos d’automne, lorsqu’il fallait acheter des pellicules Kodachrome II, 24 poses ! 

Assurément donc une promenade bien agréable à faire en n’importe quelle saison. Mais s’il vous plait, génies de la forêt, redonnez eau et vie à notre étang !

Christian Rouet
août 2025

Cet article a 2 commentaires

  1. Bou Christian

    Bonjour,
    L’étang du coupe-gorge existe au moins depuis le XIVe siècle, il est cité dans le partage de 1317 et fait partie intégrante du comté de Rochefort.

  2. lionel bobel

    merci pour vos articles toujours passionnants et non démunis d humour…
    Il est vrai qu’un « étang sans eau » est des plus regrettables pour nous les rambolitains mais aussi pour les tourismes qui suivent leur GPS a la recherche d’une aire de repos pres d’un étang…
    Que fait l’office du tourisme!!!
    Bon week end

Laisser un commentaire