L'hôtel des Postes de Rambouillet
Dans un article du 23 octobre 2020 (ici) nous avions accompagné l’hôtel des Postes de Rambouillet, dans son transfert de l’aile droite du palais du Roi de Rome, à la rue des Petits-Champs ( rue Clemenceau). C’était en 1907.
Cet emplacement satisfait l’administration et la ville durant près de 25 ans, cependant en 1931 un nouveau transfert est décidé.
Le contexte national
Le ministère des Postes et des Télégraphes, créé en 1879, est issu de la fusion de deux administrations : d’une part, la direction de l’Exploitation postale, rattachée jusqu’alors au ministère des Finances; d’autre part, la direction des Lignes télégraphiques, qui avait longtemps relevé du ministère de l’Intérieur. À ces deux administrations réunies en un ministère unique vient s’ajouter, en 1889, celle du Téléphone, dont le monopole, concédé dix ans plus tôt à la Société générale des téléphones, est repris par l’État. À partir de cette date, les trois secteurs (Poste, Télégraphe, Téléphone) ont été successivement placés sous l’autorité de ministres, de directeurs généraux ou de sous-secrétaires d’État.
Toutefois l’histoire administrative de l’architecture postale commence réellement avec un arrêté du 30 avril 1901 relatif à la « construction par les soins de l’administration d’hôtels des Postes, de bureaux centraux télégraphiques et téléphoniques ou d’immeubles spéciaux » qui crée le premier service d’architecture des P.T.T.
Longtemps installés dans des bâtiments de remploi, les divers services des P.T.T.se dotent progressivement d’une architecture spécifique à partir de la fin du XIXe siècle. En 1900, le ministère est propriétaire de trente bâtiments, d’une cinquantaine seulement en 1914 puis de neuf cents au début de la Seconde Guerre mondiale.
En 1939, sur près de 14 000 immeubles gérés par les P.T.T. 95 % se trouvent sous le régime locatif. Il s’agit le plus souvent de maisons bourgeoises suffisamment grandes pour y aménager un bureau de poste, un logement pour le préposé, et d’autres espaces pour le télégraphe et le téléphone.
Le projet de Rambouillet
Constatant dès 1930 que les locaux loués dans la rue Clemenceau ne permettent pas de réaliser sur place les extensions nécessaires, l’administration des P.T.T. décide de se rendre propriétaire d’un immeuble mieux adapaté, et sollicite la ville pour la prise en charge d’une part de l’investissement.
L’idée d’une installation derrière la mairie – à la place de l’ancienne prison – est vite abandonnée car l’espace est trop restreint. L’achat d’un terrain rue des vignes, à côté de la perception aurait convenu, mais en imposant une participation financière importante à la ville, qui la refuse. L’achat d’une maison neuve située rue Gambetta, près de la gare, semble satisfaisant pour tous… sauf pour l’association des commerçants qui se plaint de voir la Poste s’éloigner du centre. Elle propose alors que la ville fasse don d’un terrain situé derrière l’église, qui ne sert qu’à l’accueil des cirques.
C’est finalement cette proposition qui est débattue en conseil le 12 octobre 1931.
« Si l’on ne donne rien, les P.T.T. s’installeront à leur choix, sans que la ville soit même consultée. Si l’on donne une subvention raisonnable en terrain, on conservera le droit de donner son avis sur les plans, et l’on aura la poste là où l’on le désire.
Il y a bien la question des cirques : elle a son importance, à cause de la redevance qu’ils paient au concessionnaire du droit de places, mais on les logera ailleurs… »
Et le conseil, après délibération, décide d’offrir aux P.T.T. un terrain de 1100 mètres carrés derrière l’église.
Quant aux cirques, ils seront désormais accueillis sur la place de la gare.
Le 28 juin 1932, Mistler, le ministre des P.T.T. confirme l’accord de son administration pour la formule proposée par Rambouillet. Et le 26 janvier 1934, quand le député R. Patenotre vient aux nouvelles, il est heureux de lui confirme que le préfet est prêt à signer l’acte de cession du terrain, et que, « parallèlement se poursuit l’élaboration du projet. Les plans sont maintenant au point et l’architecte procède à l’établissement des devis. »
Le nouvel hôtel des Postes
Dans la revue « La construction moderne » de juillet 1938, Georges Braive consacre un article fort complet à cette construction. J’en tire les plans et renseignements qui suivent. Ce document fait partie de la collection Christian & Mireille Painvin; merci à eux de me l’avoir proposé.
« Rambouillet, résidence présidentielle, se devait de conserver dans la conception de son nouvel Hôtel des Postes une certaine noblesse qui fut digne de sa destinée.
L’Administration des P.T.T. a eu le même souci et ce n’est pas sans raison qu’elle a chargé de cette construction notre camarade Joseph Bukiet. »
Joseph Bukiet, ainsi salué par ses confrères, a 36 ans quand il est chargé de la réalisation de l’Hôtel des Postes de Rambouillet. Il a déjà réalisé avec bonheur celui de la rue Castex à Paris, et ceux de Chatenay-Malabry et d’Asnières-sur-Seine. Il poursuivra, après cette réalisation, une carrière brillante comme architecte de l’Administration des P.T.T.
Le terrain, de forme rectangulaire, est assez grand pour permettre une conception répondant à la fois aux exigences techniques et esthétiques.
A l’origine il est prévu de clore le terrain par un mur. La ville obtient qu’il soit remplacé par des plates-bandes qu’elle fait créer à ses frais, et qui constituent une heureuse ceinture de jardins. Il est de même prévu que la ville prenne à sa charge la moitié de la dépense de pavage des trottoirs, devant l’entrée, or les P.T.T. lui préfèrent un revêtement en ciment, et finalement acceptent de prendre à leur charge le supplément ( ce dont se félicite le conseil municipal, le 2 juillet 1937).
Je ne m’arrêterai pas sur les détails techniques : les plans (plus faciles à consulter sur la page du site) montrent bien les différentes zones, dont celle ouverte au public, en rez-de-chaussée, l’appartement du receveur, au premier étage, et les différents services en sous-sol, rez-de-chaussée et premier étage, complétés par deux garages séparés de l’hôtel par une cour.
Il est clair que ce qui fait toute l’originalité de cette construction, et tout son intérêt pour nous, ce sont les choix de matériaux, tellement caractéristiques des années 30 !
Sur une ossature de béton armé, toutes les façades sont en briques de parement, appareillées avec de larges joints horizontaux.
Les toits sont à pente très faible, à peine visible pour qui regarde la façade principale.
L’avant-corps est constitué par une colonnade en grès flammé dont il est dit à l’époque qu’il « donne à l’édifice un aspect tout à la fois très monumental et très moderne. » Il est certain que, par comparaison avec la colonnade du tribunal, situé à l’autre extrémité de la place, celle-ci est très discrète.
Les encadrements des baies sont en « lithogranit bouchardé, qui a le grain et la tonalité de la pierre de taille ». Ils s’harmonisent en tous cas parfaitement avec le ton chaud des briques.
Le soubassement est traité de même.
Afin de réduire l’impression de hauteur donnée par les baies des façades latérales et arrière, celles-ci sont coupées horizontalement par une traverse, dans leur tiers inférieur, à l’étage, et dans leur quart supérieur en rez-de-chaussée. L’effet est très réussi.
Je signalerai aussi le blason de Rambouillet, en mosaïque de couleur, au dessus de la porte d’entrée. La Poste est ainsi l’un des 3 seuls édifices de la ville à l’arborer (avec la gare et la Caisse d’Epargne !)
A l’intérieur, toute la partie accessible au public est traitée en mosaïque dans sa partie basse, ainsi que sur les façades des guichets, lesquelles sont surmontées d’une plaque de béton armé, recouvert de tablettes de granit noir poli. Tous les locaux de service sont en ciment lissé en partie basse, et en plâtre peint en partie haute.
Tout ceci nous pousse à partager l’avis de G. Braive lorsqu’il écrit :
« Joseph Bukiet a parfaitement su allier la justesse des proportions au choix des matériaux nouveaux qui modernisent l’architecture tout en laissant la noblesse qu’elle doit avoir, particulièrement quand il s’agit d’un édifice public, dans une ville qu’honore chaque année la présence du chef de l’Etat. »
Et pour nous un hôtel des Postes a une autre qualité : il reste l’un des trois bâtiments les plus emblématiques du patrimoine urbain français, avec l’église et l’école communale.
Le lundi 13 septembre 1937, l’hôtel des Postes est ouvert au public.
Le vendredi précédent, à 11 heures, le président Albert Lebrun est venu l’inaugurer, en présence des personnalités locales, guidé par M. Delié, directeur des Services Postaux.
Si les missions de la Poste n’ont cessé d’évoluer depuis cette époque, comme n’ont cessé de même de se perfectionner ses équipements, l’hôtel des Postes de Rambouillet ne donne pas l’impression d’avoir changé.
Tout au plus remarque-t-on que les marches du perron ont été complétées par des rampes latérales pour faciliter l’accès aux personnes à mobilité réduite, et que celles-ci ne servent plus à rien, puisque l’entrée principale a été supprimée au profit d’une entrée latérale.
L’enseigne « Télégraphe, Poste, Téléphone » a été retirée de la façade (quand ?); la porte ne répondait sans doute plus aux normes actuelles, et les boiseries ont été repeintes en bordeaux. ( ce qui ne me semble pas avoir constitué un progrès ! Mais « des goûts et des couleurs » … )
Il faut tout de même mentionner que si l’hôtel des Postes de la rue Gambetta a pu répondre aux besoins croissants de l’Administration, c’est parce que, dès 1994, une partie de ses services a été transférée dans de nouveaux locaux, au Bel-Air.
Devenue trop petite il y a vingt ans, l’hôtel des Postes de Rambouillet sera-t-elle demain surdimensionnée, si nous cessons d’écrire avec de l’encre et du papier ?
C’est décidé : vous recevrez désormais les Cahiers d’Yveline dans votre boîte aux lettres, déposée par l’un de nos sympathiques facteurs et timbrée à …
Euh ! Ah oui ? Ah quand même !…
Bon, eh bien je vais y réfléchir encore un peu …
Christian Rouet
Ping : La Kommandantur - le Pays d'Yveline
Merci, ce bâtiment singulier méritait en effet un article. Dommage que la rampe et la peinture des boiseries défigurent la façade ; elle n’est certes plus utilisée en entrée principale mais tout de même…