L'école de filles de la rue Gambetta
J’ai déjà consacré plusieurs articles aux écoles de Rambouillet. Vous pouvez retrouver sur le site la naissance de l’école primaire en Yvelines, les écoles de Rambouillet, l’école primaire supérieure, ainsi que des écoles moins classiques, comme l’école libertaire de la Ruche, ou l’école des enfants de troupe, ainsi qu’un établissement privé de Rambouillet : l’institution Sévigné.
Un article évoque également l’apprentissage, avec notamment la formation à la Colonie (Bd du Gal Leclerc), des jeunes ouvriers de la Verrerie d’Arleux.
En ce mois de rentrée, je m’aperçois que j’ai très peu parlé de l’école des filles. Je vais donc me hâter de réparer cet oubli avant que vous ne dénonciez mon sexisme !
L’école de la rue Gambetta
En 1892 l’école publique de filles de Rambouillet est rue de Penthièvre, à l’emplacement actuel du petit square, derrière la résidence du Bon Vieux Temps. La ville est locataire.
La hausse du loyer, et la nécessité de s’agrandir conduit la municipalité de Marie Gautherin, à décider l’achat d’un terrain, rue Gambetta, et la construction d’une école.
L’architecte en est M. Trubert que j’ai souvent cité pour les constructions de cette époque. Une école de garçons est construite en même temps : c’est l’école Foch. Les deux bâtiments, voisins, sont en tous points semblables.
Le 19 avril 1896, dans le cadre de la Foire de Quasimodo, l’école de filles, l’école de garçons, le Palais de Justice et la prison sont inaugurés en même temps.
Les premières années de l’école
En 1902, Mlle Charles, la directrice, accueille 191 élèves, dans 4 classes. L’année suivante elle obtient la création d’un cours complémentaire et accueille le 21 novembre 1903 18 élèves qui souhaitent poursuivre leurs études au delà de leur Certificat d’Etudes Primaires.
Le 22 janvier 1904 l’école ouvre deux dortoirs et un poste de surveillante est créé pour accueillir 7 pensionnaires.
A cette même époque, il faut signaler la création de « l’oeuvre du trousseau », due à l’épouse du maire Marie Roux.
Elle permet aux jeunes filles de se confectionner, en vue de leur mariage, un trousseau de 73 pièces, avec l’aide financière de la mairie et l’assistance de couturières professionnelles. Chaque trousseau comprend 10 chemises, 3 camisoles, 6 pantalons, 2 jupons,12 mouchoirs, 4 draps, 12 serviettes, 4 taies d’oreiller, 12 torchons, 6 essuie-mains et 2 tabliers.
Mon épouse n’était pas aussi bien pourvue, mais il est sans doute tard pour déposer une réclamation !
Il est vrai que si la jeune fille à marier doit avoir un trousseau, le « manuel d’éducation morale à l’usage des jeunes filles » (par Mlle Clarisse Juranville) la met très justement en garde contre les abus de la coquetterie et de la frivolité.
« On peut briller par la parure, mais on ne plaît que par la personne; nos ajustements ne sont pas pour nous, et véritablement s’ils sont beaux, ce sont eux qui méritent les compliments.
Lorsqu’une femme aime trop la toilette, on peut prévoir qu’elle ruinera son mari ou tout au moins l’empêchera de faire des économies utiles et amènera la gêne dans le ménage.Soie et satin, velours, hermine,
Eteignent feu de la cuisine. »
Et voilà pourquoi, messieurs, un robot-cuiseur ou un aspirateur lui fera toujours plus plaisir qu’un diamant ou des perles.
Un cours de coupe est créé au cours complémentaire en mars 1907, et le peintre Henri Laigneau vient donner des cours de dessin.
En 1910, l’internat passe de 7 à 12 élèves. Avec la classe enfantine l’école élémentaire comprend maintenant 5 classes, et 210 élèves. Les institutrices s’appellent Mme Rousselle; Mlles Dauvilliers, Rousselle, Miné et Delonde, et la directrice est Mlle Marechal. (ces renseignements sont tirés de la plaquette éditée pour le centenaire de l’école, sous le titre « Mon école Gambetta » ).
Pendant la guerre de 14-18, l’école, comme d’autres bâtiments publics et de nombreux châteaux des environs, est transformée en hôpital pour blessés et convalescents de la Croix Rouge. Les cours sont alors donnés dans une maison de la rue du Hasard (rue Maurice Dechy). Ils reprennent ensuite rue Gambetta.
Les enfants vont alors en classe du 1er octobre au 31 juillet. Le jour de congé hebdomadaire est le jeudi (c’est en 1972 qu’il sera remplacé par le mercredi). Les écoliers ont aussi 3 jours de congé en novembre, 8 jours à Noël, 3 jours pour le Mardi-gras, et 8 jours à Pâques. L’absentéisme est important en été, car en milieu rural même les enfants sont alors mis à contribution.
En 1919, une plaque est apposée dans toutes les écoles de Seine-et-Oise, à la mémoire des instituteurs et des enfants tués durant la guerre, et pendant des années, les discours de la distribution des prix sont l’occasion de glorifier la Patrie, le sacrifice des aînés, et de fustiger le boche. La construction de l’Europe sur l’amitié franco-allemande est encore loin !
En 1940, avec l’ouverture d’une section technico-commerciale, l’école devient aussi centre d’apprentissage. On y prépare au BEC (Brevet d’Enseignement Commercial). Les filles peuvent y apprendre la couture, l’enseignement ménager, la cuisine, la comptabilité, la sténodactylo, l’économie politique, le Droit…
Le témoignage d’une ancienne élève
Je saute d’une période d’après-guerre à la suivante, pour donner la parole à Mme Guillaumin, que bien des Rambolitains ont eue comme professeur au Lycée Bascan. Ancienne élève de l’école Gambetta elle évoque pour nous ses souvenirs d’écolière.
« A la suite de la nomination de mon père à la gare de Rambouillet, nous arrivons en février 1945. Le bâtiment me parait immense, moi qui viens d’un village où l’école de filles n’avait que trois classes !
Les salles sont vastes. Chacune possède un vestiaire dans lequel un long lavabo avec de nombreux robinets occupe tout le centre. Tout autour des porte-manteaux. Aussi passons-nous au lavage des mains avant de gagner nos places. Ces aménagements disparaîtront bientôt pour une réorganisation des volumes. Le nombre de classes devenant insuffisant, la salle des lavabos sera supprimée, la cloison abattue et ainsi d’une vaste salle on en fera deux petites.
Les effectifs augmentent encore, et pendant quelques années des classes seront installées avenue Foch, dans une villa (actuellement l’Inspection primaire, au n°7). On l’appelle « les corsets » car autrefois une fabrique de corsets occupait les lieux. Je passerai là mes années de CE2 et de CM1.
Je regagnerai la rue Gambetta pour découvrir que les classes ont été modifiées. L’espace est restreint et les pupitres se pressent devant l’estrade du maître.
Puis je rentre en 6ème. Il m’a suffi de traverser la cour, puisque le cours complémentaire qui n’accueille que des filles est là, dans l’aile gauche.
Dans les locaux du premier étage, en façade, se trouve un vaste dortoir car l’école a des pensionnaires-filles en internat. Ce sont des enfants des villages avoisinants. Peu de filles poursuivent des études. Un examen permet l’entrée en 6ème. Seules les meilleures le passent : la compétition est donc rude.
Dans l’angle droit de la façade c’est le réfectoire et la cuisine. Dans l’angle gauche, l’entrée de l’école.
Dans les années 50 un cabinet médical était également situé dans l’aile gauche de l’école Gambetta. Il servait aussi à l’école Foch.
Une section, dite « commerciale » accueille aussi les filles qui préparent des CAP et des BEP.
Une section « couture » existe également. Elle est installée dans les anciens locaux de l’usine « des corsets ». Cette organisation fonctionnera longtemps, jusqu’au jour où la section « commerciale » deviendra CET et aura des locaux avenue Leclerc dans l’enceinte du lycée Bascan (1966-68) pour devenir lycée professionnel.
Toujours par manque de place, il y aura pendant quelques années, occupation de salles dans une autre fabrique désaffectée « Les chapeaux », à l’angle de la rue Gambetta et de la rue Dubuc. La MJC y est installée aujourd’hui.
Le préau, au fil des temps, a été réduit par des cloisons afin de faire deux salles de classe. Cependant l’ensemble garde l’aspect d’autrefois.
De plus, les combles seront aménagés en salle de classe.
Ce sera mon premier poste d’enseignante..
Les anciens élèves se souviennent sans doute d’enseignants comme Mrs Sergent, Le Bigot, Mr et Mm Banet, Mm Roucase… sans oublier Mr Bobet le gardien logé dans l’aile droite, qui veillait à la bonne tenue des élèves et des bâtiments… »
L’évolution
Quelques jalons dans une évolution marquée par l’augmentation des effectifs scolaires, en même temps que par les nombreuses réformes impulsées par les 118 ministres ou secrétaires d’Etat qu’elle a connu depuis 1892 (dont 31 pour la 5ème République (durée moyenne du mandat : 2 ans !).
Fin octobre 1954 le CEG Gambetta (Collège d’Enseignement Général) devient mixte, et partage ses locaux avec l’école primaire jusqu’en juin 1969.
A cette date, les écoles primaires Foch (garçons) et Gambetta (filles) sont regroupées pour former l’Ecole Primaire Mixte Foch, et le CEG reste seul dans les locaux de la rue Gambetta.
A la rentrée 1975, le CEG Gambetta est rattaché au Lycée Louis Bascan, et en juin 1976, il devient le CES (Collège d’Enseignement Secondaire) du Rondeau tandis que les locaux de la rue Gambetta sont abandonnés, et restent inoccupés durant un an.
En septembre 1977, les locaux de la rue Gambetta deviennent l’annexe de l’école Foch, avec l’ouverture de quatre classes.
En septembre 1983 le Rondeau y transfère 4 classes : deux sixièmes et deux cinquièmes. L’école Gambetta redevient donc, pour deux ans, le Collège Gambetta.
Après quoi, l’école devient l’Ecole Elémentaire Mixte Gambetta, en complément de l’école Foch.
Les deux sites forment à partir de 2013, l’Ecole Elémentaire Publique Foch-Gambetta de Rambouillet, un ensemble de 15 classes qui accueillent 400 élèves.
Enfin (?), en 2021, les deux écoles sont à nouveau séparées : l’école Foch conserve aujourd’hui les classes du CP au CE2, et l’école Gambetta accueille les classes de CM1 et CM2.
Pour replacer ces nombreuses évolutions dans leur contexte, il faut se souvenir que depuis la création de l’école Gambetta, en 1892, la population de Rambouillet est passée de 6 000 habitants à près de 28 000 aujourd’hui.
Et aussi, pour mesurer le développement de l’enseignement féminin, qu’en cette même année 1892, 31 ans après que Julie-Victoire Daubié ait obtenu la première son diplôme, seules 10 filles se sont présentées au Bac, dans toute la France.
En 2021 elles sont 86% de leur génération à être bachelières, et les garçons, 76%.
Christian Rouet
septembre 2022
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j’ai été interne de septembre 1962 à juin 1965 , et je n’ai aucun souvenir de mixité ! le collège était jeunes filles exclusivement ? je reconnais bien le bâtiment , il y avait un bâtiment annexe appelé » le chapeau » et certaines jeunes filles dormaient chez l’habitant juste en face. je possède une photo avec une pionne. comment expliquer ? merci pour votre documentation
Une fois de plus, un article très intéressant, dont je vous remercie !