L’église Saint-Pierre de Montfort-L’Amaury
Je lis dans la « Notice descriptive de l’église de Montfort-L’Amaury et de ses vitraux » publiée en 1864 chez Leveque que « le temps et les évènements qui ont atteint la ville avec tant de dommages ont laissé debout, dominant la ville, sa jolie église, ornée de charmants et nombreux vitraux et qui, quoiqu’encore inachevée n’en est pas moins très remarquable, et l’un des édifices religieux les plus intéressants que l’art ait élevés dans les environs de Paris» .
C’est cette église, dont les trois derniers vitraux sont en cours de restauration, que nous visitons aujourd’hui. .
L’église romane

Lorsque Robert le Pieux (976-1031), reçoit en apanage le pays d’Iveline, il nomme son fidèle soutien Guillaume de Hainault (959-1002) gruyer d’Yveline, et le charge de construire deux places fortes, l’une près d’Epernon, l’autre à Montfort, afin d’assurer la défense de son domaine.
A la mort de Guillaume, son fils Amaury Ier (?- 1053) fait bâtir un château en pierres en remplacement du château en bois construit par son père et dote le petit bourg de remparts, et d’une église.
C’est de lui que la ville tire son nom : le mont fortifié d’Amaury.

Montfort-L’Amaury comme beaucoup d’autres villes de notre région a souffert des guerres opposant le roi d’Angleterre à son cousin de France. Le château est démoli puis reconstruit. La ville (érigée en comté en 1224) devient terre bretonne à partir de 1365 par le mariage de Yolande de Montfort avec le duc de Bretagne et devient terre royale de France lorsque Anne de Bretagne (1477-1514) devient par ses mariages successifs avec Charles VIII puis Louis XII, reine de France.De l’église romane construite par Amaury 1er, il ne reste aujourd’hui que la base, deux petites baies géminées dans le mur nord du clocher ainsi que la pointe du clocher.
L’église gothique
La duchesse Anne de Bretagne (1477-1514), comtesse de Montfort, séjourne trois ans à Montfort-L’Amaury avant son mariage avec Charles VIII en 1492. Elle embellit la capitale de son comté (elle laissera plus tard le souvenir d’une reine cultivée, mécène des arts).
C’est pour elle que l’ancien château est rénové et complété par la tour Anne-de-Bretagne, dont les ruines dominent toujours la ville.
La duchesse Anne fait commencer en 1491 la transformation de l’église Saint-Pierre, devenue trop petite pour la ville.
Les travaux seront poursuivis par sa fille, la reine Claude jusqu’en 1525, et le comte André de Foix les achèvera en 1534. Il faudra cependant attendre le XIXème siècle pour que l’église devienne ce qu’elle est aujourd’hui.
Pour permettre son agrandissement vers le sud et l’Est, le cimetière est déplacé vers le quartier de la Brosse. La nef et les collatéraux romans sont détruits, et seul le clocher est conservé, au centre d’un long rectangle de 63 mètres. On voit sur le plan que sa largeur n’est pas parfaitement régulière. L’église ne possède ni croisées, ni chapelles latérales, ni transept, selon le plan des basiliques latines. Sa nef est en pleine voûte et ses deux collatéraux en basse voûte. Son chevet est éclairé par une double rangée de baies ogivales, et conforté par des arcs-boutants qui s’appuient sur de puissants contreforts. Chaque pile est terminée par une gargouille.

Pour cette construction, on va chercher des pierres dans les carrières de Crespierres et de Saint-Nom, à vingt-huit kilomètres du chantier. La base est en grès de la forêt de Rambouillet et les voûtes en calcaire de Bazemont. La nouvelle église, par ses proportions dépasse nettement les besoins de la petite ville, mais n’a-t-elle pas été décidée et construite par des reines de France !
Après la mort de la reine Claude, André de Foix poursuit les travaux. C’est à lui que l’église doit son portail méridional, et les deux frontons triangulaires où il est représenté avec son épouse. Les clefs de voûte des collatéraux sont richement sculptées, tandis que celles des parties hautes de l’abside sont plates dans le style de la Renaissance.
Quand Henri II monte sur le trône, il séjourne souvent, avec sa mère Marie de Médicis (1575-1642) dans le château de Saint-Léger-en-Yvelines. Sous son règne, puis sous ceux de ses fils Charles IX, François II et Henri III, Montfort connaît d’importants travaux, dont la construction de nouveaux remparts. L’église est à nouveau agrandie.
Cette fois c’est vers l’ouest, à partir du clocher roman, que sont ajoutées cinq nouvelles travées. Un porche en grès est construit avec une entrée centrale, encadrée de deux baies et de pilastres cannelés à chapiteaux corinthiens. Cependant les travaux ne seront jamais terminés, et la partie supérieure ne sera achevée qu’en 1850.
Durant plus de deux siècles, l’église conservera donc sa silhouette très particulière.

Les derniers travaux
Saint-Pierre souffre des pillages et des dégradations de la période révolutionnaire. Elle devient le Temple de la Raison de la commune de Montfort-le-Brutus. Des souscriptions permettent de la rendre au culte à partir de 1805, cependant elle se détériore au fil des ans. Victor Hugo, lors d’un séjour à Montfort en 1825 cite dans son poème Aux ruines de Montfort-L’Amaury « l’église gothique, hélas prête à crouler » et l’inspecteur général des monuments historiques Prosper Mérimée, se montre très réservé quand il vient expertiser les verrières en 1834.
Les Montfortois, mobilisés pour la défense de leur église, obtiennent cependant en 1840 son classement, et, avec un financement essentiellement local, ils font réaliser en 1850 les travaux sur les plans du XVIème siècle.
La tour porche est achevée, et surmontée de la flèche romane, récupérée de l’ancien clocher, et celui-ci est ensuite démoli.
Les vitraux
Ce sont les trente-sept verrières installées au XVIème siècle qui font la valeur de cette église, et nous appellent aujourd’hui à la visiter, car elles constituent l’un des plus beaux ensembles de la Renaissance en France.
Il n’y en a que cinq vitraux datés, installés vers 1540, et contrairement à la tradition, aucun maître verrier n’a signé son oeuvre. Un auteur les attribue à l’école de Beauvais. Les deux oeuvres « l’Enfance du Christ » (1543) et « Ecce homo » (1544) sont les premiers exemples de vitraux utilisant, le premier l’émail bleu, et le second l’émail violet, sur verre incolore.
On ne saurait naturellement les comparer à des vitraux comme ceux de Chartres, plus anciens d’environ trois siècles. Cependant, l’intention d’illustrer des scènes bibliques, pour l’édification des fidèles relève de la même foi.
Sans doute parce que les donateurs qui en ont permis la réalisation étaient nombreux, les scènes ne constituent pas un ensemble homogène. Chacune est toutefois d’une grande lisibilité.
Voici par exemple le vitrail consacré à Saint-Hubert.
En bas, au centre, Hubert de Liège, chasseur impénitent parti chasser le jour du Vendredi Saint s’agenouille devant le Christ qui a pris l’apparence d’un cerf et s’engage à se convertir et à faire pénitence.
Derrière lui on aperçoit une scène de chasse au sanglier, et la ville de Liège.
Dans les trois lobes supérieurs, des scènes de la vie de Saint-Hubert : sa consécration comme évêque, une procession et son décès.
On connaît l’importance de la chasse dans le pays d’Yveline, et il n’est donc pas surprenant qu’un vitrail de Saint-Pierre soit consacré à celui qui est devenu le patron des chasseurs.
Le dessin respecte les règles de la perspective. Il pèche par contre dans les proportions, notamment les visages des hommes, des chevaux et des lévriers, plus petits qu’ils devraient l’être par rapport aux corps.
Je ne les décris pas ici. Sur ce site, un diaporama présente tous les vitraux de l’église.
Restaurations
Le monument a fait l’objet d’une restauration complète entre 2019 et 2021.
500 pierres ont été changées. 150 pierres ont été sculptées. Elles ont été prises dans les carrières de Saint-Leu (Oise) pour la façade, de Saint-Maximin (Oise) pour les croisées d’ogives et de Tervoux (Vienne) pour les gargouilles. Les portails ont retrouvé leurs couleurs originelles.
Cependant, ce sont les restaurations des vitraux qui ont été les plus spectaculaires.
La première avait eu lieu en 1723, confiée à des artisans de la région. Ils avaient utilisé des plombs et des verres provenant d’autres vitraux abîmés, pour une restauration économique.
En 1851, à la suite du classement de l’église, une restauration plus ambitieuse est confiée à des maîtres verriers de Metz. Après la seconde guerre mondiale, puis entre 1976 et 1979 il faut intervenir à nouveau.
En 2008, la municipalité lance une grande campagne afin de restaurer 8 baies entre 2012 et 2015, 12 baies en 2017-2018, et 19 baies de 2022 à 2026.
Chaque vitrail est déposé, traité, avec le souci de supprimer le maximum de plombs de casses (les plombs posés antérieurement à chaque casse pour pouvoir conserver et relier les morceaux), ce qui, en réduisant le nombre de plombs augmente la lisibilité et la luminosité des vitraux.
Un verre de protection est posé en extérieur, dans la feuillure de l’ancien vitrail, pour le protéger de la pollution et des intempéries, puis le vitrail est reposé, en applique, à l’intérieur.
Ce travail de restauration est passionnant à étudier. Je ne le décris pas davantage, et je vous invite à regarder ce petit film mis en ligne par la ville de Montfort-L’Amaury.
Au moment où je termine d’écrire cet article je reçois la très belle revue n°66 de la SARRAF : elle contient, sous la plume de Christiane Métreau et Yvette Vibert un article très documenté sur cette restauration (envoyée aux abonnés, et disponible au siège de l’association).
Faut-il le rappeler ? Outre son église et son cimetière, Montfort-L’Amaury offre à ses visiteurs le charme de ses petites rues, derrière ses remparts, les ruines de son château, avec son panorama des pieds de la tour, et la maison de Ravel. Une belle visite à faire et refaire.
Christian Rouet
mars 2025