La SAVRE
En 1979 madame Simone Champrenault, entourée de quelques amoureux de Rambouillet, créait la SAVRE, (Sauvegarde Architecturale du Vieux Rambouillet et son Environnement), pour que « le développement de la ville ne se fasse pas au détriment de son patrimoine architectural », et pour faire prendre conscience que « l’histoire de Rambouillet n’est pas simplement l’histoire de son château ».
On doit notamment à cette association les plaques des rues du centre ville, qui nous indiquent l’un de leurs anciens noms : façon intelligente d’en rappeler la transformation au cours des siècles.
On doit surtout à Mme Champrenault une action menée avec constance et détermination pour la sauvegarde du vieux Rambouillet. Le 16 avril 1992, lui rendant hommage lors de ses obsèques, le sénateur-maire Gérard Larcher écrivait :
« Redoutée et admirée à la fois des Architectes, des Urbanistes, des Services de l’Etat, des Elus. Déterminée, engagée jusqu’au bout, vous êtes la ténacité même. Comment ne pas avoir le souvenir de vos Assemblées Générales, de votre participation aux Groupes de Travail d’Urbanisme et du POS ?
Comment ne pas avoir en mémoire la façon si vivante dont vous évoquiez la grande et la petite histoire, sans tabou, mais avec un souci de la Vérité ?
Merci de nous avoir appris à nous connaître et à nous respecter nous-mêmes. »
Marcel Lacout, puis l’historien Jean Blécon (que je cite souvent), lui avaient succédé à la présidence de cette association, qui fut ensuite dissoute.
Le PARR (Patrimoine et Avenir de Rambouillet et de sa Région), avait pris la suite de la SAVRE et sa présidente Catherine Comas, s’était donné pour tâche de poursuivre son action.
Parmi les textes qu’elle nous a laissés, et dont Me Georges Barbier (notaire à Rambouillet de 1953 à 1988) a assuré la conservation, j’ai choisi celui qu’elle avait consacré en 1986 au bicentenaire.
A l’époque, Rambouillet préparait, comme toute la France, la commémoration du bicentenaire de la Révolution de 1789. Or Mme Champrenault ne cachait pas que sa sympathie allait davantage au roi qu’aux révolutionnaires, et elle aimait rappeler les avantages dont avait bénéficié Rambouillet, en devenant la propriété de Louis XVI. Pour elle, le bicentenaire de 1786 aurait donc eu plus de sens pour les rambolitains que celui de 1789.
Voici le texte intégral de son article.
1986, année de bicentenaires rambolitains ?
Louis XVI achète Rambouillet
En décembre l783,lorsque les habitants de Rambouillet apprirent que le duc de Penthièvre avait vendu son domicile au roi Louis XVI, ils furent consternés.
Le duc, l’homme le plus riche du royaume, surnommé « le prince des pauvres« , répandait à Rambouillet une charité discrète et mesurée.
Pierre de ]anti (« Forêt, chasses et château de Rambouillet ») dans une note de la page 98, dit que « l’examen des papiers du duc de Penthièvre fait penser que sa bonté a été relative ».
Suivent plusieurs exemples illustrant cette assertion. Il n’avait jusqu’alors pas songé à agrandir la place du Marché que la population des environs envahissait chaque samedi, jour de marché, de telle façon que les étals de denrées se prolongeaient devant le château. Le duc n’en était guère gêné, faisant à Rambouillet des séjours courts et peu nombreux, beaucoup plus séduit par ses autres propriétés de Sceaux et Bizy, pour ne citer que celles-là.
Ce fut en grande pompe qu’il fit exhumer les cercueils des membres de sa famille de la sépulture de l’église et les fit transférer à Dreux.
Les habitants ne mirent pas longtemps à réagir pour demander au roi, au mois de juin 1784, l’agrandissement tant souhaité et nécessaire de ce marché.
A partir de ce moment, la population comprit qu’elle n’avait pas perdu au change avec l’arrivée du nouveau seigneur de Rambouillet.
Un immense chantier…
Aussitôt, la ville devint un immense chantier. Sous la direction de M. d’Angiviller, gouverneur du domaine du roi, l’architecte Jacques Thévenin entreprit divers travaux qui devaient changer la physionomie de la petite bourgade rurale.
Pour la commodité de l’énumération, nous allons faire la traversée de Rambouillet.
Ce fut d’abord la construction de pavillons pour la Vénerie à Groussay, la ferme expérimentale, la laiterie de la Reine, la façade des communs du château, l’Hôtel du bailliage (Hôtel de ville actuel), l’Hôtel du Gouvernement (plus tard palais du roi de Rome), la halle provisoire sur la place de la Foire (place Félix Faure), transfert du cimetière qui se trouvait proche de cette place dans un terrain appartenant au roi, 1à où il se trouve actuellement, 1e début des écuries royales, avenue Leclerc et, s’il faut en croire un article de M. Granger, la petite maison de style Louis XVI, actuellement au 20 avenue Leclerc.
Le roi avait également pensé modifier le château. Un plan en avait été établi, de même que celui d’une église assez importante et de belle allure, à la place du presbytère, reportant celui-ci au-delà de l’église, à l’arrière de l’actuelle rue Lachaux.
Les années de présence du roi à Rambouillet, de 1784 à la fin 1788, apportèrent à la ville une prospérité inconnue jusqu’alors par le nombre d’emplois créés.
Toutes les entreprises rambolitaines travaillèrent à ces constructions et avec quelle satisfaction ajoutaient-elles à leurs noms le titre de fournisseur du roi. On vit même le sieur Huard se nommer « épicier du roi ».
Plus de 900 ouvriers travaillèrent sur ces chantiers, certains venus de provinces spécialisées: couvreurs en ardoises d’Angers, maçons du Limousin. De 1783 à 1796, la population augmenta de 850 habitants et, l’an IV (NDLR: 1795-1796, après l’arrêt des chantiers royaux) elle en avait perdu plus de 500.
1986, année de bicentenaires
Rien d’étonnant à ce qu’en 1986 plusieurs bicentenaires puissent être fêtés.
Celui de l’arrivée du troupeau de moutons Mérinos venant d’Espagne, dont Daubenton avait étudié la façon d’acclimater cette race fournissant une laine fine, longue, de belle qualité.
Ce fut à la ferme royale que le troupeau arriva par la route depuis les environs de Ségovie avec son mayoral et ses bergers, tout d’abord logés en plein air, puis à la ferme de Mocquesouris, puis aux vieilles bergeries, dans les tirés du parc. Enfin, Napoléon 1er fit construire les bergeries actuelles, face à la ferme. Cette race de moutons Mérinos fit connaître dans le monde entier le nom de Rambouillet.
Ce sera aussi le bicentenaire de l’hôtel de ville (Hôtel du Bailliage primitivement) construit pour remplacer celui édifié par le comte de Toulouse (actuelle sous-préfecture) qui se trouvait à l’extrémité de la Grande-Rue. Ce siège de la justice, voisin de l’église détruite en 1872 et voisin du château se dressant sur une grande place, ornée, à l’époque, du buste en bronze de Louis XVI, complétait le centre de la ville du XVIIIème siècle.
Pendant des années, cet édifice n’eut pas de propriétaire nettement déclaré. Ayant été construit avec les finances particulières du roi, il était compris dans sa liste civile et comme tel, après la chute du roi, il appartenait à l’Etat.
Celui-ci, plutôt encombré de ce bien, désirait le vendre. Il y eut, à plusieurs reprises, des discussions entre la commune et l’Etat et, finalement, Napoléon 1er régla cette importante question en décidant que l’Hôtel de Ville appartenait à Rambouillet, à charge de l’entretenir et le conserver tel. Il avait d’ailleurs, à cette époque, besoin de réparations urgentes, personne jusque là n’en ayant la responsabilité, on laissait l’édifice se dégrader.
Nous savons que les primitifs pavillons de la Vénerie à Groussay ont été notablement agrandis par le ministère des Armées, au cours des ans, pour y loger des régiments successifs. Les constructions adjacentes ont été réalisées avec beaucoup de goût dans le même style. Le quartier du 501ème RCC fait honneur à la ville. Les 25 et 26 avril, une cérémonie aura lieu pour commémorer l’arrivée du 50ième RCC à Rambouillet, il y a 40 ans. Les rambolitains accueillent toujours avec sympathie et enthousiasme les manifestations militaires. Rambouillet n’est-elle pas, grâce à cette présence, une ville de garnison? (NDLR : elle ne l’est plus aujourd’hui)
Espérons qu’en ce jour de liesse une pensée aille à celui qui fit construire les premiers bâtiments du quartier Estienne, ancienne Vénerie du Roi.
Ainsi, dans une période républicaine, aurons-nous à nous féliciter de plusieurs réalisations royales et à regretter que cette période faste pour la ville n’ait eu qu’une durée aussi limitée.
Simone Champrenault
SAVRE avril 1986
Si l’année 1786 est bien celle de l’arrivée à Rambouillet du troupeau de mérinos, les autres événements, et les chantiers que cite Mme Champrenault se rattachent plus à une période (1784-1788) qu’à une année précise.
Etait-il imaginable comme le proposait la présidente de la Savre de célébrer en 1986 un bicentenaire à la gloire de Louis XVI et en 1989 celui de la Révolution ? Certes, les événements de 1789 n’étaient pas dirigés contre le roi, et ils auraient pu marquer le début d’une monarchie constitutionnelle aussi solide et durable que celle de plusieurs de nos voisins. Toutefois, quand on connaît la fin de l’histoire, il est difficile de séparer la Révolution de la destitution du roi, puis de sa mort !
En fait, ce que rappelle la proposition de Mme Champrenault, c’est qu’un mouvement national ne reflète jamais une opinion unanime. Rambouillet a été particulièrement affecté par la fin des chantiers royaux, et les Rambolitains n’ont pas pu accueillir la Révolution, avec ses conséquences économiques, comme l’ont vécue les Parisiens ou les habitants de certaines provinces sinistrées.
Ces réserves, quant à l’intérêt de commémorer 1786, n’enlèvent rien au plaisir de cette évocation du Rambouillet de Louis XVI à laquelle nous invitait la présidente de la Savre, et que je souhaitais donc vous faire partager aujourd’hui.
C’est aussi l’occasion de nous souvenir d’une association qui a joué un rôle important dans notre ville, et de sa présidente Simone Champrenault qui en était l’âme.
Christian Rouet
avril 2024
Bravo et Merci !
Merci cher Christian de ce magnifique 200e article et de tous ceux qui ont précédé !
Elisabeth Mathieu
200e d’un superbe boulot.
Un grand bravo au sieur Rouet, Christian de son prénom.