Epernon à travers les siècles
Limite nord du pays des Carnutes ? Limite sud du pays d’Yveline ? Epernon a occupé, par son emplacement stratégique un rôle important dans l’histoire de notre région, et a été longtemps en concurrence avec Rambouillet. A ce titre la ville mérite bien sa place sur le site du Pays d’Yveline. Pierre Morin, de l’Association « Épernon Patrimoine & Alentours » nous évoque ici son histoire.
Épernon, commune du canton de Maintenon, 5500 habitants, au sud du Mantois, à la limite du Hurepoix et de la Beauce sur la ligne de chemin de fer de Paris à Brest…
Bâtie sur le penchant d’une colline, en lisière de la forêt d’Yveline et dominant trois rivières : la Drouette, et ses deux affluents, la Guesle et la Guéville, elle occupe une position stratégique qui explique son importance.
La carte IGN montre la présence, au nord de la ville, d’un éperon barré datant du néolithique. C’est un promontoire rocheux naturel, au confluent des vallées de la Guesle et de la Guéville. Accessible par le seul côté de Raizeux, il a suffi de le barrer pour l’isoler et le transformer en site défensif à l’aide de larges tranchées, aujourd’hui encore bien visibles.
Pour mémoire : les « éperons barrés » apparaissent en Europe occidentale au néolithique moyen (fin du 4ème, début du 3ème millénaire avant J.C.). Le rempart qui fermait le promontoire était édifié avec les matériaux du fossé. Une partie de l’habitat était adossée à ce rempart, à l’intérieur du camp.
Dès le début du XIe siècle, Hugues Capet fit élever les châteaux forts de Maules, Neauphle-le-Château, Montfort et Épernon, afin de constituer une ligne de défense du domaine royal contre les ducs de Normandie, c’est à dire contre les rois d’Angleterre.
A cette époque la ville se décline sous les noms suivants, d’après le dictionnaire topographique d’Eure-et-Loir (1861) de Lucien Merlet, archiviste d’Eure-et-Loir: Sparro, 1024, Sparnaïcum, 1095; Esparnonium, vers 1120, Espernonne, 1450 dans une charte du Prieuré Saint-Thomas.
Un texte daté de 1603 cite aussi « Espernon, qui jadis s’appelait Austrist, puis Espierremont » mais il semble être le fruit de l’imagination d’un auteur du siècle dernier comme le fait remarquer avec justesse Roger Badaire dans “ Épernon dans le passé ”.
Avant la révolution, Épernon était le chef-lieu d’un doyenné, decanatus Sparnonensis, dépendant de l’archidiaconé de Chartres et comprenait, dans l’actuel département d’Eure-et-Loir 30 paroisses.
En novembre 1581, Épernon fut érigé en duché-pairie en faveur de Jean-Louis de Nogaret de la Valette, duc d’Épernon, favori de Henri III. En 1790 Épernon fut chef lieu de canton, dépendant du district de Chartres pour une courte période.
Le château d’Épernon, nous a été décrit par Émile LEDRU, premier historien de notre citée. Il était bâti sur le roc à l’extrémité du plateau de la Diane, presque à pic, à l’emplacement actuel d’un monument commémorant le souvenir de la bataille de 1870.
Le château était inattaquable au midi, à l’est, à l’ouest mais au nord, la pente adoucie du plateau présentait un point faible, que défendait une double rangée de fossés en contrescarpes. Comme tous les châteaux-forts de l’époque, il comprenait une double enceinte de défense. Dans la première, dite basse-cour, se trouvaient les logements de la garnison, les magasins à provisions, le colombier seigneurial, les écuries, la fauconnerie, les chenils. Un pont-levis avec porte flanquée de deux tours conduisait à l’escalier du château. Au milieu de la deuxième enceinte ou cour intérieure s’élevait l’énorme donjon rectangulaire, de masse importante, dont Claude de Chastillon, topographe du Roi Henri IV nous a laissé le dessin.
Autour du donjon et accrochées à la colline des habitations s’étaient groupées en une ville nouvelle, distinct de Hanches. De sorte qu’au XIVème siècle, c’est la ville elle-même qu’il fallut fortifier, travaux qui durèrent jusqu’à la Révolution. La structure principale du château fut détruite par les Anglais pendant la guerre de cent ans.
Avant la Révolution de 1789, il y avait à Épernon quatre églises dont deux dans l’enceinte de la ville. L’église Saint-Pierre qui date du XIe et XVIe est élégamment plantée au milieu du vieil Épernon. Elle fût classée monument historique en 1942. L’église Saint Jean-Baptiste maintenant disparue était située à proximité des Pressoirs et s’ouvrait rue Saint-Jean. L’église de la Madeleine-lès-Épernon et celle de Saint-Nicolas, au prieuré Saint-Thomas étaient hors les murs. Houdreville, hameau d’Épernon avait aussi son église dédiée à Sainte-Anne.
Probablement avant la construction du château et sur l’actuelle paroisse de Hanches, se trouvait, depuis le Xème siècle, le monastère de la Trinité de Seincourt, qu’Amaury de Montfort trouva dans la succession de son père, Guillaume de Haineau. Pour en assurer la continuité, il fit don de ce monastère à son ami Albert ancien chanoine de Chartres, abbé de Marmoutier de Tours, de l’ordre des Bénédictins. Ce don fût sanctionné par le décret royal d’Étampes en 1052. Telle fut l’origine du Prieuré Saint-Thomas d’Épernon. La seule trace encore visible au prieuré est la façade de l’ancienne église de la Trinité de Seincourt. En 1865, lors de dernière démolition, le Comte de Dion fit des relevés précis et une description soignée de ce qu’étaient les bâtiments à cette époque.
Au moment où la reine Bertrade de Montfort se retira au monastère de Fontevrault, en 1115, elle fonda l’Abbaye des Hautes-Bruyères à Saint-Rémy l’Honoré, en réparation de son mariage avec le Roi Philippe Ier. En effet, le jour de son mariage avec Foulques le Réchin, Comte d’Anjou, « l’homme le plus laid du royaume », Bertrade prit la fuite et vint retrouver Philippe Ier, qui l’attendait non loin de là. Le Réchin, de regret, vint mettre le siège devant Épernon, qui fut vaillamment défendue par Simon II de Montfort, le jeune frère de Bertrade, en 1093.
A partir de ce moment, la garde des sépultures des Comtes de Montfort revint aux dames des Hautes Bruyères; il leur fut attribué une maison dans Épernon avec octroi du droit de minage ou de mesurage des grains d’où l’origine des Pressoirs d’Épernon.(Source: Dr André-Nicolas Rabourdin, président de la Société Historique de Rambouillet lors d’une visite à Épernon en 1934).
Les pressoirs se composent de trois nefs voûtées en ogives, soutenues par deux rangées de colonnes, d’anciennes maisons de la ville ont aussi des caves présentant la même architecture romane.
A proximité de l’église Saint-Pierre, la place du Change était jadis le centre de la cité et des commerces.
Une maison médiévale datant du XVe siècle, possède encore dans sa structure à colombage deux sculptures. Au côté droit de la porte d’entrée, l’ange de l’Annonciation la main droite à plat sur la poitrine; à gauche Saint Christophe regarde vers le ciel. De la plaine, nous apercevons la tourelle de cette maison à l’intérieur de laquelle subsiste un magnifique escalier de pierre.
La rue Drouet possède d’autres maisons médiévales. On dit que le mathématicien Michel (Floréal) Chasles naquit en 1793 dans l’une d’elles.
Lors du marché hebdomadaire du mardi et des différentes foires, l’octroi, c’est-à-dire le droit d’entrée des marchandises, était perçu par la ville dans un hôtel situé à l’angle de la rue aux Juifs et de la rue du Château.
Il ne faut pas quitter Épernon sans une halte au vannage de la Drouette, derrière la toute nouvelle salle des fêtes “Les Prairiales ”. Exécutée par Vauban sur les ordres de Louis XIV, la canalisation de cette rivière, plus loin appelée “ canal de Villiers ”, permit le transport des matériaux des carrières d’Épernon pour la construction de l’aqueduc de Maintenon. Il devait permettre de conduire à Versailles, les eaux de la rivière l’Eure prises près de Pontgouin. Tous ces travaux commencèrent en 1685 et ne furent jamais terminés. Au niveau des “ Prairiales ” le port d’embarquement des grès sur des barges à fond plat est encore visible.
L’arrivée du chemin de fer en 1849 relança l’extraction de matériaux des carrières environnantes, la pierre meulière à Poyer, près d’Orphin, le grès de pavage à la Justice sur la route de Nogent-le-roi.
Cette activité s’éteignit vers 1950 mais grâce à l’enthousiasme de la municipalité de l’époque, les activités de la zone industrielle connurent un développement exceptionnel.
La position administrative de la commune d’Épernon, hors l’ancienne Seine et Oise et ville d’Eure et Loir la plus proche de Paris placée sur la ligne de chemin de fer Paris à Brest favorisa l’installation de nouvelles industries.
C’est ainsi que la “ Darex ”division du groupe W.R. Grace, devenue récemment une branche de « Henkel », s’installa en 1949 dans le bâtiment d’une ancienne fabrique de bombes en béton destinées à l’entraînement des aviateurs nazis.
Nous ne pouvons pas terminer ce propos sans saluer le dynamisme et l’esprit d’entreprise de nos anciens qui osèrent entreprendre en 1935 la construction d’une piscine olympique aux dimensions impressionnantes, pour l’époque, de 12 par 50 mètres. Il s’agissait de la sixième piscine olympique créée en France à cette époque.
Les championnats de France militaires devaient se dérouler en 1939 mais les événements du moment en décidèrent autrement. Depuis les sportifs de l’Amicale des Anciens Élèves d’Épernon ont contribué à donner à notre ville la réputation d’être une ville dynamique.
Pierre Morin,
de l’Association « Épernon Patrimoine & Alentours »
mai 2022
Note : L’association « Épernon Patrimoine & Alentours », a été créée en 1999. Sa devise : « à partir du passé, chercher pour le futur ».
Son objectif est de proposer, au plus large public possible, l’histoire de la ville d’Épernon, en collectant notamment documents, outils et matériel ayant trait au travail dans les carrières. Dans ce cadre, ses membres – tous bénévoles- se sont vu confier la gestion du « Conservatoire des Meules et Pavés d’Epernon» qui fait partie du patrimoine municipal.
Le Conservatoire des Meules et pavés, ou éco-musée, rappelle l’importance économique qu’eurent les carrières de grès et de pierres meulières dans la région d’Epernon. (sur les carrières de Senlisse, relire l’article) Exploitées depuis les temps les plus anciens, ces carrières ont connu un essor important au XIXème siècle, devenant même la première industrie locale, employant des centaines de salariés. Les pavés de grès partaient par trains entiers vers Paris tandis que les meules de moulin s’exportaient partout dans le monde. Cette industrie a perduré jusqu’en 1960, date à laquelle elle a totalement disparu.
Outre, l’aspect économique, le « Conservatoire des Meules et Pavés » nous fait connaître combien le travail était pénible et dangereux pour les ouvriers. Il permet de découvrir une belle collection d’outils. Le bruit des pics et des marteaux a cessé, les poussières sont retombées, mais le souvenir des hommes disparus est conservé ici. Facile d’accès et entouré de parkings, le Conservatoire des meules et pavés du Bassin d’Épernon est installé dans une ancienne bergerie près de l’espace culturel des Prairiales.
Cette ancienne bergerie, restaurée en 2005, est l’un des derniers bâtiments ruraux provenant du Domaine de Savonnière auquel a été rajouté le bâtiment en forme de rotonde, appartenant à la famille Plassart-Kelsen, propriétaire du magasin parisien « Le Bon Marché« . Le bâtiment en forme de rotonde, appartenait au Pays de Caux en Normandie et était une aire de battage dans le cadre de l’exposition universelle de 1900 à Paris.
L’infrastructure du bâtiment a été conservée comme à l’origine et comprend cinq salles. Deux salles sont réservées à des expositions temporaires et deux autres à des expositions permanentes sur la géologie locale et la fabrication des meules et pavés, et la dernière est une salle éco-musée de matériels agricoles anciens.
Ce conservatoire, le seul en Europe sur ce thème, se situe comme point de réception pour les vélos sur la route Paris – Mont Saint Michel et sur le chemin de Paris Saint Jacques de Compostelle à vélos.
Le conservatoire est le seul musée d’Eure-et-Loir qui possède le label « Tourisme et Handicap » pour toutes les familles de handicap, à savoir moteur, visuel, auditif et mental.
Une belle idée de visite, à retrouver sur ce site !