Encourager le tourisme rambolitain

Avec le développement du train, du car, puis du vélo et de la voiture, les parisiens découvrent Rambouillet et sa région. Les plus modestes viennent le temps d’un weekend. Les plus fortunés, qui disposent de revenus tirés de la rente que l’inflation n’a pas encore laminée,  peuvent envisager des séjours bien plus longs. Les hôtels et les restaurants se multiplient, et progressivement c’est toute une économie du tourisme qui se met en place.

Pour assister, renseigner et conseiller le voyageur, des structures associatives voient le jour. Nous évoquons ici le Touring Club de France et le Syndicat d’Initiative de Rambouillet.

Le TCF

Le train et le car permettent des loisirs collectifs. L’agence anglaise Thomas Cook se crée en 1808, le Suisse Kuoni en 1906. Les plus fortunés de leurs clients peuvent parcourir le monde.

Cependant, en France, c’est la bicyclette qui, la première, permet de découvrir le pays, seul ou en groupe. En 1881 l’Union Vélocipédique de France est créée (elle deviendra la Fédération Française de Cyclisme en 1940). Elle se limite rapidement aux seules compétitions sportives : le vélo comme sport et non comme loisir.

En réaction, un groupe de vélocipédistes crée en 1890 l’association du Touring Club de France (TCF). Son but : « le développement du tourisme sous toutes ses formes, à la fois par les facilités qu’elle donne à ses adhérents et par la conservation de tout ce qui constitue l’intérêt pittoresque ou artistique des voyages ». 

L’association connaît vite un grand succès, le nombre de ses membres se multiplie, et ses initiatives sont nombreuses. En 1907 elle est reconnue d’utilité publique.

Limitée au cyclotourisme durant ses premières années, elle s’ouvre vite à d’autres formes de tourisme et son activité accompagne le développement de l’automobile.

La revue du TCF, parait chaque mois. Sa bibliothèque du tourisme et des voyages, créée en 1899, publie des cartes, des guides, des revues. En partenariat avec les communes elle installe des tables d’orientation, des bornes, des panneaux routiers. Elle met en valeur des routes touristiques comme la route de l’Esterel en 1903 ou la route des Grandes Alpes en 1909 et jusqu’à la seconde guerre mondiale, avec plus de 700 000 adhérents, elle est un véritable ministère informel du Tourisme.

visiter Rambouillet ! revue du TCF 1er mai 1924

Plus tard elle participe au développement du camping, créant de nombreux « camps de toiles », et développe ainsi un tourisme populaire. Ses colonies de vacances accueillent des milliers d’enfants, comme son camp des Mesnuls ouvert aux enfants durant les vacances de Pâques à partir de 1923.

une proposition de circuit TCF

Promouvoir une région c’est faire connaître le patrimoine de ses communes, inciter les touristes à descendre dans certains de ses hôtels, faire découvrir une spécialité locale, permettre de rapporter un souvenir. La réalisation des premières cartes routières (impliquant la signalisation et la numérotation des routes) par Michelin et la parution de son Guide rouge en 1900 répondent au même objectif et contribuent à l’essor et à la structuration de l’activité touristique.

Une ville comme Rambouillet ne pouvait rester indifférente à ces initiatives.

Le Syndicat d’Initiative de Rambouillet

Union républicaine et agricole samedi 21 oct 1905

Faire mieux connaitre la ville, attirer les touristes c’est précisément l’ambition de Marie Roux, élu maire de Rambouillet en 1904. Certes, la ville, grâce à son château, à sa forêt et ses chasses, a déjà une certaine image de marque. Mais Marie Roux comprend vite tout ce que le tourisme naissant peut apporter à la ville.

Le 21 octobre 1905, le chroniqueur de l’Union Républicaine et Agricole, peut se réjouir car il faisait depuis quelques semaines campagne sur ce thème : Marie Roux organise une première réunion publique dont le thème est « la nécessité de créer un syndicat d’initiative dans la ville de Rambouillet ».

La semaine suivante, dans une salle comble où ont pris place des représentants de toutes les associations de la ville, et de très nombreux commerçants, Marie Roux expose : « Ce syndicat, organisé sur le type des multiples syndicats qui existent dans toutes les régions pittoresques de la France, aurait pour but de faire de la forêt de Rambouillet un centre de villégiature aussi fréquenté que Compiègne et Pierrefonds, que Fontainebleau, Barbizon etc.
Il éditerait un guide pour le tourisme qui serait abondamment distribué; il étudierait tous les perfectionnements à apporter dans les modes de transports, dans les hôtels et maisons meublées, dans les excursions, etc. Il prendrait en un mot toutes les mesures nécessaires pour drainer sur le pays rambolitain une partie de la clientèle qui enrichit des contrées
que la nature a peut-être moins favorisées que la nôtre. »

De tels syndicats existent effectivement depuis quelques années en France. Le premier semble avoir été créé à Grenoble le 2 mai 1889.

« Le syndicat d’initiative est aussi l’endroit d’une célébration ‘patriotique et locale’ qui promeut avec fierté les joyaux du lieu (d’ailleurs entretenus en partie grâce à lui). Ainsi, par exemple, l’affiche placardée à l’intérieur a une vertu à la fois publicitaire et identitaire : elle symbolise et glorifie la ville. » (Alban SUMPF, « Les premiers syndicats d’initiative » )

Le projet, présenté par Marie Roux le 28 octobre 1905 aboutit très vite : le 4 novembre, M. Defrance, délégué du TCF vient lui apporter son concours. Un comité provisoire est constitué et les adhésions sont lancées. Le TCF, avec un don de 250 francs est le premier à adhérer.

Le 9 décembre 1905, cinq commissions sont créées pour définir les modes de fonctionnement du syndicat et ses objectifs : la commission des statuts qui en définira les textes règlementaires, la commission de la publicité, guides et affiches, celle de topographie, sites, itinéraires d’excursion et d’herborisation, celle des habitations et hôtels, et celle des transports et communications.

Le mercredi 21 février 1906 l’assemblée constitutive adopte les statuts de l’association. Le conseil comprend 12 membres élus. Le maire et les adjoints de la municipalité sont membres de droit. Le maire Marie Roux est désigné comme premier président.

Si l’on regarde la liste des membres du conseil, et celle des responsables de commissions, il est clair que le syndicat est entièrement géré par la municipalité. C’est une organisation que l’on retrouve dans presque tous les syndicats :  le 12 décembre 1909 lorsque celui de Saint-Léger-en-Yvelines est créé, c’est son maire E.Vassal qui en prend la présidence. Le maire R. Brault, prend la présidence de celui de Montfort-L’Amaury. Dourdan, fondé le 29 janvier 1906 semble une exception.

Les premières souscriptions permettent d’affecter un budget de 800 francs à la publication « de la façon la plus artistique qu’il soit possible, en même temps qu’économique, d’un guide et d’une affiche illustrée ».

Et le 6 avril 1906, Marie Roux peut se réjouir : « le livret-guide des syndicats d’initiative de Rambouillet et Montfort a été distribué. C’est un joli petit volume illustré avec soin, dans une couverture tout à fait artistique, et imprimée en trois couleurs. (…) Grâce à cet effort, la forêt de Rambouillet ne tardera pas à être connue du grand public et le nombre de touristes et de visiteurs s’augmentera considérablement. »

 C’est également durant l’année 1906, le 13 mai, que le Petit Journal organise à Rambouillet une première Fête du Muguet, et qu’il est coorganisateur le 27 mai  d’une grande Fête des sapeurs pompiers de Seine-et-Oise. Le 24 mai 1908 la Fête du Muguet devient la fête municipale qu’elle est encore aujourd’hui, mais le syndicat d’initiative n’en est qu’un acteur, car c’est le Comité de la Fête du Muguet qui est chargé de son organisation annuelle.

Après guerre, le Syndicat d’Initiative poursuit son activité. Mme Thome-Patenôtre estimant avoir déjà trop d’activités, c’est M. Deloffre, en sa qualité de maire-adjoint qui préside l’association.

Une nouvelle affiche est créée à partir d’une gouache de l’artiste rambolitain Gustave Hervigo. De nouveaux guides sont régulièrement édités ainsi que des documents spécifiques : liste des hôtels-restaurants etc…

En 1976 Mme Desmeuzes, qui dirige l’agence immobilière la plus importante de la ville est élue présidente.

En 1979 elle est remplacée par M Paccou, directeur de l’Institut International de Langue Française.

En 1984 Gérard Larcher remporte les élections municipales. Il avait contre lui plusieurs listes, dont celle que menait M. Paccou, qui en a été, du reste, le seul élu.

Une des premières décisions du nouveau conseil municipal est de créer aussitôt un Office Municipal de Tourisme pour remplacer le Syndicat d’Initiative. Les mauvaises langues y voient la volonté de la municipalité de reprendre la direction d’un syndicat dont le président est membre de leur opposition. Le Conseil, pour sa part, se justifie par la nécessité de disposer de moyens plus importants, car les adhésions au syndicat sont rares et son budget trop faible pour engager des actions d’envergure.

Créé par arrêté préfectoral du 15 janvier 1985 l’Office Municipal de Tourisme est un établissement public à caractère industriel et commercial. Son président est le maire de Rambouillet. Dans ses locaux de l’aile gauche de la mairie, M. Dannacker assume la direction (je crois me souvenir qu’il occupait ce poste de façon bénévole) et Mmes Favre et Guyot renseignent avec le sourire les touristes de passage en ville.

Le Syndicat d’Initiative n’est pas dissous pour autant, et j’ai la surprise de m’en voir proposer la présidence ! Renseignements pris, cette proposition n’a rien de flatteur : il s’agit seulement de ne pas donner l’impression d’écarter les quelques entreprises ou personnes qui s’y impliquaient, mais sans jouer désormais aucun rôle dans la politique du tourisme rambolitain. Faute de candidat, et surtout faute d’objectif, l’association a donc été dissoute quelques années plus tard, dans l’indifférence générale.

En 2019 l’Office s’est transféré dans ses locaux actuels -l’ancien presbytère de Rambouillet. Il y a gagné des locaux fonctionnels et plus grands. Il est malheureusement moins visible, derrière un arrêt de bus et la terrasse d’un restaurant.

En 2014 l’Office de Tourisme de Rambouillet et l’Office de Tourisme Plaines et Forêts d’Yvelines se sont regroupés pour la création d’un seul et unique Office de Tourisme Rambouillet Territoires.   

L’Office a considérablement augmenté ses services, organisant notamment de nombreuses et très intéressantes visites à thème de Rambouillet et de sa région.

En 2020, lorsqu’elle a été dissoute, la Fédération nationale des offices de tourisme et syndicats d’initiative (FNOTSI), comprenait 1 402 offices de tourisme et 183 syndicats d’initiative.

Et le TCF ? L’association n’a pas résisté à l’usure du temps. Après des années de baisse de ses effectifs, et de problèmes financiers, elle a été mise en liquidation de biens le 23 octobre 1983. Le fonds de sa bibliothèque a été acheté par la ville de Paris, et ses documents (guides, cartes anciennes…) restent consultables à la Bibliothèque du tourisme et des voyages Germaine-Tillion.

Christian Rouet
avril 2025

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