L'hippodrome de Rambouillet
Au XIXème siècle, les hippodromes se multiplient en France. Rambouillet, terre de villégiature où le cheval était roi, se devait d’en accueillir un.
Tous les Rambolitains connaissent l’existence de l’hippodrome de la Villeneuve. Et beaucoup y sont allés, à l’occasion d’une manifestation quelconque : une braderie sur son parking, un salon organisé par une association ou un club-service sous ses tribunes…
Mais finalement, seule une minorité assiste aux courses, spectacle pourtant bien agréable, doublé, pour les parieurs, de quelques minutes d’espoir…
C’est l’histoire de cet hippodrome que je vous raconte ici.
A l’origine
Les premiers hippodromes (hippo: cheval et drome : course) datent de l’Antiquité : du Circus Maximus de Rome, créé par Tarquin l’Ancien (vers 600 av JC) à celui de Constantinople (vers 200 ap JC). Ils accueillent des courses de chars et de chevaux.
En France, les courses de chevaux sont nombreuses dès le Moyen-Âge . Elles sont souvent disputées au galop entre deux cavaliers, dans les villes, le long des rues, sur une place…
Le 20 avril 1776 est inauguré le premier hippodrome permanent à Neuilly. En 1780 celui de Vincennes est créé pour plaire à Marie-Antoinette d’Autriche, passionnée par les courses de chevaux.
Cependant c’est au XIXème siècle que les courses modernes débutent vraiment, avec la création en 1833 de la « Société d’encouragement pour l’amélioration des races de chevaux en France ».
Les champs de courses se multiplient : en 1851 on en compte 51 en France.
Les débuts de l’hippodrome de Rambouillet
C’est durant le mandat du maire Marie Gautherin que la ville de Rambouillet parvient à se doter d’un hippodrome.
En novembre 1888, une première société de courses est créée. Son bureau, présidé par l’avoué Papin, réunit, avec l’architecte Trubert, 4 habitués des courses : deux entraineurs, un sellier et un grainetier.
Un terrain est trouvé dans la forêt, près de la Croix Vilpair (ou Vilpert), dans le domaine d’Etat. Un accord est trouvé : le terrain peut être acheté par la ville et rétrocédé à la société des courses. Le 15 novembre 1888, le conseil municipal approuve les termes du contrat proposé par l’Etat.
Le capital de «La société de l’hippodrome de Vilpair », fixé à 30 000 francs, est facilement souscrit.
Cependant un riverain s’oppose au projet, et gagne son procès contre l’Etat et la ville. Cet emplacement est donc définitivement abandonné.
Le 16 novembre 1889, la société se rebaptise en « Société des courses de Rambouillet », porte son capital à 60 000 francs et décide de prendre en location pour 12 ans un terrain de 40 ha, « à l’ouest de la ville, au sud du hameau de la Villeneuve, et à l’orée de la forêt de l’Yveline, dite Bois de la Villeneuve ».
Ce nouveau projet est le bon, et finalement ce second emplacement, plus près de la gare, s’avère mieux adapté ! Les travaux d’aménagement sont rapidement menés, et le lundi 6 octobre 1890 l’hippodrome est inauguré en présence du maire Gautherin, de Mme la duchesse d’Uzés, de Mme la baronne de Rothschild, entourées « d’un essaim de jolies femmes » (« le Réveil de Rambouillet ») et de bien d’autres personnalités locales.
Départ 12h50 de la Gare Montparnasse, 12h55 de la gare Saint-Lazare : des trains ont été spécialement programmés pour attirer les amateurs parisiens.
Pour mémoire, ont été courus ce jour-là, le Prix d’Octobre, un steeple-chase de gentlemen-riders avec 9 partants, un steeple-chase militaire avec 3 partants, le Prix de Rambouillet (qui se termine avec deux gagnants ex-aequo), et le Prix des Eveuses. Toutes ces épreuves sont des courses d’obstacle. (Le steeple-chase se distingue de la course de haies, parce qu’il y a des obstacles différents, comme la rivière.) La piste est en sable, et les commentateurs constatent qu’à plus de trois concurrents, le nuage de poussière soulevé gène considérablement la course.
86 emplacements ont été réservés pour les bookmakers, ce qui montre l’importance des paris dans ces courses. Ils laissent finalement un bénéfice de 35 440francs (9 500€) dont 2% sont versés au Bureau de Bienfaisance.
C’était la première journée de courses… il y en aura bien d’autres !
La seconde journée de courses a lieu le 13 juillet 1891, avec le Prix du Petit-Gril, celui de Clairefontaines et le Prix des Veneurs, tous des courses de haies. Le Prix de la Tour ouvert aux « officiers et gentlemen—habits rouges » de même que le Prix de Dampierre sont deux steeple-chases.
Le Réveil de Rambouillet du 18 juillet consacre à cette seconde journée une pleine colonne à la Une, pour décrire la chaleureuse ambiance de la journée, avec fanfares, trompes de chasse (instrument qu’il juge toutefois peu adapté à jouer dans la tribune!). Il y est même question d’une plaie des hippodromes : les pickpockets. Quelques spectatrices en sont victimes. Par contre, la police municipale a su écarter les bonneteurs, nombreux lors de l’inauguration.
Mentionnons encore la troisième journée de courses de l’hippodrome : celle du 2 août 1891. Ont lieu cette fois 5 « courses plates », dont une sur une piste droite, plus longue. Pour la suivante, le 12 octobre, on reviendra cependant aux courses de haies et steeples.
Je quitte un instant l’hippodrome pour évoquer la course qui oppose, le 7 novembre 1893, le duc de Brissac, à cheval, à M. Lebaudy, à bicyclette, sur 50km entre Rambouillet et Suresnes (vainqueur, le cheval, en 2H15, arrivé 30 mètres devant son concurrent).
Je cite cette anecdote que j’emprunte avec cette photo à la page FaceBook de Daniel Czerniejewski, parce qu’elle est significative de cette époque où le cheval était élevé, entrainé et monté par de riches amateurs… Nous étions encore loin de la professionnalisation dans le sport en général, et dans les courses hippiques en particulier !
L’hippodrome n’a pas que des amis ! Le Radical du 22 juillet 1894, mécontent du résultat d’une course (sans doute le chroniqueur a-t-il perdu son pari ?) écrit : « Les courses de Rambouillet n’ont aucune utilité pour personne. Le montant des prix offerts par la Société sont insignifiants et les chevaux qui se présentent sont ceux qui ont épuisé sur tous les autre champs de courses toute chance de réussite ».
En 1898, profitant des travaux de l’hippodrome de Berck-sur-Mer (l’un des plus vieux de France), Rambouillet peut remplacer ses tribunes de bois par de belles tribunes métalliques dont le style balnéaire convient très bien à la région (elles ont été détruites depuis).
Le Figaro du 11 juillet 1903 évoque en ces termes l’hippodrome : « Les réunions de courses données sur le charmant hippodrome de Rambouillet ne sont évidemment pas des plus relevées en ce qui concerne le sport; en revanche, au point de vue mondain elles sont toujours très réussies et réunissent une assistance fort élégante. »
Pas sûr que le « évidemment » ait été du goût des responsables de la société des courses !
Il faut décidément beaucoup de temps, d’efforts et d’argent pour être reconnu dans le monde hippique !
L’hippodrome organise ainsi trois journées de courses par an, jusqu’à l’interruption due à la guerre de 1914-1918. La paix revenue, les associations reprennent une à une leur activité.
Le 4 avril 1919 la presse locale se réjouit : le ministre a approuvé le calendrier des réunions sportives des hippodromes parisiens de l’année, et celles de la Villeneuve vont reprendre.
Il semble cependant qu’il faille attendre 1921 pour que leur reprise soit effective.
A cette époque, il y a en France 5 grandes sociétés de courses de chevaux, qui les organisent dans tout le pays : la « Société d’encouragement pour l’amélioration des races de chevaux en France », la « Société sportive d’encouragement », la « Société de sport en France » et deux société plus spécialisées : la « Société des steeple-chases », et la « Société de demi-sang ».
Ces sociétés à vocation nationale travaillent en partenariat avec les sociétés locales dont chacune gère l’hippodrome de sa ville.
Le 22 septembre 1925, la journée de courses s’accompagne de l’inauguration d’une nouvelle tribune réservée aux professionnels, entraîneurs et journalistes, avec une terrasse qui leur permet de mieux suivre la course.
On l’appelle alors, tantôt hippodrome de Rambouillet, tantôt hippodrome du Petit Gril.
Le 19 août 1928 le Prix des Dames réunit pour la première fois 4 concurrentes.
Les épreuves de galop, jugées trop dangereuses pour le sexe faible, ne leur sont pas encore ouvertes.
Dans ce domaine comme dans d’autres, c’est seulement au trot que se bâtit l’égalité des sexes !
En 1936, les terrains qui appartenaient jusqu’alors à M. Lederlin ont été acquis par Raymond Patenôtre. Le terme « Petit Gril » est abandonné pour son appellation de « hippodrome de la Villeneuve ».
L’évolution
Malgré la seconde guerre mondiale, les courses ont lieu à Rambouillet en 1939 ainsi qu’en 1940. Pour compenser les frais des concurrents, et en réunir suffisamment, la société de course de Rambouillet prend alors à sa charge les frais de déplacements facturés par la Société des transports hippiques.
Mais le 4 juillet 1941, elle est obligée d’annoncer dans la presse locale l’annulation des réunions prévues les 14 juillet et 10 août. Malgré l’appui du Préfet de Seine-et-Oise, il n’a pas été possible d’obtenir l’essence nécessaire au transport des chevaux.
Il n’y a plus de courses avant la fin de la guerre et l’hippodrome ne rouvre que le 27 août 1946.
Le 31 juillet 1947 a lieu une première journée de course de galop, avec trois courses plates et trois courses d’obstacles et pendant des années les différentes catégories de courses alterneront à la Villeneuve. L’inconvénient des nuages de poussière mentionnés par les premiers spectateurs a disparu : l’hippodrome dispose d’une superbe piste gazonnée, une des seules de France.
Jean Savard, le fondateur de la société Bijoux Fix (pour qui l’architecte Quételart a construit la superbe maison Clairbois) soutient très activement la Société des courses de Rambouillet. Il en est président et une partie des terrains utilisés par l’hippodrome lui appartient. Ses chevaux courent dans les plus grands hippodromes de la région parisienne.
La période d’après-guerre marque aussi la restructuration du sport hippique. Les sociétés se regroupent. En 1948 la Société de Sport de France devient propriétaire du terrain de l’hippodrome. Elle le met gracieusement à la disposition de la Société des courses de Rambouillet, et assure la gestion des manifestations sportive organisées à la Villeneuve.
Il y en a ainsi deux par an, de 1949 à 1961, puis leur nombre s’élève progressivement jusqu’à neuf à partir de 1980. Les courses de trot et de galop alternent toujours.
En 1991 la Société de sport de France décide de spécialiser ses hippodromes. Dans celui de la Villeneuve, elle abandonne définitivement le galop, pour ne plus organiser que des épreuves de trot tiré ou monté sur 2000m et 2800m.
En raison de cette spécialisation, lorsque la Société de sport de France est intégrée dans la nouvelle structure nationale France Galop, avec les autres sociétés spécialisées dans cette catégorie, elle n’a plus d’intérêt à conserver la Villeneuve. Elle cède donc l’hippodrome à la Société d’encouragement pour l’amélioration des races de chevaux en France.
Depuis, l’hippodrome fonctionne dans le cadre d’une convention tripartite entre cette société, la ville de Rambouillet et la société des courses de Rambouillet, présidée en 2024 par Bernard Marie.
Le site de l’hippodrome nous offre bien d’autres agréments, notamment en accueillant des expositions de voitures anciennes, des salons, braderies, marché de Noël et autres manifestations. Les visiteurs apprécient le charme de sa situation et la commodité de son grand parking.
Je garde personnellement le souvenir d’une Foire de Rambouillet que nous avions organisée, sur la pelouse centrale, une année où un orage violent ayant détrempé la pelouse, les camions forains s’étaient embourbés. Il avait fallu faire appel aux engins du 501ème pour dégager la Grande-Roue, et poser un plancher pour que les visiteurs puissent accéder aux stands !
Mais rassurez-vous : il ne pleut plus à Rambouillet !
Et les visites guidées et séjours de découverte sont nombreux. La « Table du Petit Gril » le restaurant de l’hippodrome, est maintenant ouverte, même hors période de courses.
En 2007 un projet de golf a failli voir le jour. Un practice de cent places, un parcours neuf trous et un parcours-école de trois trous aurait dû occuper le centre de la piste. Finalement il a fallu attendre 2018 pour que le projet soit repris, avec l’accord du Conseil Régional… mais il semble toutefois avoir été à nouveau contrarié. Affaire à suivre ?
Et je passe la parole à Bernard Marie, qui le fait vivre, à la tête de son équipe de bénévoles :
«L’hippodrome aujourd’hui c’est 9 réunions de courses de trot organisées d’avril à octobre par l’association des courses hippiques de la Villeneuve. Plus d’un millier de trotteurs accueillis sur la piste en herbe de 1700 m et reconnue par les utilisateurs comme étant une des meilleures de France.
Les idées ne manquent pas aux bénévoles de l’association rambolitaine, notamment pour respecter encore plus l’environnement et le bien être animal en obtenant le label « Equures » en 2021 :
– entretien des espaces verts,
– zones de prairies fleuries pour favoriser la biodiversité,
– récupération des eaux de pluie pour l’arrosage,
– éclairage moins gourmand en énergie,
– panneaux photovoltaïques… »
Alors, rendez-vous à l’hippodrome ?
En 2024, les prochaines réunions ont lieu les 7 et 21 avril, 1er er 26 mai, 9 et 16 juin, 8 et 15 septembre et 6 octobre. Vous pouvez actualiser ces informations sur le site de l’hippodrome.
Christian Rouet
mars 2024
merci pour ce beau récit ,qui comme toujours nous apprends plein de choses ,encore merci