E via orta = née de la route

L’histoire des rues est totalement liée à celle de la ville et la toponymie illustre parfaitement cette réalité, au même titre que l’histoire du Perray est totalement liée à l’essor de sa voie-mère, devenue route royale, puis impériale et enfin nationale.

Au Perray, la devise latine E via orta (« née de la route ») est rajoutée le 10 mars 1982, par la volonté de M. Alphonse Marest, au blason de 1953, dessiné par Robert Louis, auteur de séries de timbres à blasons des années 1960.

Cet article est publié au moment où Patrick Beguin vient de rééditer le livre qu’il a consacré aux rues du Perray-en-Yvelines, dans le cadre de l’association Histoire et Mémoire du Perray-en-Yvelines. Ce livre très complet vient prolonger les articles qu’il avait publiés sur sa page FaceBook ainsi que la conférence organisée à la Mare au Loup le 13 novembre 1922, dans le cadre de l’exposition Le Perray d’hier et d’aujourd’hui.

le livre de Patrick Beguin

Je n’en ai extrait ici que quelques données générales, consacrées aux routes et rues du Perray, et tous ceux qui souhaitent en savoir plus sur le développement du Perray, peuvent acheter ce livre en contactant l’auteur sur Facebook, par mail (patrick.beguin@cegetel.net) ou au 06 33 55 50 21. (Prix : 20€)

La RN 10

La route vers l’Espagne (pour les Parisiens) date de la domination romaine et reliait Lutetia (Paris) à Cenabum (Orléans), Caesarodunum (Tours), Limonum (Poitiers), Burdigala (Bordeaux) et Aquae Augustae (Dax).

La chute de l’Empire Romain entraîna l’abandon de la voirie et le repli des régions sur elles-mêmes. Cette voie romaine retrouve son intérêt lors du pèlerinage pour Saint-Jacques de Compostelle : la via Turonensis est l’axe principal pour les pèlerins venant de ou passant par Paris (la Croix Saint-Jacques, monument datant de Louis XV érigé à la sortie du Perray, nous rappelle cette vocation). Dans la seconde moitié du XVIème siècle, nait la Poste Royale, qui établit des relais de chevaux, distants, en moyenne, de 4 lieues (le relais de Coignières, un des 90 pour 750 kms), l’Auberge de la Poste –sera « doublé » vers 1760 par La poste aux lettres du Perray –L’Auberge de l’Artoire devenue Chez Ange en 2022 -dont la vocation était de desservir le Château de Saint-Hubert.

Ce résumé est tiré de l’ouvrage de M. Laurent Carré « On est heureux, Nationale 10 »(18 septembre 2015). 

François Ier résidant– et mourant ! – à Rambouillet, Louis XIV allant se marier à Saint-Jean de Luz (1660), nul doute que la route royale connut de grandes heures, d’autant que les Perraisiens furent sans doute assujettis à l’entretien de cette route puisque Sully, au début du XVIIème siècle, confia l’entretien des voies aux riverains (« la Corvée des grands chemins ») et, dès lors, toute une activité va naître de la route (charrons, charretiers, auberges,…), comme en témoignent les premiers recensements.

Composition1 Tout au long du XVIIIème siècle, la route Paris-Bayonne sert d’axe principal aux nouveaux échanges politiques et économiques avec l’Espagne dont le roi Philippe V (1700-1746) est le petit-fils de Louis XIV.

Les auberges prospèrent et on retrouve des aubergistes parmi les protagonistes de la démocratie locale sous la Révolution et l’Empire (Bunel, Malin, Roger, …)

En décembre 1811 un décret impérial établit le classement des grandes routes de l’Empire. La route de Paris à Bayonne est désormais la route impériale de première classe n°11. La Restauration s’empresse de faire oublier la numérotation impériale, c’est ainsi que l’ancienne route impériale n°11(voir la carte ci-dessous) devient route royale n°10 en 1824. Le décalage d’un chiffre s’explique par le déclassement de la route impériale n°3 qui reliait Paris à Hambourg. Désormais, la route de Paris à Bayonne vers l’Espagne conservera le numéro 10. Avec la Monarchie de Juillet, elle perd l’adjectif royal pour devenir la route nationale n°10. Entre 1852 et 1870, elle redevient route impériale et, à partir du 4 septembre 1870 elle est à nouveau la RN 10.

Au Perray-en-Yvelines (dénomination officielle depuis le 11 août 1948), depuis le 25 mai 1976, la RN 10 a été déviée à l’Ouest et l’ancien tronçon a été rebaptisé RD 910.

Les rues du Perray

À l’origine, le nom des rues correspondait d’abord à leur utilité première : relier des lieux entre eux, qu’ils soient villes, hameaux ou lieux-dits. On trouve ainsi sur le Plan d’Intendance de 1785 : -Route de Rambouillet à Versailles,

Grand chemin de Maintenon,

-Chemins de Montfort au Perray,

-Chemin des Bréviaires,

-Chemin d’Epernon,

-Chemin du Perray au Roseau,

-Chemin du Rotoir (hameau),

Chemin des Gauvilleries (hameau),

Grand Chemin de Saint-Benoît

La Route des Deux Pavillons désignant la route de chasse reliant le Château de Saint-Hubert aux pavillons de l’Etang de la Tour est devenue la Route Royale.

Le cadastre de 1830 s’enrichit des rues de la Touche (hameau), du Pont-Marquant et la Grand Route relie désormais Chartres et Paris et bientôt la Route Impériale n°11 devient la Route Nationale 10.

Une règle persiste dans le choix du nom des rues du Perray : aucune rue ne porte le nom d’une personne célèbre quelle qu’elle soit  -exception faite, sans doute par ignorance de l’origine du nom du lieudit, de la Rue du Petit Pas qui porte le nom d’un ancien propriétaire terrien du XVIIIème siècle (Marie-Jeanne Petitpas, veuve de Jacques Bunel, recensée propriétaire de nombreuses terres de l’actuelle gare au Pont-Tarault dans le Terrier du Duc de Penthièvre de 1781).

Cette règle ancienne a été officialisée le 18 septembre 1931, lorsque le Conseil Municipal a officiellement adopté les noms des 24 rues du Perray.

La 24ème rue correspondait à la Rue Nouvelle (voie encore privée en 1931)

Le conseil procédait juste à l’époque à quelques ajustements (le boulevard de la Gare devient avenue) et, depuis lors, certaines de ces rues ont été un peu modifiées dans leur tracé, notamment par la déviation de 1976 ou les modifications liées à la fermeture des Passages à Niveau 27 et 28 en 1979 :

  • La Rue de Houdan coupée par la déviation aboutit sur la Rue du Roseau et la partie coupée est devenue la rue de la Mare aux Loups;
  • Le Chemin de Quarante-Sous est devenu d’un côté la Rue de Parfond, a gardé sa partie centrale et a perdu son extrémité qui correspondait au tracé de la déviation avant d’aboutir dans la Rue de Houdan;
  • La Rue du Moulin commence au-delà de l’ancien PN 27 (la première partie est devenue la rue de l’Eglise);
  • La Grande Rue Verte commence désormais après le pont de la déviation qui passe par-dessus le Pont-Forget qui passe sur la Rigole venant du Roseau;
  • Le Chemin de Montfort est interrompu par la déviation.

A plusieurs reprises, en dépit de propositions des habitants, cette règle de non utilisation de noms de personnes a été rappelée et jusqu’à ce jour, toujours respectée.

Les recensements de 1836 à 1926 témoignent d’un souci d’adresse (pour situer les foyers) progressif mais lent. Des noms de rue, certes, mais pas de numérotation ! On numérote les maisons dans l’ordre où on effectue le recensement, mais l’agent recenseur ne part pas toujours du même point, fait un côté de rue, puis l’autre, voire les deux en même temps et ne nomme pas les rues secondaires, quand leur dénomination n’est pas officielle : il préfère utiliser, comme le facteur, les noms de lieudits (le Calvaire, l’Archangerie, le Bel Air). Il est parfois difficile de faire le lien entre plusieurs recensements…

En 1931 la plupart des 24 routes et chemins sont devenus des voies carrossables et souvent élargies et reprises pour permettre la circulation des automobiles. Ce souci de circuler et de desservir se retrouve dans l’odonymie (le noms des voies) choisie:

-des noms de directions hors la ville (Paris, Chartres, Montfort, Houdan, Auffargis, Saint-Hubert …),

-ou propres à la ville: la rue amène alors aux anciens hameaux du Perray (le Moulin, la Herse, la Grimace, le Roseau, la Touche, les Rues Vertes…) ou à des lieux-dits connus des Perraisiens (La Breloque, la Grenouillère).

En 1936, chaque rue a son nom et chaque maison aura désormais son numéro…

Une rue garde une ancienne dénomination : le Chemin de Quarante sous. A l’origine il ne désigne qu’une voie de liaison entre le Chemin de Montfort et le Chemin des Bréviaires et a été réalisé vers 1750, par des paysans locaux, réquisitionnés et payés 40 sous de leur journée de travail.

Au 31 décembre 2022, 117 odonymes désignent les voies et places du Perray, en utilisant :

-les ressources forestières et arbustives (Rue de la Charmoie, de la Grande Brèche, Clos de l’Erable, des Pommiers, Rue des Séquoias, Allée des Marronniers, des Thuyas ou Rue des Chênes, Allée des Magnolias),

le réseau hydrographique (rue de l’Etang, Sente de la Nouette, Rue de Parfond, de Corbet, du Moulinet, du Gruyer, de Pont-Royal, du Pont Marquant, du Pont Tarault, de la Perche aux mares, de la Mare aux loups, de la Mare Neuve,…),

-la faune et la flore liées aux forêts et étangs (Square des Ecureuils, Allée des Colverts, des Grèbes, de la Fauvette, de la Bergeronnette, de la Hulotte, des Ives, Impasse des Mouettes, Rue du Chèvrefeuille, …),

-le patrimoine agricole, cynégétique ou des activités du passé (Rue de la Gerbière ou du Rotoir, Allée de la Vénerie, Rue de la Joute aux cerfs, Ruelle des Rabières, Rue des Fourneaux, des Vergers, Clos des Charbonniers, Rue de l’Abreuvoir, Impasse des Lavandières, Allée des Tilleuls argentés),

-le nom des parcelles cadastrales datant de 1830, voire antérieures selon les actes notariés en faisant état (Terrier du Duc de Penthièvre) souvent liés à leurs lointains propriétaires (Rue de la Martinerie, de la Barantonnerie, du Clos Cadet, Allée du Grand-Amiral) ou à des particularités géographiques (Allée des Îles, Rue et Square du Planit …).

Autant de noms qui servent à conserver et transmettre l’histoire du village, de ses particularités et activités plutôt que l’Histoire générale. Ces noms ont souvent été regroupés en «familles» par quartiers ou lotissements pour faciliter le repérage : ainsi, l’histoire de la chaîne des Etangs et donc les noms des étangs et du pont ont donné lieu aux 4 noms de rue du Lotissement le Clos de Parfond : Rues de Bourgneuf, de Pourras, de Corbet, du Pont-Royal.

Voici donc quelques considérations générales sur les règles et usages retenus pour baptiser les rues du Perray-en-Yveline. Rambouillet, pour sa part, a fait le choix d’utiliser aussi des noms de personnages locaux, ou nationaux. On pourra relire l’article que j’ai consacré aux rues de Rambouillet en janvier 2021 (en ligne [ici]) afin de comparer les choix de ces deux communes.

Christian Rouet
mars 2023

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