Le château du vieux-moulin

Il sera question ici d’un domaine, tout à la fois bien, et mal connu des Rambolitains.

Bien connu, parce qu’il n’est pas possible de quitter Rambouillet vers la zone du Bel Air, sans voir dans son grand parc, ce bâtiment à colombages, au sommet d’une butte,

Mal connu, parce que ceux qui passent devant la propriété n’en aperçoivent qu’une petite partie.

Quant aux activités qui ont pu s’y dérouler, les Rambolitains savent vaguement qu’il y a eu des étrangers, et des cours de langues…

Ces quelques pages présentent l’origine du domaine, et son avenir immédiat, alors qu’un permis de construire vient d’être accordé le 2 février 2020.

Elles résument également l’histoire des instituts qui l’ont occupé durant soixante-dix ans, et donne même un aperçu de l’enseignement qui y était dispensé : le français enseigné à des étrangers. (FLE)

I. La construction

Le baron Paul-Bernardin, Colaud de la Salcette né à Grenoble le 30 Mai 1851, est nommé le 26 avril 1892 procureur de la République à Rambouillet.

le plan du vieux-moulin 1830
le plan du vieux-moulin 1830

Il y achète (en 1901 ?) un domaine qui comprend plusieurs parcelles bâties et non bâties, au croisement de la rue d’Ablis  (qui deviendra rue G.Lenotre  par délibération municipale de 1935), avec la rue de la Garenne ( qui deviendra rue Raymond Patenôtre en 1951).

Elles sont répertoriées au cadastre sous les désignations:

  • «Pavillon de la marine » (?). comprenant une maison, une maison de concierge et un bâtiment de communs, avec des parcelles non bâties désignées : « mare, jardin d’agrément, potager, sol et cour, terres »
  • et « moulin de la Droue », qui comprend en bâti une maison d’habitation, et des parcelles non bâties désignées « sol et cour, jardin, bois, terre et pré ».

Le Pavillon de la marine forme un triangle délimité par le « chemin de Racinet » à l’ouest, et par le « chemin d’exploitation du four à chaux » au sud. Ce dernier marque la limite entre les communes de Rambouillet et de Gazeran, comme le fait également la rue d’Ablis à l’est.

On a pu lire que ce serait son ami, le comte Félix-Nicolas Potocki, propriétaire du domaine de la Grange Colombe à Rambouillet depuis le 12 février 1885, où il venait régulièrement chasser, qui lui aurait offert ce terrain, voire le château lui-même…
Ailleurs, que le baron de Salcette aurait découvert Rambouillet, en venant chasser chez Eugène Thome-Patenôtre à Pinceloup…
Aucun document ne vient corroborer ces histoires, qui cadrent mal avec ce que nous savons de la famille Colaud de la Salcette, et avec le fait que le baron était procureur à Rambouillet..

En tous cas, c’est dans ce domaine que le baron de Salcette fait construire un château, que les  rambolitains connaissent sous le nom de « château du vieux moulin ».

Si sa désignation officielle de « pavillon de la marine » est surprenante, la référence à un vieux moulin l’est beaucoup moins.

le vieux moulin
le vieux moulin

La maison dite « moulin de la Droue » était mitoyenne de l’un des moulins de Rambouillet, construit vers 1791 au lieu-dit « les quatre  ormes » par le meunier Jean-François Leroy de Béville-le-Comte. Sans doute s’agissait-il de la maison d’habitation du meunier ?

On aurait pu imaginer que l’emplacement actuel du château, au sommet d’une butte, aurait été plus adapté, afin de profiter des vents d’ouest. Mais peut-être était-il plus intéressant d’être au bord d’une route ?
Quoi qu’il en soit, il n’est déjà plus utilisé quand le baron de Salcette se rend acquéreur du domaine.

Une carte postale le montre tel qu’il était, avant d’être rasé en 1905.
Il s’agissait d’un « moulin-tour » en pierres, surmonté d’une calotte orientable dans le sens du vent, qui supportait les ailes.

Le chantier, confié à l’architecte parisien Charles Morice dure trois ans, de1906 à 1909 et mobilise   jusqu’à 350 ouvriers. Morice est alors un architecte de renom, à qui on doit notamment le piédestal du monument de la république à Paris -surmonté d’un ensemble statuaire réalisé par son frère, le sculpteur Léopold Morice.

Y travaillent des entreprises rambolitaines comme Pailleau, pour la maçonnerie, Arthur Aube pour la couverture ou Prompsaud pour le chauffage.

En 1909 les anciennes constructions du Pavillon de la Marine, de même que la maison du Moulin de la Droue, sont démolies et ne subsistent plus que les nouveaux bâtiments.

Jacques-H. Lambert, qui a réalisé les jardins de l’Esplanade des Invalides pour l’Exposition Universelle, est chargé de l’aménagement du parc, et sélectionne trois cents espèces d’arbres et arbustes.
Les arbres du parc sont encore bien chétifs sur ces cartes postales de 1912 !

le château, façade principale

Le château lui-même, -comme le manoir qu’Emile Behague construit rue de la Garenne (aujourd’hui 40 rue Raymond Patenôtre), ou celui de la Grange Colombe au Patis illustre le mouvement régionaliste qui marque la fin du XIXe siècle. Ils rappellent, écrit E.Huet dans ses « Promenades pittoresques dans le Loiret », cité par Thierry Liot (dans « la belle époque des châteaux en terre d’Yveline »),

« ces villas charmantes qui abritent leurs murs zébrés par les pans de bois sous les pommiers de la vallée d’Auge, ou élèvent leurs toits de tuiles et leurs pignons à dentelle de bois face à la mer , sur la côte ensoleillée de Trouville, de Bleuzeval et d’Houlgate » … 

 Construit au point le plus haut du terrain, il comprend un sous-sol semi-enterré, dont les fenêtres reçoivent la lumière par trois cours anglaises. On y trouve la chaufferie, deux buanderies et une cuisine avec monte-plats.

le château (arrière)

En rez-de-chaussée un grand hall avec escalier monumental, un bureau lambrissé, une salle à manger, et une très belle salle de réception, décorée avec des toiles peintes du XVIIIe, récupérées lors de la démolition d’un château de la région de Chantilly.

Le premier étage comprend six chambres, le second, mansardé, cinq, de même que le troisième.

Le bois semble omniprésent. Il n’est pourtant utilisé en réalité que pour les balcons et la charpente !

Tous les colombages, qui étaient à l’origine peints d’une couleur claire, sont de simples effets décoratifs : bandes de ciment peint appliquées sur les murs en meulière.

Quand aux planchers, ils s’agit de voussettes en brique reposant sur des poutres de fer, selon des procédés de construction alors à la mode.

le pavillon du gardien

De beaux épis en céramique  viennent orner le faîte des toits de  tuiles aux formes complexes, aux multiples pans éclairés par dix-sept chiens assis.

En même temps que le château, sont construits dans le même style, un petit pavillon de gardien, à droite du portail, un pigeonnier, un chenil et un bâtiment annexe en bordure de rue. Un mur, avec son portail et sa balustrade dans le style du château,  délimite la propriété, le long de la rue d’Ablis.

Derrière, à l’ouest, le terrain communique avec le chemin du Racinet, sans être clos. Il sera ensuite, et jusqu’à aujourd’hui, fermé avec un simple grillage.

En 1929, le domaine est vendu à Maurice (?) Simon-Lorière, industriel, président de la société Marinoni, domicilié 3 avenue Président Wilson à Paris, qui semble ne l’utiliser que comme résidence de chasse.

balcon en bois

Il est ensuite (peut-être à la suite du décès de M.Simon-Lorière en 1934 ?) revendu à un monsieur Deubel qui le conserve durant la seconde guerre mondiale, mais n’y habite pas non plus de façon constante.

En 1940 il est réquisitionné par la Feldengendarmerie.
Il suffit aux nazis de peindre en noir certains éléments des balcons pour que le motif décoratif devienne une croix gammée qui n’entrait probablement pas dans les intentions de l’architecte.

II. L’Institut International d’Etudes Françaises (IIEF)

Au sortir de la guerre, Hjalmar Bosson, recteur de l’université de Stockolm, cherche à ouvrir en France une université populaire, sur le modèle de ceux que la Scandinavie a déjà créés en Hollande, en Angleterre, ou en Allemagne, afin de permettre à ses étudiants de venir apprendre le français près de Paris.

Il a recruté, pour l’aider dans ses recherches, et pour lui en confier ensuite la direction, Marcel Paccou, un étudiant français qu’il a rencontré à Elseneur où celui-ci préparait une thèse en danois sur Kierkegaard. C’est ainsi que tous deux viennent un jour à Rambouillet, afin d’y visiter la  Grange Colombe et le château de Pinceloup à Sonchamp. Aucun ne leur convient, mais en attendant leur train pour retourner à Paris, ils apprennent l’existence du Vieux Moulin, également en vente. C’est l’emplacement qu’il cherchent !

Malheureusement, ni la France, ni la Suède, ni le Danemark ne sont finalement disposés à investir dans cette création, car en cette période d’après guerre, les priorités sont trop nombreuses. Après plusieurs refus, le recteur Bosson doit donc renoncer à son projet. Mais les parents de M. Paccou, dont les propriétés de la région de Dunkerque ont été détruites pendant la guerre, touchent alors d’importants dommages de guerre, et donnent à leur fils le capital nécessaire à l’achat de la       propriété.

Le projet se réalise donc, mais dans un cadre privé, et en mars 1950 s’ouvre le Centre International de la Jeunesse  qui propose à des étudiants scandinaves ( puis de tous pays ) des séjours linguistiques à Rambouillet.

les 3 instituts du groupe

En 1961 le centre est rebaptisé « Institut International d’Etudes Françaises », et connaît un succès tel, que Marcel Paccou ouvre  deux autres instituts, le « Centre  méditerranéen », au Château d’Agnac à Farbrègues près de Montpellier et le « Collège International de Castelnaudary » dont il confie la direction à chacun de ses deux enfants Christian et Véronique.

La carte postale ci-contre mise en circulation en 1962, montre combien les arbres du parc ont poussé.

l’institut en 1960

On voit qu’une allée piétonne, plus tard supprimée, permet d’atteindre directement l’entrée du  château, et que le portail d’origine a été remplacé par un portail en fer (il est en bleu sur certaines cartes postales colorisées, mais il n’est pas certain que ce soit sa couleur réelle !)

La présence d’étudiants en maillot de bains doit rappeler aux Rambolitains de la génération du baby-boom les   premières étudiantes suédoises. Elles bronzaient seins nus sur les pelouses du château, et beaucoup étaient ouvertes à des rencontres que les mœurs françaises ne facilitaient pas encore !

L’institut indiquait alors disposer dès son ouverture d’une capacité d’accueil de 150 places.

En fait, l’été, en période de forte affluence, c’est dans de grandes tentes militaires que les garçons sont logés, dans la partie ouest du terrain, aménagé depuis en terrain de football. Le Château lui-même accueille les étudiantes, en chambre de 2, 4 ou même 6, avec lits superposés. Chaque chambre ne dispose que d’un seul lavabo. Un WC par étage, et au sous-sol, trois douches suffisent pour des habitudes d’hygiène bien éloignées de celles que nous connaissons aujourd’hui.

Entre 1950 et 1968, plusieurs bâtiments annexes sont construits, qui n’ont pas changé, extérieurement depuis.

la grande-annexe, entrée du restaurant

– « la grande annexe » est l’extension sur deux niveaux de l’ancienne annexe, construite en même temps que le château. Elle accueille désormais en rez-de-chaussée une cuisine, chaufferie et une salle de restaurant avec une grande cheminée, ainsi qu’une petite scène pour organiser des spectacles,
et en étage, 10 chambres réparties de part et d’autre d’un couloir central, avec un bloc de deux douches et deux WC.
Le restaurant accueillera même, dans les années 70, la première patinoire de Rambouillet – sur panneaux  mélaminés !.

– une salle de jeux dans le prolongement du pavillon du gardien, sera un temps loué comme salle de danse, et deviendra ensuite salle de ping-pong,

la petite annexe

« la petite annexe » derrière la Grande annexe, comprend 16 chambres sur deux niveaux, desservis par un escalier central, avec un bloc douches et un WC par étage;

en haut : l’annexe château, et les salles classes

– « l’annexe château » derrière celui-ci, (coin gauche de la photo) qui comporte 15 chambres et 2 WC répartis en deux niveaux, avec un bloc de 3 douches en rez-de-chaussée

– et un bâtiment en un seul niveau, composé de 5 salles de classe avec portes vitrées.
Tous ces bâtiments, à l’exception du pavillon du gardien, sont chauffés au fuel, par quatre chaudières différentes.
Il n’y aura jamais le gaz de ville sur le domaine, et la cuisine sera alimentée par une citerne de propane.

Durant cette période, le domaine est successivement amputé de toutes les parcelles qui peuvent disposer d’un accès direct sur rue, et donc être constructibles.

Ces ventes successives permettent de payer les investissements des centres de Rambouillet, Agnac et Castelnaudary.

Après ces cessions, (en clair sur le plan), le domaine conserve, jusqu’à ce jour, une superficie de 24 870M2 en deux parcelles, actuellement cadastrées AM 254 et AM 264 (le trait jaune indique leur limite).

le terrain du vieux-moulinaprès découpage des parcelles constructibles
le terrain après découpage des parcelles constructibles

L’enseignement du Français

L’institut connaît un grand succès, avant de rencontrer des difficultés croissantes. Pour en comprendre la  raison, il nous faut parler de l’enseignement du français à des étrangers.
Si cette partie ne vous intéresse pas, vous pouvez continuer votre lecture. Sinon cliquez ci-dessous.

Enseigner le français à des apprenants dont c’est la langue maternelle, et l’enseigner à des étrangers, sans pouvoir leur donner d’explications dans leur langue, sont deux disciplines très différentes, et l’Education Nationale ne s’intéresse, par nature, qu’à la première.

A l’origine de la seconde, on trouve, dès 1883, la création du réseau de « l’Alliance française », créé pour contrecarrer l’influence des missions religieuses particulièrement actives dans la propagation de la langue française. L’Alliance dépend du Ministère des Affaires Étrangères,   comme « instrument de l’image de la France à l’étranger ».

Le français est alors la langue de la diplomatie, comme il a été la langue des Lumières. Il est donc, jusqu’à la seconde guerre mondiale, la langue d’une élite qui aspire « à se distinguer, et à rester distinguée ».
Pour un tel public, seule compte la représentation la plus accomplie de la langue : la langue écrite. Parler comme les grands écrivains écrivent, et pour cela intérioriser ce qu’ils ont écrit, telle est alors la seule devise pédagogique.

Mais après la guerre, avec la multiplication des voyages professionnels ou de loisirs, les demandes se multiplient pour l’apprentissage d’une langue plus utilitaire et plus proche de son emploi concret. Pouvoir converser, non avec de grands auteurs, mais avec le « français moyen ».

  • En 1960, avec la création du Crédif (Centre de recherche et d’études pour la diffusion du français), rattaché à l’Ecole Normale de Saint Cloud, qui dépend de l’enseignement supérieur, l’enseignement du « français langue étrangère » ou FLE va connaître une révolution.
    Le Crédif développe la démarche structuro-globale audiovisuelle (SGAV) encore employée aujourd’hui. Elle pose les principes généraux suivants :
  • -la réalité première d’une langue est sa dimension orale,
  • -la linguistique structurale (héritage de Saussure) est l’instrument privilégié de description de la langue,
  • -la psychologie des français est une composante de l’apprentissage et doit être intégrée à l’enseignement,
  • -le développement des médias conduit à s’appuyer sur eux pour répondre aux attentes des apprenants.

Magnétophones et laboratoires de langues deviennent des outils incontournables. L’IIEF s’équipe , mais renonce vite à ces méthodes encore contraignantes et peu appréciées par les élèves.

En même temps que le Crédif est créé le Bureau d’Etudes pour la Langue et la Culture françaises à l’étranger (BELC), qui dépend pour sa part conjointement de l’enseignement secondaire et des  Affaires Étrangères.
Les éditions Hachette et Larousse s’associent au BELC pour créer l’excellente revue « le Français dans le monde », distribuée dans le monde entier, et, constatant qu’un marché s’ouvre aux ouvrages d’enseignement du FLE, elles créent des collections spécialisées, rejointes bientôt par Didier et   Nathan.

En 1982, l’Education Nationale décide même d’organiser la formation des enseignants de FLE.
Une licence FLE est proposée aux étudiants qui veulent l’enseigner et réalisent que la licence de lettres modernes ne convient pas à leurs élèves. Elle est ensuite complétée de Masters 1 et 2, et, en 2013, une option FLE est ajoutée au CAPES de lettres modernes.

Le FLE profite aussi de travaux de recherche menés conjointement, au niveau du Conseil de    l’Europe, par de nombreux pays sur l’enseignement des langues vivantes.

Publié en 2001, le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) constitue une approche totalement nouvelle de l’enseignement des langues, qui a pour but de repenser objectifs et méthodes d’enseignement. Surtout, il fournit une base commune pour la conception de programmes, de diplômes et de certificats, en déterminant clairement des niveaux, leur contenu, et la façon de les évaluer.

En 50 ans l’enseignement du FLE atteint un niveau de haute technicité auquel les outils   informatiques et l’intelligence artificielle viennent aujourd’hui offrir de nouvelles possibilités. C’est la fin de l’amateurisme et de l’illusion qu’un français qui parle bien sa langue, et aime le contact avec des étrangers, est apte à la lui enseigner.

Dans ce contexte général, l’institut de Rambouillet connaît tout d’abord une phase de succès qui dure près de 20 ans : les étudiants apprécient d’être en France, près de Paris, de se voir proposer une pension complète (dans des conditions de confort limitées, mais suffisantes pour l’époque), et d’avoir des cours  dispensés par des professeurs à leur écoute, qui pallient leur manque de technique par leur empathie, et des animations ludiques qui savent aussi être souvent efficaces.
Les centres de l’Alliance française, où sont enrôlées les épouses des diplomates en poste dans l’ambassade du pays, fonctionnent de la même façon.

Mais dès les années70 commence un long déclin.

D’abord, à cause de la concurrence : de nombreux instituts se sont créés sur le modèle de Rambouillet, ou avec hébergement en famille, souvent dans des villes plus importantes, qui ont plus à offrir, notamment en animation et en possibilités de contact : Paris, Tours, Cannes, Nice, Rouen, la Rochelle …

Les exigences des clients ne cessent d’augmenter : besoin de meilleures installations sanitaires, de chambres plus confortables, exigence de cours de FLE plus professionnels, et demande pour des loisirs que, certes, Paris propose, mais qui n’existent pas à Rambouillet.

Enfin, depuis que des professeurs obtiennent un diplôme de FLE, ils cherchent un emploi, et n’en trouvent pas souvent en France. Ils sont donc nombreux à s’expatrier, et créent une offre locale en tous points identique à celle qui est proposée en France – sans besoin de s’y rendre.

Année après année, l’activité de l’institut baisse donc.

Successivement les instituts de Castelnaudary et de Montpellier ferment. Au lieu d’investir pour enrichir son offre de services, l’IIEF réduit ses charges. Or chaque économie entraîne une baisse de qualité, qui à son tour entraîne une nouvelle baisse d’activité…

Depuis la loi Faure,(1968) les universités évoluent de façon constante vers une autonomie financière qui les conduit à rechercher de nouvelles recettes.
Dans les années 90, elles découvrent l’intérêt d’utiliser les locaux des cités universitaires, et leurs salles de cours vides durant l’été, pour une clientèle étrangère, et, puisque l’enseignement du FLE ne peut entrer dans leur cursus officiel, c’est par le biais d’associations créées sous leur égide qu’une offre concurrente retire progressivement aux instituts privés une partie de leur clientèle.
C’est une concurrence supplémentaire, et redoutable pour les instituts privés: d’abord parce que leurs prix sont imbattables, ensuite parce que les ambassades en font la promotion gratuite – alors que les instituts privés doivent payer pour y être référencés -, enfin parce qu’étudier le français « à la Sorbonne » sera toujours plus impressionnant qu’à l’IIEF.

A la même époque, les Grandes Ecoles signent des partenariats avec leurs homologues étrangers et organisent des échanges directs, des stages, ou même incluent dans leur programme une année  d’étude à l’étranger.

Quant aux échanges Erasmus, ils permettent aux étudiants des universités, même modestes, d’aller étudier dans le pays de leur choix.

Dans ce contexte de plus en plus difficile, l’incapacité de procéder aux travaux de mise en conformité imposés par les nouveaux textes en matière de sécurité place l’IIEF dans une situation très délicate, mais c’est le Trésor qui lui porte le coup fatal :

L’institut, à une époque où les cadres juridiques et fiscaux étaient encore assez flous, pour les  activités d’enseignement (à fortiori dispensées en France à une clientèle étrangère), avait opté pour un statut associatif – loi de 1901 -, qui le dispensait de taxe professionnelle, d’impôt sur le bénéfice et surtout de la TVA sur les recettes.

Or l’administration fiscale, après contrôle, conteste ce statut qu’elle a toléré durant trente ans.   Cette « association » qui n’a ni adhérents, ni assemblées, ne tient pas de comptabilité, et a pour président, le propriétaire des locaux, est à ses yeux une entreprise commerciale individuelle.        Le redressement porte donc sur les impôts et taxes dus au titre des cinq dernières années.

Cinq ans de TVA à 18,60 % ? C’est en gros, une année entière de chiffre d’affaires, que l’institut doit finalement débourser, avec majorations, au terme d’une longue bataille fiscale au cours de  laquelle il épuise durant trois ans, tous les recours possibles.

Et comme, durant cette longue procédure, l’IIEF n’a pas modifié ses règles de fonctionnement, à peine le dernier recours est-il définitivement perdu, que l’Administration procède à un redressement complémentaire, pour cette nouvelle période, assorti de pénalités plus fortes.

L’association est en cessation de paiement, et le 1er janvier 1996, pour que ses actifs ne soient pas confondus avec le passif de l’association, la SCI du Vieux Moulin (que M.Paccou a constituée avec ses deux enfants) résilie le bail de l’IIEF et loue ses locaux à la sarl Escale.

III. L’Institut International de Rambouillet

Créé par la loi du 13 janvier 89, le contrat de qualification permet aux jeunes de suivre une formation en alternance, tout en étant salariés d’une entreprise. Il s’agit d’un système globalement comparable à celui de l’apprentissage (quoique fonctionnant avec des financements différents).

« Escale », créée à Rambouillet, dans ce cadre, prépare à trois BTS. Le centre est repris par Christian Rouet, après un dépôt de bilan.
Les résultats scolaires et financiers sont au rendez-vous, et la mauvaise image de l’alternance s’estompant année après année, en 96, le centre accueille plus de 200 étudiants dans ses locaux de rue Gustave Eiffel. (100 par semaine, du fait de l’alternance).

L’arrêt de l’IIEF donne à Escale la possibilité de s’agrandir, et de proposer à ses étudiants des contacts privilégiés avec des étrangers, qui auraient pu constituer une première étape vers la création d’une Business School internationale.

C’est une installation difficile, car le Vieux Moulin a fait l’objet d’un arrêté d’interdiction au public, et le Ministère des Affaires Étrangères a retiré Rambouillet de la liste des établissements conseillés par le biais du  réseau des ambassades. Les locaux se sont terriblement dégradés, tout le matériel est à changer, la cuisine n’est plus aux normes, etc… Il faut aussi remplacer les trois professeurs en CDD temps partiel, par une équipe permanente, formée aux nouvelles méthodes pédagogique et reconquérir une clientèle, dans un marché hautement concurrentiel. 

Mais après beaucoup de travaux, et bien des dossiers, Escale, et sa filiale baptisée « Institut International de Rambouillet » sont autorisées à rouvrir le Vieux Moulin au public.

Ses investissements, liés à la mise au point d’une organisation calquée sur celle de la formation professionnelle, d’une démarche qualité exigeante, et d’une politique de prix très compétitifs, permettent rapidement à l’institut d’attirer plus de 300 étudiants par an.

Les étudiants – tous adultes – viennent pour des séjours d’une semaine à six mois. Ils étudient en groupes de niveaux, de huit étudiants maximum; six heures par jour. Une journée par mois est consacrée à la visite en car de Chartres, Chambord, Chamerolles, Giverny… tous ces lieux que les adhérents de PARR connaissent bien.

Chamerolles : avec les membres de la confrérie du Pithiviers
Chamerolles : avec les membres de la confrérie du Pithiviers

Sans oublier naturellement des destinations « incontournables » comme Versailles et Paris, mais qu’il leur est plus facile de découvrir seuls.

le label FLE
le label FLE

Lorsqu’en 2007, les ministère des Affaires étrangères, et de la Culture et de la Communication, avec l’appui de la direction de l’enseignement supérieur du ministère de l’Éducation nationale décident d’introduire en France un dispositif d’évaluation de la qualité, fiable et uniforme en s’inspirant des différents modèles utilisés par d’autres pays, l’IIR est fier d’être l’un des premiers centres à recevoir le label qualité FLE, avec les notes maximales.

Ce label, vaut à l’institut un regain de notoriété et de clientèle.

Pendant trois ans les activités de formation BTS, FLE et l’enseignement de toutes langues vivantes que l’institut s’est empressé de développer, peuvent  cohabiter au Vieux Moulin.

Mais la formule montre ses limites : les étudiants français sont trop nombreux pour que les étrangers se sentent chez eux, les contacts se limitent à des rencontres à la discothèque du château, et avec le succès de l’institut, l’activité FLE a besoin de plus de place. Les formations d’Escale sont donc transférées dans de nouveaux locaux, au Bel Air, et le Vieux Moulin reste consacré aux seules formations en FLE et autres langues.

Le Vieux Moulin, demain :

Lorsque Christian Rouet prend sa retraite en août 2009, il laisse l’entreprise à Valérie Rodrigues, qui, à son poste de directrice pédagogique, a été à ses côtés la cheville ouvrière de l’institut.
Sous son impulsion, et sous le nom de « Planète langues », l’institut s’oriente alors davantage vers les formations hors FLE, et finit par résilier son bail, huit ans après, pour prendre des locaux plus  économiques, et mieux adaptés à une clientèle locale qui n’a pas besoin d’hébergement.

La SCI du Vieux Moulin, propriétaire du domaine, (depuis le décès de Marcel Paccou, ses parts sont réparties entre sa succession, son épouse, et ses enfants) le met alors en vente.

2 parcelles aux normes différentes

C’est une vente compliquée, par les différents classements du domaine : zone UE, avec « espace paysager strict » et « construction à protéger ou à mettre en valeur »  (article L123-1-5-7e du Code de l’Urbanisme).

Le permis de construire, délivré le 2 février 2020, prévoit donc

  • de laisser les espaces verts (parcelle am264) en l’état,
  • dans la parcelle am 254, de conserver le château, le pavillon du gardien, le pigeonnier et la partie ancienne de la « grande annexe » en façade sur rue,
  • de démolir les autres bâtiments, et de les remplacer par de nouvelles constructions.

Le respect des plantations :

les plantations

Tous les arbres à hautes tiges existants dans le domaine ont été inventoriés. Ils figurent ici avec la mention de leur espèce, et le diamètre de chaque tronc,  mesuré à 1m du sol.
Dix arbres vont être abattus: un tilleul le long de la rue du Racinay, un second à droite du château, et les huit derniers  arbres, à l’est de la propriété.

Mais en contrepartie, l’acquéreur s’engage à en planter 39 nouveaux, qui viendront constituer un écran devant les nouveaux immeubles.

Le côté paysager du domaine devrait donc être conservé, voire amélioré. C’est du reste l’intérêt bien compris des acquéreurs, de profiter au maximum de la beauté de ce parc.

le château en automne

Pour mémoire :

La tempête de 1999 avait déraciné, ou brisé sur pied, 13 arbres : pins, acacia, platanes et tilleuls, dont deux tombés sur la rue G. Lenotre, mais sans faire de victimes.

Par ailleurs, en 2011, les riverains de la rue du Racinay avaient obtenu par décision judiciaire l’abattage de tous les peupliers qui bordaient le terrain à l’est, le long du terrain de football, et avaient été plantés à l’origine à moins de deux mètres de la limite séparative des parcelles.

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une statue dans le parc

Quant aux immeubles, outre le château qui sera conservé en l’état, et devait abriter des bureaux d’administration et/ou des lieux de réunion, deux ensembles seront construits dans le parc, en récupérant le COS des bâtiments démolis.

– un ensemble dit « bâtiment A » , avec accès rue du Racinay, après démolition de l’Annexe Château et des salles de classe,

– et un second ensemble, côté rue G. Lenotre, dit « bâtiment B », avec conservation d’une partie de la « grande annexe » , du chenil, de la salle de jeux et du pavillon du gardien.

Cet ensemble, serait destiné à accueillir des personnes âgées, qui disposeraient chacune d’un espace privé , et auraient la jouissance partagée d’espaces communs.

Le projet est porté par un groupe qui a l’expérience de cette activité, mais nous n’avons pas eu  accès aux éléments prévisionnels.

Compte-tenu de l’investissement foncier très élevé, et de l’ampleur des travaux prévus, on peut penser qu’il s’adressera à une clientèle aisée, et que les promoteurs espèrent tirer parti de l’image de marque flatteuse dont bénéficie Rambouillet, en même temps que de la beauté du parc.

En décembre 2021, les travaux sont commencés.

Après avoir été durant quelques cinquante années un lieu d’habitation, puis durant soixante-dix ans un lieu de formation, le Vieux Moulin s’apprête donc à vivre de nouvelles aventures.

Les Rambolitains qui s’inquiétaient d’une densification trop importante du domaine, et qui craignaient de voir le château écrasé par des constructions trop proches, comme l’a été le manoir Behague, rue Patenôtre, ne peuvent que se réjouir de ce projet.

 

Christian Rouet
décembre 2021

Et si vous voulez consulter les plans, cliquez ci-dessous

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