La place Saint-Hubert

Les rues d’une ville ont une vie : elles naissent lors de nouvelles constructions, ou d’un percement; elles sont baptisées. Elles changent parfois de nom, notamment lorsqu’un conseil municipal a commis l’imprudence de choisir un nom trop marqué politiquement. Elles disparaissent aussi, lorsqu’un quartier se transforme.

La place Saint-Hubert, à Rambouillet, a eu un destin particulier : celui d’apparaître en 1934, de disparaître vers 1974, de réapparaître en 1995, avant de disparaître définitivement deux ans plus tard.

Il nous en reste quelques souvenirs, mais déjà les idées se brouillent : « où était le chapelier ? En haut ou à droite ? Et à l’angle, y avait quoi, déjà ? »

La place Saint-Hubert, gouache 1965
La place Saint-Hubert, gouache 1965

Heureusement, outre quelques photos, ou extraits de films, il nous reste, pour nous en souvenir, les tableaux de Gustave Hervigo.

La place Saint-Hubert, sanguine 1965 collection Hervé Jacquot
La place Saint-Hubert, sanguine 1965 collection Hervé Jacquot

La rue de Penthièvre

Au XVIIème siècle, la maison de La Corne faisait l’angle de la rue de Rambouillet (rue de Gaulle), initialement la seule rue à porter un nom, toutes les autres étant des chemins, sentes ou ruelles, et du Chemin conduisant au moulin (rue de Penthièvre) lequel était situé sur le plateau, vers l’actuelle gendarmerie.

La présence de cette maison, qui devient au début du XVIIIème siècle, la Corne de cerf, conduit à baptiser la partie basse du chemin, rue de la Corne, jusqu’à son croisement avec la rue des Remparts (rue d’Angiviller). Son prolongement devient alors le chemin qui va de la rue de la Corne au Moulin à vent. (J. Blecon, Historiques des rues de Rambouillet).

Vers 1720 la rue devient rue de la Corne sur toute sa longueur. Ajoutons qu’elle deviendra rue de la Montagne, lorsque les révolutionnaires rebaptiseront toutes les rues de la ville (le nom de rue de l’Egalité sera également envisagé), et que le sous-préfet Levasseur, fidèle soutien de l’empereur, en fera la rue de Witepck, pour commémorer une victoire française du 28 juillet 1812 en Russie.

Elle redeviendra rue de la Corne à la Restauration et la restera jusqu’en 1836 avant de devenir rue de Penthièvre.

La place Saint-Hubert

A l’angle Est des rues de la Corne et de la rue de Rambouillet, en vis-à-vis de la Maison de la Corne, il y avait au XVIIIème siècle une autre auberge, à l’enseigne, du Duc de Penthièvre. Elle ferme ensuite, et en 1934, la démolition de cet immeuble crée une zone vide, qui élargit le bas de la rue de Penthièvre. La place Saint-Hubert est née : carrefour de la rue de Gaulle avec la rue de Penthièvre.

la place Saint-Hubert

Cette petite place Saint-Hubert, en plein centre ville, accueille des commerces sur ses trois côtés bâtis.

A l’Est la boutique du chapelier Labussière se reconnait sur le dessin d’Hervigo, avec son haut-de-forme en enseigne. On la retrouve à l’arrière plan d’une série TV tournée à Rambouillet dans les années 60.

le chapelier

Bargeaud, le cordonnier, vend aussi des chaussures.

Au nord, la teinturerie de Mme Multon jouxte un magasin de décoration « Tradition »,plus tard « Eve Boutique ». Ils sont visibles sur la gouache d’Hervigo et en décor de ce même film.

Enfin, à l’Ouest, le magasin de vêtements Gluckman « les Economes » fait l’angle, avec une vitrine sur chacune des rues. Il est prolongé par le magasin Radiola et la poissonnerie Chapelle, qui a remplacé le magasin de Poncelet : fruits et légumes, lait, gibier et poissons…

Plus haut, dans la rue de Penthièvre, l’épicerie Fauconnier sera remplacée par le magasin Arcolor. Une Rambolitaine m’a rappelé aussi la présence des « soeurs piqueuses » : des religieuses infirmières !

En 1870 les immeubles du côté pair (Est) de la rue de Penthièvre étaient déjà frappés d’alignement. Il s’agissait de logements vétustes. Il faut cependant attendre 1936, et que leur état se soit encore aggravé, pour que leur propriétaire, madame de Behague, accepte de les céder gratuitement à la ville. La cession est finalisée en 1938.

Vingt ans après, le percement de la rue d’Angiviller, crée une seconde voie de circulation parallèle à la rue de Gaulle, pour relier la gare au centre ville. La rue de Penthièvre en devient le dernier tronçon, et la circulation y augmente alors sensiblement.

projet de percement (conseil 1973)

La démolition de la boulangerie Briant et du Bon Vieux Temps a permis l’élargissement de la rue, dans sa partie supérieure, mais le bas est toujours très étroit. Il devient urgent de l’élargir et de le passer en double sens.

Les immeubles du côté Est sont donc détruits en 1974. Il y avait notamment là le commissariat de police, très vétuste, dont le toit s’était effondré quinze mois plus tôt. Il sera relogé rue Gambetta, dans un pavillon, puis, en 1996, rue Pasteur, dans le bel immeuble neuf où il est toujours.

la rue de Penthièvre 1981 coll Czerniejewski

Ces démolitions permettent l’élargissement de la rue de Penthièvre, et ainsi de créer des zones de parking où dix-huit voitures peuvent stationner en épi. Plus bas, avec entrée à l’angle de la rue de Gaulle, le charcutier Le Corre crée une superette, Aux Halles Saint-Hubert, puis Super Mam,  première boutique en libre service de ce genre, en centre ville, après le Monoprix.

le Super Mam 1984, coll Fabrice Delecroix

Ces travaux ont ainsi supprimé la place Saint-Hubert en comblant l’espace : il reste seulement une rue de Penthièvre élargie, où l’on circule et l’on stationne bien.

La seconde vie de la place Saint-Hubert

En 1995 la place Saint-Hubert réapparait ! En effet, cette fois ce sont les immeubles du côté ouest qui sont démolis, avec leurs commerces.

1996

Cette démolition crée à nouveau une zone vide, qui double la largeur du bas de la rue de Penthièvre, côté ouest..

Cette élargissement reprend alors le nom de place Saint-Hubert. Il est temporaire, et n’existera que durant le temps nécessaire à la restructuration du quadrilatère situé entre la rue de Gaulle, la rue Lachaux et la rue de Penthièvre.

En 1997 les travaux sont terminés. Les nouveaux immeubles comprennent des commerces : une superette, aujourd’hui « Carrefour City », un fleuriste (maintenant magasin de jeux « Planet Game ») et au dessus, des logements. Cette construction intègre un sous-sol de parkings pour décongestionner les rues du centre-ville, et remplacer le stationnement de la place de la mairie, les jours de marché.

Notre rue de Penthièvre retrouve des dimensions régulières, et la place Saint-Hubert disparaît, cette fois de façon définitive.

Bientôt le côté Est de la rue sera à son tour entièrement rénové pour donner à la rue l’aspect que nous lui connaissons aujourd’hui.

la rue de Penthièvre en 2020

Certains loueront la belle unité de style de ces immeubles, qui ne se distinguent l’un de l’autre que par la couleur des volets, ou la nuance du crépi… D’autres regretteront l’absence de caractère de ces bâtiments aseptisés… Ce n’est pas mon propos, ici.

Alors, plus rien pour nous rappeler la place Saint-Hubert ?

Si-fait ! Pour se souvenir de l’histoire de ce quartier, l’ensemble immobilier du côté Ouest a pris le nom de résidence Saint-Hubert, et celui du côté Est, celui de résidence Duc de Penthièvre.

Christian Rouet
Novembre 2022

PS : il existe également une petite rue Saint-Hubert, en fait : une impasse, qui prend sur la rue de l’Etang de la Tour, à la sortie de Rambouillet, juste après la chapelle Saint-Hubert, chère au Père Gamet.

 

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