Le Pavillon du Verger

Il vient d’être inauguré (juillet 2022), après une rénovation considérable. Commencés en automne 2018 les travaux étaient prévus pour durer 18 mois. Ils en ont mis le double, ce qui, comparé à un chantier de piscine, de cinéma ou du musée Napoléonien me semble un exploit.

Je fais du mauvais esprit : la covid n’a pas dû favoriser le chantier, et une rénovation d’une telle nature ne peut pas échapper aux mauvaises surprises. Je suis juste surpris que, le sachant, on ait annoncé initialement des délais aussi optimistes.

Et en tous cas, le résultat est à la hauteur des attentes.

Mais revenons sur l’histoire de ce pavillon, peu connu des Rambolitains.

L’histoire

(photo prise durant la projection d’une vidéo explicative, projetée dans le Pavillon)

Valentin Gotting, premier valet de chambre du comte de Toulouse devient propriétaire en 1716 de deux maisons qu’il met en location, ayant lui-même un logement de fonction au château, et un jardin qui comprend un petit pavillon dont il se réserve la jouissance pour venir s’y reposer.

Le pavillon est composé de deux pièces carrées superposées, avec toit de tuiles.

Après sa mort, ses héritières vendent en 1727 le jardin et le pavillon au comte de Toulouse, qui procède alors à de nombreuses acquisitions, pour agrandir son domaine.

Le pavillon est complété par une petite ménagerie pour distraire le jeune duc de Penthièvre, et par une petite construction attenante à usage de garde-robe.

En 1783 Louis XVI acquiert le domaine de Rambouillet et ses dépendances, dont le pavillon. Le comte d’Angiviller commence dès 1784 la construction de l’Hôtel du Gouvernement, (aujourd’hui : Palais du Roi-de-Rome). Celle même année, le déplacement du cimetière de la place de la Foire (Félix-Faure) rue de la Garenne permet de doter l’hôtel du Gouvernement d’un jardin de trois hectares qui va de la place du Marché-aux-Herbes (place Marie Roux) à la place de la Foire. C’est le jardin du verger.

« Des routes d’arbres fruitiers de différentes et des meilleures espèces, quelques massifs d’arbustes à fleurs et à fruits sur de grandes parties de gazon, des fleurs qui se mêlent aux plantations, point de lignes droites dans les chemins dont la sinuosité est très simple, voilà ce qui compose ce charmant verger. » (Lorin)

Hubert Robert, dessinateur des jardins du roi, en est le concepteur principal.

le jardin du verger, l’hôtel du gouvernement et le pavillon du verger en 1796 (archives dépt Yvelines)
le jardin du verger, l’hôtel du gouvernement et le pavillon du verger en 1796 (archives dépt Yvelines)

Dès cette époque, le pavillon, qui communique avec le jardin devient le « pavillon du verger ».

Il est maintenant couvert d’ardoises. Le pavillon, comme la garde-robe n’a plus qu’un seul niveau. A l’intérieur le sol de calcaire blanc est animé par des carrés de marbre noir. Des médaillons ovales de plâtre, entourés de guirlandes de fleurs encadrent les baies et la cheminée. Ils représentent le printemps, l’été, l’automne, et l’hiver, la guerre et la paix, la chasse et la pêche, la marine et l’agriculture.

Pour Jean Blécon (« Le Palais du Roi de Rome » 2004) il serait probable que son rez-de-chaussée s’est trouvé enterré au moment de l’aménagement du verger, et que c’est sa partie haute qui est restée visible, et a fait alors l’objet d’une décoration intérieure. Les médaillons dateraient alors de Louis XVI, sur le modèle des médaillons de Sauvage qui ornent l’entrée de la Laiterie de la reine.
Il note « on peut encore voir en sous-sol une structure qui pourrait accréditer cette hypothèse. Le pavillon a été rehaussé et englobé sur ses trois faces nord, est et sud au XIXème et XXème siècle de sorte qu’extérieurement il est beaucoup défiguré. »

Il semble toutefois qu’a été retenue aujourd’hui une autre hypothèse : le pavillon aurait fait l‘objet  de travaux importants vers 1770, à l’époque du duc de Penthièvre et des fabriques du jardin anglais. Les médaillons dateraient alors de cette époque, et seraient peut-être dûs à l’architecte d’Avignon François II Franque.

Il est sûr, en tous cas, que ces travaux ont été entrepris entre 1744, date d’un inventaire des biens du Comte de Toulouse, et 1796, date du procès-verbal d’estimation de Saunière.

A la Révolution, l’hôtel du Gouvernement et son verger deviennent biens nationaux. Ils sont vendus et démembrés. Le 7 septembre 1796 Louis-Etienne Horeau, épicier-quincailler devient propriétaire du pavillon du verger, avec son jardin primitif. Il a l’obligation de murer la porte qui ouvre sur le verger, et de construire un mur de séparation, afin de l’en séparer totalement. L’accès au pavillon ne se fait donc plus que depuis la Grande-rue (comme c’était le cas à l’origine).

A cette époque le pavillon mesure 4,87m de haut, et la garde-robe, à sa droite 2,59m.

L’époque moderne

Lorsque la ville devient propriétaire du pavillon du verger, en 1989 (lors de l’achat du Palais du Roi de Rome) l’ensemble immobilier a été grandement transformé.

Des appentis lui ont été adossés, côté parc du château, et le pavillon, comme la garde-robe ont été surélevés d’un étage, s’intégrant ainsi sous une même pente de toit.

Les Rambolitains le connaissent sous cette forme jusqu’en 2018, et assistent à son délabrement.

Le décor intérieur a été recouvert de plusieurs couches de peinture, qui écrasent les détails des médaillons, et des infiltrations mettent en péril ces motifs à base de plâtre.

En 2018, avec le concours de la DRAC, un projet de rénovation est lancé, qui vient de se terminer en juillet 2022.

Rénovation de l’extérieur

 

Les premiers travaux sont visibles, puis le chantier s’entoure de mystère, à la Christo.

Peut-on  parler de rénovation ? Il s’agit de plus que cela. La pavillon retrouve la hauteur qu’il avait sous Louis XVI (voire, sous le duc de Penthièvre). Toutefois, la garde-robe conserve son étage et le rapport des deux bâtiments accolés se trouve ainsi inversé. Le choix n’a donc pas été de recréer l’existant correspondant à une époque précise, mais de faire renaître le seul pavillon, en l’intégrant au mieux à l’existant actuel. Parti-pris original et très réussi !

Traitée avec un enduit plus clair et plus simple, la garde-robe sert très heureusement de faire-valoir au pavillon. Un mur qui sépare du jardin la terrasse du Musée du Roi-de-Rome, vient de façon très élégante assurer une liaison visuelle entre le Pavillon et le Palais.

Sur la terrasse, le verger d’autrefois est évoqué par des plantations qui adoucissent le blanc éclatant de cet espace baigné de soleil.

Le jardin du Roi-de-Rome, déjà fort agréable, y gagne énormément. Il va bénéficier en outre d’une aire de jeux supplémentaire pour enfants.

La rénovation intérieure

l’intérieur du pavillon après rénovation

La pièce unique du Pavillon a retrouvé ses couleurs d’antan, dans une harmonie bleue, ocre et blanche. Et les médaillons, qui ont fait l’objet d’une restauration très délicate se sont allégés des couches de peinture qui en recouvraient les fins détails.

Je ne les commenterai pas : venez les admirer sur place !  Vous bénéficierez en prime d’un petit film très pédagogique qui tourne en boucle dans la garde-robe et dont le contenu est . En fait, les visiteurs passent plus de temps devant le film que dans la salle du pavillon, d’autant qu’il est projeté en même temps sur deux murs perpendiculaires, qu’il est impossible de voir en même temps. Il faut donc le regarder deux fois de suite pour voir d’abord un mur, puis ensuite l’autre.

Il faut préciser qu’en l’absence d’éclairage rasant, les motifs de plâtre blanc, ainsi rénovés restent difficiles à apprécier. Voici, par exemple la photo d’un médaillon prise en vue normale, et à droite son agrandissement retravaillé sous Photoshop pour créer des contrastes en simulant un éclairage.

Peut-être une telle mise en lumière se heurte-t-elle à des problèmes techniques, dans une salle qui ne peut contenir que quelques visiteurs compte tenu de ses dimensions ?

N’hésitez pas, en tous cas, à redécouvrir le jardin du Roi-de-Rome, dont le Pavillon constitue maintenant un réel attrait supplémentaire, et si sous souhaitez visiter le Pavillon, adressez-vous à l’accueil du Musée (les horaires de visites libres ou commentées sont sur internet). En juillet 2022 le miroir qui doit être placé au dessus de la cheminée n’est pas encore réinstallé. Les visiteurs qui ne l’auront pas vu seront prévenus de son installation, et invités à profiter gratuitement d’une seconde visite.

Le mur qui sépare actuellement le jardin du Roi-de-Rome du parc du château sera-t-il un jour remplacé par une grille pour que les deux espaces profitent visuellement l’un de l’autre ? Et pourquoi  un accès direct ne permettrait-il pas aux nombreux touristes qui se promènent dans l’Allée de la Prison d’accéder au musée plus agréablement qu’en empruntant le tunnel de protection dû actuellement à l’abandon du chantier du Musée Napoléonien ?

Une telle ouverture aurait-été inenvisageable tant que le château était résidence présidentielle. Mais aujourd’hui, je suppose qu’il serait seulement nécessaire d’obtenir l’accord des 4 ou 5 ministères différents ! Alors, chiche ?

Christian Rouet
juillet 2022 

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