Comprendre Rambouillet

Le développement de Rambouillet s’explique, on le sait, par la passion de la chasse qu’ont partagée tous les souverains de France, imités plus tard par nos présidents de la République, jusqu’à un passé récent, et par toutes les grandes fortunes de la noblesse, de la banque ou de l’industrie.

Cependant ce n’est pas à la question « pourquoi? » mais à la question « comment ?» que je voudrais répondre ici, pour résumer les grandes étapes du développement de Rambouillet au fil des siècles.

La forêt d’Yveline

Là où le limon de la riche plaine de Beauce s’épuise en surface, il fait place à des zones de sable et d’argile à silex, froide et humide. C’est le pays d’Yveline, la Sylva aequilina (littéralement « forêt gorgée d’eau »), une terre de forêts, de landes, de bruyères coupée de ruisseaux et d’étangs. Les zones basses sont des marécages. Sur les hauteurs, le sable s’agglomère en grès qui affleure en éboulis, comme aux Rochers d’Angennes, ou aux cascades de Cernay.

Le nom de Rambouillet vient du celte Rambeuil. De nombreuses explications toponymiques ont été avancées, et sont aujourd’hui abandonnées :

  • Aucun document ne vient confirmer l’hypothèse d’un ruisseau ou d’une source Rambe ou Rambo, longtemps retenue par de nombreux historiens.
  • Pas non plus d’éléments permettant de retenir l’hypothèse d’un chef celte du nom de Rambo, lointain ancêtre de Stallone !
  • Quant au rapprochement de Rambouillet avec une rabouillière, ou rabolière qui désigne le terrier creusé par la lapine sauvage pour mettre bas, il ne résiste pas à l’examen. Le terme Rumbelitto est attesté dès 768, dans un acte de donation de Pépin le Bref, et celui de rabouillière lui est postérieur de plus de huit siècles. Au demeurant le lapin n’est pas attesté en Gaule du Nord à l’époque gallo-romaine.

Il est maintenant admis que le terme rambeuil désignait une clairière naturelle et que la forme Rambouillet qui en est le diminutif, désignait donc une « petite clairière ».

Rappelons que Rambouillet a été attesté sous la forme Rumbelitto en 768, puis Raimboleto en 1052-1053, Rambullet en 1142, Ranbulet en 1153, Rambolhet en 1160, Rambolet en 1199, Ramboilleto en 1230, Remboullet en 1262, Ramboullet en 1344, et enfin Rambouillet en 1617.
Le résumé de cette toponymie est tiré de la page Wikipedia due à un contributeur dont le pseudo VALPHI2014, laisse deviner notre ami Philippe-Jean Vallot, de la SHARY.

Pourquoi nos lointains ancêtres ont-ils créé un premier habitat dans cette petite clairière, qu’ils ont ensuite agrandie en essartant la forêt ?
Sans doute parce que cette région, bien que peu hospitalière, offrait malgré tout des marais protecteurs, des grès, silex, minerai de fer, et que la forêt était un terrain de chasse, où un gibier abondant pouvait être disputé aux loups, poussé vers des fosses où il venait s’empaler, ou chassé à l’épieu, comme on le fera jusqu’au Moyen-âge.

Les voies

Voies romaines traversant le département  (d’après Y. Barat et I. Renault-SADY).
Voies romaines traversant le département
(d’après Y. Barat et I. Renault-SADY).

A l’époque des Celtes, l’Yveline constitue une « zone tampon » entre le peuple des Carnutes, au sud, et celui des Parisii, au nord.

Le relief du massif de Rambouillet est, certes, un obstacle à la circulation : on monte de 130m d’altitude à Gazeran, à 170m sur la plateau de Rambouillet, avant de redescendre à 135m dans la plaine de Versailles. Mais cet obstacle, même boisé de façon dense, est bien loin d’être infranchissable, et longtemps avant l’époque romaine, des voies de communication traversaient ou contournaient déjà la forêt.

Les romains y créent deux voies d’importance stratégique : l’une, d’Orléans à Beauvais (qui passe par Rambouillet et Montfort), l’autre.de Chartres à Paris (qui passe , à Hermeray, à Saint-Léger, aux Mesnuls…). Cette dernière conservera durant des siècles une importance capitale : elle sera la voie des pèlerinages et celle des cortèges royaux, aussi bien que la route des blés de Beauce vers la capitale.

Ces deux routes sont à l’origine des trois villages d’Epernon, Rochefort, et Dourdan situés à l’entrée de trouées qui facilitent le passage. Saint-Arnoult sera un carrefour important, bien avant d’être péage d’autoroute.

L’existence des villages explique-t-elle le tracé des chemins, et celle des villes celui des routes ? Ou au contraire les routes et les chemins expliquent-ils l’emplacement des villes et des villages ? C’est le vieux problème de l’antériorité de l’oeuf ou de la poule !

Quoi qu’il en soit, l’exemple de Rambouillet illustre bien le rapport de la ville à la voie.

Comprendre le plan de Rambouillet

Venant de Gazeran, le « chemin de Chartres à Paris » ne pouvait pas rejoindre directement Groussay en traversant ce qui était initialement une zone marécageuse, et qui est devenu par la suite le parc du château. Il le contournait donc par l’Est.

Une fois sur l’actuelle place Félix-Faure, impossible d’imposer aux lourds chariots de gravir la pente du plateau. Le chemin obliquait donc vers l’ouest pour gagner en terrain plat l’actuelle place de la Libération. De là il lui était enfin possible de reprendre la direction de Paris, en évitant la partie la plus inondable de la plaine de Groussay.

Les voyageurs éprouvaient-ils le besoin de prier avant la traversée de la forêt ? C’est en tout cas à ce point d’inflexion que s’est construite la première église de Rambouillet, et par la suite son château, ses halles, son baillage… et son relais de poste : le coeur de la ville ancienne.

Les premières habitations, mais aussi les auberges et les autres commerces, ont occupé progressivement les deux côtés du chemin, de la Porte de Chartres à la Porte de Paris (de la Pierrefite à Groussay).

Le château et la forêt interdisant (encore aujourd’hui) tout développement vers l’ouest, quand la rue unique (actuelle rue de Gaulle) est entièrement occupée, un nouvel habitat la double au nord, à mi-pente du plateau (actuelles rues Lachaux et d’Angiviller), et le premier tronçon des rues Clemenceau, de la République et Penthièvre les relient à la rue de Gaulle, avant d’être, plus tard, prolongées.

L’étape suivante, avec la construction du tribunal, de la prison, de la nouvelle église, des écoles, et plus tard de la nouvelle poste, sera la conquête du plateau au XIXème siècle. Là où il n’y avait que le moulin, des champs et des vignes, s’installent de belles propriétés, avec de grands jardins, qui seront plus tard divisés …

A nouveau, le relief pose problème pour l’installation de l’embarcadère (la gare) en 1849, et son emplacement est choisi « parce que la station en cet endroit peut être placée au niveau du sol naturel, et qu’il existe un grand nombre de chemins qui y aboutissent. »

Sa construction conduit au développement des quartiers Est et Sud. Les rues Chasles, Gambetta et R. Patenôtre deviennent des axes importants.

Avec la création de la zone pavillonnaire de la Clairière, Rambouillet s’est approchée autant qu’elle le pouvait de la forêt, à l’Est. Avec celle de la zone commerciale, au Bel-Air, elle va au Sud, jusqu’aux terres de Gazeran (et même au-delà).

La circulation a été très tôt un problème, et d’abord les jours de marché.

En 1796, pour décongestionner la rue principale, la poste aux chevaux est déplacée, de l’actuel hôtel Mercure, à l’entrée du boulevard du Général Leclerc.

Les automobiles remplacent les chevaux et la rue principale ne peut pas rester longtemps à double sens. L’instauration de sens uniques recule l’échéance, mais ne peut éviter la nécessité de détourner le trafic de traversée par une voie rapide de contournement. C’est la RN10, trop étroite depuis plusieurs décennies, mais dont l’élargissement est si difficile à réaliser, faute d’avoir été prévu à l’origine.

Cette photo aérienne de Géoportail montre la façon dont Rambouillet occupe déjà pleinement ses limites administratives, arrêtée au nord et à l’Est par la forêt domaniale, à l’ouest, par le parc du château et au sud par la commune de Gazeran.

Rambouillet: limites administratives de la commune
Rambouillet: limites administratives de la commune

Dans ces conditions, la future croissance de Rambouillet se fera probablement en hauteur, par la construction de nouveaux étages, et le remplacement de maisons individuelles par des immeubles, et non plus en surface, par l’occupation de nouveaux terrains.

 

rue Gambetta, la surélévation discrète d’un pavillon ancien

Et s’il nous faut réellement accueillir demain, sur la commune de Rambouillet, le nouvel hôpital que l’on nous promet, trouver des terrains n’est certainement pas chose aisée (mais il est vrai qu’il ne s’agit pour le moment que d’une promesse !).
Ou peut-être, sur les dernières terres agricoles, autour du collège de Vivonne ?

Aujourd’hui Rambouillet doit résoudre la délicate question de franchissement, non plus de ses reliefs naturels, mais des barrières qu’elle a elle-même érigées : la route nationale et la voie-ferrée…

Le pont qui fut jugé hardi pour sa conception en biais est maintenant un goulot d’étranglement, et réaliser des travaux sous la voie ferrée, sans arrêter plus que quelques heures un trafic indispensable, pose des problèmes qui semblent insurmontables.

C’est le nouveau défi posé à Rambouillet. Depuis l’origine du petit Rambeuil, la ville a su en relever bien d’autres. Il n’est pas possible que nous ne finissions pas par trouver ici de solution satisfaisante !

Christian Rouet
mars 2022

Note : Pardon à ceux qui auront trouvé cet article trop simplificateur. Il est clair que le développement d’une ville est un phénomène bien complexe, qui résulte autant de décisions administratives que d’initiatives individuelles. J’aurai, dans de futurs articles, bien des occasions de venir approfondir ce sujet dont je voulais seulement donner ici un résumé schématique.

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