En préambule …
Avant de passer la parole à Michel Mazet, je vous rappelle quelques définitions, pour des termes que vous trouverez dans son article : :
- le sceau pour sceller et le cachet pour cacheter désignent tous deux à la fois l’objet d’une matière dure, gravée, qui sert à imprimer une marque. La présence de l’empreinte ainsi obtenue dans la cire, garantit l’authenticité d’un document, et qu’il n’a pas été ouvert.
- On trouve les deux termes dans bien des expressions. Par exemple, le cachet apposé sur une carte pour indiquer qu’une leçon avait bien été donnée permettait d’être payé au cachet. Et nombreux étaient ceux qui couraient le cachet, ou qui cachetonnaient… Je vous dis ceci sous le sceau du secret…
- Sans que cela soit une règle absolue, on utilise plus le terme de sceau : sceau royal, garde des sceaux …pour désigner un cachet officiel.
- Le type était la pièce qui permettait de reproduire une empreinte (d’où la typographie) aussi bien que l’élément figuré choisi dans un sceau pour représenter un concept.
Ch R.
Les cachets de la mairie du Perray
Aux Archives Départementales, quand vous compulsez des liasses sur un thème précis, votre attention est souvent distraite par un autre sujet tout aussi intéressant. Ainsi, j’ai remarqué et relevé
les cachets utilisés par notre mairie au fil des régimes.
En novembre 1789, l’Assemblée Nationale Constituante débute ses débats sur la division administrative du royaume.
Le décret du 22 décembre 1789 instaure la nouvelle organisation en départements, districts et cantons, laquelle est finalisée par des décrets en janvier et février 1790, puis agréée par lettres-patentes du Roi, le 4 mars 1790.
Ces distinctions entraînent des élections différentes : les représentants des cantons siègent au Conseil Général (devenu aujourd’hui Conseil Départemental) et les élus des districts deviendront les conseillers d’arrondissements, élus pour 6 ans (comme les conseillers généraux, qui siégeaient dans les conseils d’arrondissement qui disparaîtront en 1940).
En 1789, la Seine et Oise comprenait 9 districts, et Le Perray, comme Rambouillet, dépendaient du district de Dourdan. L’arrondissement de Rambouillet sera créé en 1812.
Dans le même temps, le décret du 12 novembre 1789 annonce l’institution d’une municipalité dans
chaque ville, bourg, paroisse ou communauté de campagne, suivi par le décret du 14 décembre 1789, composé de 62 articles et d’une longue instruction portant création des municipalités (élection des représentants par les Assemblées de quartiers – origine des bureaux de vote, élection du Maire,
nombre de conseillers – 6 pour Le Perray, choix d’une Maison Commune, attributions du Corps Municipal, non-cumul des fonctions – membres du Corps Municipal (sans lien de famille proche), garde nationale, élus départementaux ou de district).
Le Député de Paris Guy Jean-Baptiste Target, soucieux de la reconnaissance et de l’autorité du maire fait adopter le 20 mars 1790 le décret suivant :
« lorsque les officiers municipaux (Le Maire ou ses représentants, les futurs adjoints) seront en fonction, ils porteront pour marque distinctive une écharpe aux trois couleurs de la Nation, bleu, rouge, blanc. »
(Ordre de cette première écharpe portée en baudrier, le blanc au col (aujourd’hui : rouge-blanc-bleu pour le maire, bleu-blanc-rouge pour les parlementaires, députés et sénateurs, bleu pour l’Europe ; les élus départementaux et régionaux se parent d’écharpes rouge-bleu, non-officielles).
La première élection municipale au Perray se déroule le dimanche 7 février 1790. Gilles Lucas, fermier, devient le premier maire (il démissionnera au bout de 5 mois et sera remplacé par Jean-Louis Malin, aubergiste influent du centre-ville).
Première République 1792-1804
Après le sac des Tuileries, le 10 août 1792, l’Assemblée décide la suspension du Roi et, sur proposition de l’avocat Armand Gensonné (1758-1793), adopte le 15 août 1792, le décret relatif à la
formule provisoire des actes de la puissance exécutive dont l’acte 6 énonce : « le sceau de l’Etat sera changé ; il portera la figure de la Liberté, armée d’une pique surmontée de la Liberté, et pour légende, au nom de la Nation française.»
Dès le départ les symboles de la République sont inspirés des symboles antiques romains : les fleurs de lys de la Royauté, marque des Capétiens, sont donc remplacées par une Minerve, reprise elle-même de la Pallas-Athéna, le bonnet de la Liberté au bout de la lance est inspiré du pileus, marque de liberté des esclaves affranchis à Rome.
Puis, au lendemain de l’abolition de la royauté, remplacée par la République (21 septembre 1792), l’avocat et archiviste national, obtient de la Convention nationale de décréter le 22 septembre 1792 que le sceau des Archives
« sera changé et portera pour type une femme appuyée d’une main sur un faisceau, tenant de l’autre main une lance surmontée du bonnet de la Liberté, et pour légende Archives de la république française et que ce changement sera étendu au sceau de tous les corps administratifs. »
Dans la Rome antique, les faisceaux étaient portés par les licteurs, officiers au service des Magistrats et dont ils exécutaient les sentences. La révolution française réinterprète ce symbole : le faisceau (verges liées autour d’une hache) représente désormais l’union et la force des citoyens français réunis pour défendre la Liberté.
Le même jour est créé l’Etat-civil, tenu par les municipalités sur des registres clos et arrêtés chaque fin d’année par la signature du maire authentifiée du cachet municipal.
Les registres NMD (Naissances-Mariages-Décès) de l’Etat-civil municipal remplacent les BMS (Baptêmes-Mariages-Sépultures) paroissiaux tenus par le desservant de la paroisse.
L’usage de ce cachet sera progressif. Il semble que la municipalité du Perray s’en soit doté tardivement. D’autant que la Constitution de l’An II, votée le 22 août 1795, supprime les municipalités de moins de 5 000 h.
Chaque commune concernée nomme un agent municipal et un adjoint ; la réunion des agents du canton forme la nouvelle municipalité.
C’est Jean-Baptiste Bunel, propriétaire, cultivateur et aubergiste en centre-ville (acquéreur de la Ferme de la Chasse Royale), qui siège à partir du 15 novembre 1795 jusqu’à la réforme administrative du 17 février 1800, rétablissant toutes les municipalités. Il deviendra maire jusqu’à sa mort en 1809, aux réunions des dix communes constituant la municipalité de canton des Essarts (Les Essarts-le-Roi devenus Les Essarts-les-Bois / Les Essarts-la-Montagne) laquelle se donne un cachet portant l’inscription administration municipale du canton des Essarts, département de Seine-et-Oise. L’auteur de cette Liberté n’est pas identifié. Il pourrait s’agir d’Augustin Dupré (1748-1833), Graveur Général de la Monnaie de Paris de 1791 à 1803.
Premier Empire (1804-1815)
Le sénatus-consulte du 18 mai 1804 proclame empereur le premier consul et évince la Liberté tenant à senestre une pique pour se défendre et à dextre des verges et une hache pour assurer la Justice.
Aux termes de la loi du 26 janvier 1805, article 2, « le sceau de toutes les autorités a pour type l’aigle impérial (l’oiseau de Jupiter est le symbole impérial de l’armée des Romains, repris par Charlemagne, puis Napoléon Ier) et pour légende le titre de l’autorité publique par laquelle il sera employé. »
Le décret du 20 mars 1805 précise que les types de timbres et sceaux destinés aux diverses autorités et administrations de l’Empire seront gravés… par les soins et sous l’inspection du directeur de la Monnaie et des médailles… où, sur décision de Bonaparte, en 1803, Pierre Joseph Tiolier (1763-1819) a remplacé Augustin Dupré.
Le Musée de l’Armée conserve d’Antoine Denis Chaudet (1763-1810), sculpteur, Prix de Rome et membre de l’Institut, un dessin daté de 1804 représentant un aigle fulminifère dont le bronzier Thomire produira l’emblème des porte-enseignes des régiments d’infanterie de ligne. L’illustration en est donnée par le tableau de Jacques Louis David représentant la distribution des aigles le 5 décembre1804 au Champ-de-Mars. Cet aigle couronné devient le sceau de la mairie du Perray (cf ci-dessous).
La Restauration 1815-1830
Une décennie plus tard, l’aigle est chassé de son aire et, de l’Ancien Régime, renaissent trois fleurs de lys sous une couronne royale. Toutefois l’ordonnance du 26 septembre 1814 mentionne que
« toutes les villes et communes de notre royaume reprendront les armoiries qui leur ont été attribuées par les Rois nos prédécesseurs et en appliqueront le sceau sur les actes de leurs administrations… nous réservant d’en accorder à celles qui n’en auraient pas obtenu. »
Le porte-coton de sa majesté, à l’écoute des bruits de cour, remarque alors la vénalité excessive de cette disposition (voir l’ordonnance du 26 décembre 1814, portant conditions d’obtention desdites armoiries).
Sage et économe, la commune du Perray se contente du sceau aux trois lys couronnés. Ses armoiries seront fournies en 1952 par l’héraldiste Robert Louis (1902-1965) et complétées par une devise en 1982 (le blason actuel de la ville sert de logo à HMPY).
La Monarchie de Juillet (1830-1848)
Louis-Philippe Ier ordonne le 13 août 1830 :
« les anciens sceaux sont supprimés. A l’avenir le sceau d l’Etat représentera les armes d’Orléans surmontées de la Couronne fermée, avec le sceptre et la main de justice en sautoir et des drapeaux tricolores derrière l’écusson. »
Puis, il modifie ce sceau le 16 février 1831 en remplaçant les armes d’Orléans par un livre ouvert – qui rappelle, comme sous la Révolution, les Tables de la Loi – portant à l’intérieur ces mots : Charte de 1830.
Le Roi des Français ordonne encore le 14 août 1830 :
« les sceaux et cachets des autorités judiciaires et administratives et des officiers publics porteront à l’avenir pour toute légende, dans l’intérieur du médaillon le titre du corps, du fonctionnaire ou de l’officier public sur les actes desquels ils devront être apposés. »
Dès lors le cachet des communes comporte pour motif une couronne formée de deux rameaux noués, l’un de chêne, symbole de force et de justice (Rappelons-nous les Gaulois et Saint-Louis : le chêne est le lien entre le Ciel et la Terre, entre Dieu et les hommes ), l’autre d’olivier, symbole de paix et de sagesse, le nœud représentant l’unité de l’Etat et de la Nation.
Ce motif existait déjà sur certaines pièces de monnaie ciselées depuis la Révolution par les graveurs Dupré et Tiolier.
La Deuxième République (1848-1852)
Après la proclamation de la République, le 24 février 1848, le gouvernement provisoire reprend pendant quelques mois le sceau de 1792, puis le 18 septembre 1848 arrête :
« A l’avenir le sceau de l’Etat portera, d’un côté, pour type la figure de la Liberté…, de l’autre côté, une couronne de chêne et d’olivier liée par une gerbe de blé… les sceaux, timbres et cachets des cours, tribunaux… porteront pour type la figure de la Liberté. »
C’est le dessin du Graveur Général des monnaies, Jacques-Jean Barre (1793-1855) qui est retenu.
La vigilante sentinelle de l’an II cède sa place à une Liberté assagie, assise, drapée à l’antique, la tête laurée radiée à sept rais, portant à son bras droit le faisceau exécutif surmonté d’une pique et appuyant son bras gauche sur un gouvernail dont le safran est orné d’un coq ailes ouvertes, symbole des Girondins, représentant la Révolution en marche.
A ses pieds un bric-à-brac où voisinent, à gauche, les symboles du travail et du génie humain : un globe terrestre, une roue dentée, les mancherons et le soc d’une charrue, une lampe à huile, un plan d’architecte, un chapiteau de colonne, une palette de peintre, une gerbe de céréales, à droite, les principes de la République, l’urne du Suffrage Universel, l’image du coq et des feuilles de chêne.
Elle est accompagnée d’une double légende :
- circulaire : elle reprend la formule de la déclaration : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DÉMOCRATIQUE, UNE ET INDIVISIBLE,
- droite au bas de la figure : la date de proclamation de la République par Alphonse de Lamartine, le 24 février 1848.
Sur l’avers, la couronne de chêne et d’olivier mêlés, noués par le blé et la vigne est entourée de la devise de la France, LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ et, en son centre, la formule, AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS.
Cette figure est devenue le Grand Sceau de France. L’éphémère Deuxième République n’a semble-t-il pas laissé l’empreinte d’un cachet à la figure de la Liberté dans les documents municipaux du Perray.
Le Second Empire (1852-1870)
Le sénatus-consulte du 7 novembre 1852 désigne Louis Napoléon Bonaparte empereur des Français, lequel, le 2 décembre 1852, décrète, article 1 :
« Le sceau de l’Empire portera pour type l’aigle impérial couronné, reposant sur la foudre, suivant le modèle joint au présent décret. »
Les articles suivants reprennent les termes des deux actes cités de 1805.
Le Perray utilise donc ce cachet semblable à celui du Premier Empire, la gravure présente quelques différences : ainsi, l’aigle semble poser la couronne sur sa tête…
Troisième, Quatrième et Cinquième Républiques
Les événements se précipitent : la guerre, le désastre de Sedan (1er septembre 1870), la déchéancede Napoléon III, la proclamation de la République (4 septembre), le siège de Paris,…
A l’Hôtel de Ville de Paris, le 25 septembre, le Gouvernement de la Défense Nationale décrète :
« A l’avenir le sceau de l’Etat porter, d’un côté, pour type, la figure de la Liberté,… et de l’autre, une couronne de chêne et d’olivier liée par une gerbe de blé,.. ».
Ce décret est une copie de celui du 18 septembre 1848, pris par la Deuxième République.
Dans le désordre où la fragile République serait prête à laisser la place aux prétendants à la couronne, la municipalité du Perray, ne pouvant conserver l’aigle impérial couronné, prudente, choisit le cachet neutre aux rameaux de chêne et d’olivier, déjà utilisé sous la Monarchie de Juillet et la Deuxième République.
Elle attendra le cours de l’année 1881, dans le moment où l’offensive républicaine semble l’emporter, pour utiliser jusqu’à aujourd’hui, le sceau de la République au type de la Liberté dessiné et gravé en 1848 par Jacques-Jean Barre.
Toutefois les inscriptions portées sur le cachet de la mairie seront modifiées à deux reprises :D’abord par le décret du 11 août 1948, paru au Journal Officiel du 15 août 1948, qui autorise la commune du Perray à porter désormais le nom de LE PERRAY-EN-YVELINES, suite à une demande exprimée par Ernest Bonnamy et son Conseil municipal, le 15 novembre 1945 (voir ci-dessous 1). Ensuite, par la loi du 10 juillet 1964 qui prévoit le démembrement du département de Seine-et-Oise et la création du département des Yvelines, effective au 1er janvier 1968 (voir ci-dessous 2).
Michel MAZET
janvier 2020
Avec l’aimable autorisation de la HMPY
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