Le Relays du Château
Inauguré le 13 mai 2006, après son acquisition par la Ville et une complète reconstruction, le Relays du Château est aujourd’hui un Mercure 4 étoiles de la chaîne Accor. Il bénéficie d’un emplacement exceptionnel, à proximité du château de Rambouillet.
De nombreux documents nous permettent de retracer l’histoire de ce bâtiment à partir du XVIIème siècle. C’est donc l’ordre chronologique que je vais suivre ici. Jean Blécon a rédigé pour l’association PARR un excellent article qu’il a illustré de deux plans que je lui emprunte ci-desous.
XVIIème siècle
Vers 1660 le Relays fait partie d’une propriété plus vaste, située derrière l’église de Rambouillet, à l’angle du Grand chemin de Paris à Chartres ( dans sa portion devenue rue R. Poincaré) et de la ruelle qui longeait le côté nord de l’église, et conduisait au presbytère (qui est aujourd’hui notre Office de Tourisme).
L’ensemble, à l’enseigne de « maison des Trois Rois » était alors divisé entre 4 propriétaires, ainsi que le montre le plan établi par J. Blécon, ci-contre.
La partie qui forme l’angle des deux rues est alors propriété du sergent royal Jacques Boutin, et elle est vendue en adjudication, à sa mort en 1693, aux héritiers de Charles Breton, déjà propriétaires du lot mitoyen de gauche.
XVIIIème siècle
A cette époque, la partie Nord, anciennement propriété de Pierre Houy a été détachée de l’ensemble. Catherine Adrienne Godard de Barrisseuse, qui l’a acquise en 1699, y a fondé l’école de la Sainte-Enfance.
Reste donc l’immeuble des héritiers Breton, organisé en une indivision compliquée et composé de trois maisons.
En 1723, Paul Martin, l’un des indivis entreprend d’acheter l’ensemble, et d’y ajouter deux maisons situées derrière le presbytère. Il constitue ainsi en 1731 la parcelle dite « Image Saint-Martin » (plan Jean Blécon), dont le terrain va jusqu’à la maison du Belveder dans la rue Troussevache (rue Lachaux).
Paul Martin prend alors, en toute simplicité, le nom de Paul Martin de Saint-Martin !
Ses héritiers cèdent en 1761 la propriété à Robert Fleuran, chef échanson du duc de Penthièvre. Au recensement de 1763, y vivent alors 32 adultes et 12 enfants. En rez-de-chaussée sur rue, les boutiques sont louées à un épicier, un boulanger et un bonnetier, et dans la cour, nous trouvons un aubergiste, et une blanchisseuse.
En 1784 les filles de Fleuran cèdent l’ensemble au roi Louis XVI « au titre particulier de son domaine privé ».
En effet, le roi a acquis pour les démolir plusieurs bâtiments, dont celui de la « Maison du mouton » afin de doter la ville dont il a acquis le château, d’une place assez grande pour recevoir le marché de Rambouillet, et mettre en valeur le nouveau bailliage qu’il y fait construire. Or la Maison du mouton abritait la Poste aux chevaux, et il lui faut donc trouver un lieu de remplacement dans ce même quartier.
En 1785, la Nouvelle Poste s’installe donc dans la « maison Saint-Martin ».
En 1794, y habitent alors, outre Lemesle, le maître de Postes, et Grou, l’épicier qui logeaient auparavant dans la maison du mouton, plusieurs membres du personnel de la Maison du Roi : « le receveur des Domaines, le jardinier de la laiterie, François-Nicolas Fourneau, le valet journalier du roi, son médecin, Lacoste, le suisse du château, Jacques-Etienne Desponts et le gondolier, Jacques Palmarin dit Palmerini. » (J. Blécon article Parr).
L’ensemble immobilier faisant partie de la liste civile du roi, il est mis en vente par les révolutionnaires en 1794 et acquis par l’aubergiste Nicolas Chaffot.
C’est alors que la poste aux chevaux de Lemesle est transférée à l’entrée du boulevard Voirin (du Gal Leclerc).
Nicolas Chaffot avait été menuisier à Clairefontaine, avant de devenir syndic de la paroisse, puis régisseur de l’abbaye. En 1795 il ouvre l’hôtel Saint-Martin, qu’il cède ensuite à son fils. Il y a probablement alors 14 chambres, et un grand restaurant.
XIXème siècle
En 1812 l’auberge est louée à Jean-Louis-François Jumeau qui en devient ensuite propriétaire lorsque les héritiers de Nicolas Chafflot vendent l’ensemble. Il en poursuit l’exploitation jusqu’à son décès en 1864. Les chambres sont transformées en appartements, et l’établissement n’exploite plus qu’un café-restaurant. A sa mort une société immobilière achète l’immeuble, et le met en location.
Signalons que depuis 1881, l’adresse de cet immeuble est devenue la place René Masson, pour commémorer le commandant en second de la colonne Flatters, massacré le 16 février 1881 par les touaregs. René Masson était né place Marie Roux, à Rambouillet.
XXème siècle
En 1912 M. C. Ancelin loue l’emplacement et l’exploite sous le nom de « Grand Café du Parc ». Il y organise des « five o’clock tea », des concerts symphoniques sous les platanes de sa terrasse et tous les dimanche soir, un bal dans sa salle de danse (où il organise également pour ses clients les premières séances de cinéma de Rambouillet).
En 1930, Mr Nivet transforme les lieux, déplaçant l’entrée principale rue des juifs, en limite Nord du bâtiment, afin de créer une grande salle-à-manger art déco.
Il le rebaptise alors le « Relays du Chasteau », et en fait l’un des établissements les plus cotés de la ville.
Le Y de relays ne se justifie que par la volonté de donner du cachet à l’établissement : il n’a aucune légitimité étymologique.
Le S du chasteau répond au même mobile commercial, mais au moins existait-il autrefois, ainsi qu’en témoigne l’actuel accent circonflexe de château !
En 1941 M. Nivet achète la maison de la Sainte-Enfance pour agrandir son établissement, mais la guerre interrompt son projet, et il cède son entreprise à M. Bernald qui ne l’exploite que le temps de la guerre, avec un public d’officiers allemands…
A la Libération c’est M. Lothaire, le propriétaire du Grand Veneur, l’hôtel restaurant le plus coté de la ville, qui le reprend pour son gendre Hilaire Merle, ancien officier de cavalerie. Des travaux permettent à l’établissement de disposer de quelques chambres.
Je dois ouvrir ici une parenthèse juridique, pour expliquer la fin de cet établissement.
Afin de permettre aux commerçants de céder leur clientèle, notamment lors de leur départ en retraite, le droit français a imaginé un bail commercial qui déroge aux principes de la propriété, et du droit des contrats. Bien que consenti contractuellement pour une période de 3, 6 ou 9 ans, le bail commercial donne droit à son terme à des renouvellements successifs, tant que le locataire respecte ses engagements.
Par ailleurs, alors que dans un bail d’habitation les gros travaux assurant le clos et le couvert sont obligatoirement à la charge du propriétaire, dans un bail commercial, les parties ont toute liberté.
Or H. Merle a choisi de prendre à sa charge tous ces travaux, en échange d’une diminution de son loyer, avantage que l’inflation va progressivement réduire, tandis que la vétusté de l’immeuble s’accentue rendant nécessaire des travaux de plus en plus coûteux.
Le propriétaire refuse de renégocier le bail, et personne ne fait les travaux nécessaires. Après une longue bataille juridique, le tribunal prononce donc la résiliation du bail pour défaut d’entretien.
Victoire à la Pyrrhus : son propriétaire récupère ainsi un immeuble qui nécessite d’énormes travaux. Il essaye en vain de trouver un repreneur qui pourrait les assumer, et, après deux essais de gérance libre, et quelques promesses de vente qui n’aboutissent pas, l’immeuble est finalement acheté par la ville, qui souhaite doter Rambouillet d’un hôtel de prestige.
Les travaux sont réalisés avec l’idée de pouvoir, à moindre frais, transformer l’hôtel en appartements en cas de besoin, et la ville recherche un exploitant de qualité pour lui revendre l’immeuble. Cependant le marché hôtelier n’est pas évident : plusieurs hôtels viennent d’ouvrir dans la périphérie de Rambouillet, les études de marché restent prudentes, et l’investissement nécessaire en décourage plus d’un.
Finalement, faute de pouvoir revendre son immeuble, la Ville décide de le mettre en location, avec possibilité de rachat par le locataire (qui, à ma connaissance, n’a pas utilisé son droit jusqu’à présent).
Un franchisé du Groupe Accor y ouvre alors, en 2006, l’hôtel Mercure que nous connaissons aujourd’hui.
Je note qu’à cette occasion le Relays du Chasteau est devenu Relays du Château : un premier pas vers la simplification ! Quant à la place René Masson, elle a disparu, absorbée dans la place de la Libération. Non seulement son nom rappelait nos guerres coloniales, mais en plus, dans ce contexte, il évoquait une de nos rares défaites !
C’est ainsi que nous avons aujourd’hui le Relays du Château, au 1 place de la Libération, avec ses 83 chambres climatisées, ses salles de réunion, son restaurant… Sans oublier sa terrasse toujours aussi agréable, par beau temps !
Christian Rouet
décembre 2022
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