Le père Gamet, prêtre des paumés

On l’appelait le père Gamet

Né en 1864 à Montluçon, Joachim Emile Gamet vient s’installer à Rambouillet dans un petit atelier d’horlogerie au 3 rue Lachaux. En 1902 ses affaires sont assez bonnes pour qu’il puisse se déplacer vers un meilleur emplacement : au 15 place de la Foire ( qui devient en 1904 la place Félix-Faure). Outre une bonne clientèle de rambolitains, E.Gamet obtient le marché d’entretien des horloges de la ville.

Les Gamet ont un premier fils, Albert, en 1902, et leur cadet, Jacques, nait le sept juin 1907.

Mais leur mère décède le 22 juillet 1908 : Jacques n’a qu’un an. Les deux garçons seront élevés par leur père.

Albert entre en apprentissage, et se destine à reprendre l’affaire paternelle.

Jacques profite d’une jeunesse aisée. « il chahutait, souhaitait devenir chanteur, et toutes les filles tombaient sous le charme de ce play-boy » se souvient l’un de ses voisins (cité par l’Echo-Républicain du 15 mars 1997).

Mais le 21 février 1924 son père décède, et son frère Albert, qui a repris le magasin est atteint de tuberculose peu après. Il décède à son tour le 25 mars 1927.

Ces deuils successifs changent profondément Jacques, et notamment son rapport à la vie et aux autres. Il entre chez les jésuites, et en 1930 il est ordonné prêtre.
Il reste onze ans à la Compagnie de Jésus, en se consacrant principalement aux romanichels à Belleville, ainsi qu’à des malades de l’hôpital de Saint-Jean-de-Dieu à Paris.

le père GametEn 1940, Jacques Gamet, que des raisons de santé avaient dispensé de service militaire, s’engage volontairement. Sa conduite dans les forces alliées lui vaut la Croix de Guerre. Il découvre l’horreur des camps de concentration de Dachau et Mathausen, et se met au service des prisonniers de guerre, des déportés et des évadés.

Ecoutons André Chaperon qui l’a bien connu et lui a consacré un chapitre dans son livre « Rambouillet, mémoires et chroniques du XXème siècle » résumer sa carrière :

« Aumônier général du service de santé militaire en 1946 le père Gamet crée l’Aumônerie des Sanas et des hôpitaux, sous l’égide du Secours catholique. Rencontrant Pierre Lazareff, directeur de France-Soir, il devient conseiller religieux du magazine Elle. Il y tient la rubrique ‘cas de conscience’ à partir de 1962. En 1972 il se retire à Rambouillet, où son activité incessante incite l’évêque de Versailles à lui donner la charge de ‘l’Apostolat des marginaux’ ».

A 65 ans le voici donc revenu dans sa maison natale de la place Félix-Faure. La terrasse du café du Pradaud, et le banc, au bord de la chaussée, au pied de son appartement deviennent son quartier général et les rambolitains s’habituent à cette silhouette vêtue d’un treillis militaire, toujours prête à engager la conversation, et surtout à prêter une oreille amicale aux problèmes des autres.

Il est aumônier des scouts, puis des officiers de réserve, mais c’est surtout aux personnes déshéritées qu’il se consacre, apportant une aide matérielle et morale à des jeunes en détresse : fugueurs, sans  domicile fixe, drogués, ou simplement jeunes « mal dans leur peau » trouvent chez lui gite et couvert, écoute et conseils.

Pour les recevoir il aménage la chapelle Saint-Hubert de la Villeneuve.

La chapelle Saint-Hubert:

Une première chapelle, dédiée à Notre-Dame existait au moins depuis 1610: elle était rattachée au manoir, situé de l’autre côté de la rue de la Villeneuve. En 1764 on trouve le détail de la restauration commandée par le duc de Penthièvre, et conduite par son architecte Claude-Martin Goupil.

Vers 1830, la chapelle est démolie et le lieu abandonné. Il renaît en 1951, à l’initiative des paroissiens, d’abord sous forme d’un sanctuaire provisoire, puis en 1952, la chapelle actuelle est construite, à l’initiative de Maurice Otto, maître d’équipage du Rallye Bonnelles qui offre un terrain.

intérieur de la chapelle (coll Ch&M.Painvin

La première pierre est posée à Pâques 1952. Une souscription recueille les fonds nécessaires à sa construction, et en un an les travaux sont réalisés sous la direction de l’architecte René Brunelet.

L’intérieur est décoré par l’artiste rambolitain Raymond Cailly, sur le thème de la légende de Saint-Hubert.
Une tête de cerf en bois sculpté, surmontée d’une croix surplombe l’autel.

Celui-ci évoque un foyer entouré de rondins de bois. Des oiseaux venus des deux côtés se dirigent vers l’autel, encadrant le premier vers du « sicut cervus », le psaume 42 composé vers 1581 par Palestrina:

« Sicut cervus desiderat ad fontes, 
ita desiderat anima mea ad te Deus…
de même que le cerf désire l’eau de la source,
de même mon âme te désire, ô Dieu…

Le 4 octobre 1953 la cloche Marie-Christine-Régine (don de Mm Painvin) est bénie, et le 11 octobre la chapelle est consacrée.

Chapelle Saint-Hubert 1987—le père Gamet marie Christian et Mireille Painvin
Chapelle Saint-Hubert 1987—le père Gamet marie Christian et Mireille Painvin

Le père Gamet y célèbre mariages, baptêmes, mais surtout il y accueille les jeunes en difficulté, croyants ou incroyants, le temps pour eux de se reconstruire.

Aujourd’hui elle appartient à la ville, et ne semble plus utilisée pour le culte.

En 1986 le père Gamet reçoit l’Ordre national du Mérite pour son action envers les jeune délinquants, et le 1er juillet 1990 le sénateur-maire Gérard Larcher lui remet la médaille de la ville. Au dos une formule qui résume bien sa philosophie : « l’espérance est dans la rue » .

Le 14 mars 1996 le père Gamet décède à l’hôpital de Rambouillet. Il a 89 ans.

Un an après, la ville décide de rappeler sa présence sur son banc de la place Félix-Faure en y apposant une plaque commémorative.

Gérard Larcher :« cette place était sa cathédrale, son presbytère, son confessionnal… Père Gamet, merci au nom des petits, des paumés, des abandonnés que vous avez su accueillir… »

le banc du père Gamet
hommage au père Gamet

Qu’est devenue cette plaque ?

Ne la cherchez pas ! Retirée il y a plus de dix ans, lorsque le banc a été retiré de la place afin d’être réparé, la plaque n’a jamais été reposée.
Elle est depuis conservée aux services techniques de la ville.
Crainte qu’elle soit dérobée ou vandalisée si elle était replacée aujourd’hui ? Impression qu’elle n’évoquerait plus rien, près d’un quart de siècle après le décès du père Gamet ? Ou tout simplement absence d’instruction pour la reposer ?la plaque du banc du père Gamet

Il faut espérer que cette plaque retrouve son emplacement initial, afin que le souvenir de Jacques Gamet, prêtre des paumés ne soit pas totalement oublié dans cette ville où il s’est tant impliqué.

Christian Rouet

Cet article a 14 commentaires

  1. Anonyme

    Jacques Gamet , j.avais oublié le treillis mais pas le copain de toujours … les repas au coin de la cheminée et feu de bois à Rambouillet et à Mons … il fallait mettre la table mais il y avait toujours à manger at boire… je me rappelle aussi la bande du Perray fils du maire. Il me semble que la maison appartenait à Christian Dior relation de Jacques
    Que de bons souvenirs un grand personnage .bon vivant , simple ,il nous manque ….. mais Rst toujours parmi nous
    50 ans après … amitiés pour toujours …JEAN-LOUIS

  2. Guiot Valérie

    J’ai été en vacances avec ma maman à Mons dans le Var chez Jacques Gamet dans sa maison.
    Nous avons fait de la randonnée et je me souviens de la petite chapelle dans sa maison aménagée pour la messe.

    1. Carole Isbérie

      Bonjour Valérie, alors nous avons dû nous connaître, j’allais aussi chez Jacques Gamet à Mons (j’habitais alors déjà Aix-en-Provence). Il y avait la « bande des gars du Perray », la fête du 15 août, et ce soir j’ai dîné avec des amis rencontrés grâce à Jacques, et qui m’ont donné l’idée de visiter ce site.

  3. Guiot Valérie

    Merci père Gamet pour tout ce que tu as fait pour ma maman et moi un été de 1977 à Mons dans le Var.

  4. COUFOURIER

    un grand Monsieur ce Père Gamet .. il baptisa mes garçons à la chapelle Saint Hubert à la Villeneuve.. que de bons souvenirs !!!

  5. Laurence Ancelin

    C’était un monsieur charmant, nous venions beaucoup au Celtique ou au Prado quand nous étions au lycée dans les années 80 et il était toujours ds les parages en treillis et venait taper la discute avec nous.
    Je me souviens d’un soir où il m’avait demandé si je savais ou dîner !
    Et je ne comprenais pas ce qu’il me demandait car je savais tout à fait ou dîner, j’avais une famille!
    Il nous voyait tellement souvent au Celtique qu’il devait penser que nous avions peut-être besoin d’aide !
    Il était drôle et décalé, ce qui n’était pas courant sur Rambouillet à l’époque ce contact avec des jeunes lycéens.
    Respect.

  6. Montégut Frédéric

    Oui je me souviens!
    Il habitait au dessus du Prado !

  7. Gérard COMAS

    Légende ou vérité historique ?
    Ce serait grâce au Père Gamet que le magasin MONOPRIX a été installé place Félix Faure (en ?) : le Père Gamet connaissait bien les propriétaires (une famille ?) de cette enseigne qui lui avaient permis de s’approvisionner gratuitement et à sa convenance afin de pouvoir secourir tous les « paumés » qui gravitaient autour de lui.
    Mon meilleur souvenir : la célébration du mariage, pas « ordinaire », d’un ancien élu rambolitain à la chapelle de la Villeneuve encore consacrée à l’époque.

  8. Jean-Paul Asse

    Une pétition ne semble pas nécessaire , il suffît de faire remonter l’information à la mairie.
    J’ ai aussi connu ce prêtre, ne pas oublier les autres dont le plus connu l’Abbé Macaire à beaucoup œuvré pour les pauvres , je recommande à ce sujet la lecture d’un très beau livre de Raphael Pinault édité par la Shary , RAMBOUILLET un millénaire de Vie Paroissiale

  9. gerard claisse

    Émouvant…je me souviens très bien de cet homme ,de sa belle allure en treillis ,devant Pradaud.
    Maintenant il y avait à la même époque un clochard très gentil ,célèbre à Rambouillet , place Félix Faure avec son landau …
    Je ne me souviens plus de son nom ?

  10. Ullern Jean-Eric

    Ce site peut-il contribuer à rédiger une pétition pour Madame le Maire, signée par un maximum de Rambolitains, pour que cette plaque soit replacée sur le banc (ou un autre si celui-ci a disparu), à sa place d’origine, et fixée solidement pour qu’elle ne puisse être dérobée ?

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