L'école de la Boissière
L’école créée à la Boissière par Olympe Hériot a eu une telle importance dans cette petite commune d’Yveline, que les Boissériens ont rebaptisé en 1936 leur commune la Boissière-Ecole !
Or la rentrée 2022 ne s’est pas faite à l’école Hériot. Pour la première fois depuis sa création, l’école est restée fermée, et au moment où j’écris ces lignes, son avenir n’est pas encore fixé.
Revenons sur l’histoire de cette école, qu’il ne faut pas confondre avec les nombreuses écoles françaises qui ont pris le nom d’Edouard Herriot, homme politique et académicien.
La Boissière
C’était un « lieu planté de buis » arrosé par le Mouron, qui devenait Moltroüe en entrant en Eure-et-Loir. Aujourd’hui la rivière s’appelle Maltorne, de sa source près de la Boissière jusqu’à l’Eure à Chaudon. Au Moyen Âge La Boissière était un fief de la châtellenie de Saint-Léger, vassale des seigneurs de Montfort.
Hugues Capet fait don de l’église Saint-Barthélémy de la Haute-Boissière, à l’abbaye de Saint-Magloire qu’il vient de fonder à Paris, et cette donation est confirmée par ses successeurs Henri I et Louis-le-Gros.
Au XVIIIème siècle le domaine de la Boissière appartient à la famille de Malebranche, puis aux Le Gras.
En 1879, Gaston Le Gras vend une part importante de son domaine de la Boissière à Olympe Hériot. La commune compte alors 579 habitants. Elle est très étendue, partagée entre le lieu-dit de la Basse-Boissière, et son château, celui de la Haute-Boissière, avec le coeur du village, groupé autour de son église, et 21 petits hameaux, comme Mauzaize, la Gâtine, ou l’Epinette…
Le commandant Hériot
Né en 1833, Olympe Hériot est le second fils d’un marchand de vins. Il embrasse la carrière militaire, et étudie à Saint-Cyr. Sous-lieutenant, il participe aux campagnes de 1870, et il est prisonnier de guerre en Allemagne. En 1875 il est chef de bataillon à Foix en Ariège.
Auguste, son frère ainé, a créé avec un associé, Alfred Chauchard, les Grands Magasins du Louvre, et il est devenu extrêmement riche. Emile Zola l’a pris comme modèle pour créer son personnage d’Octave Mouret, dans « Au Bonheur des dames ». En 1879 il décède sans héritier direct, et son frère Olympe hérite de sa fortune.
En 1881 il démissionne de l’armée pour gérer le Louvre, d’abord avec Chauchard, jusqu’en 1885, puis seul.
Sa première épouse décède en 1883. Cette même année il achète le château de la Boissière, avec 780 hectares. On ne connaît pas l’origine de ce château, antérieur à la Révolution.
Hériot charge alors l’architecte Georges Tersling de refaire la quasi-totalité du décor intérieur, et fait transformer le parc, l’ornant de statues de marbre ou de bronze.
En 1886 il construit dans le parc de son château, entre la Basse et la Haute-Boissière, l’orphelinat Hériot. C’est également lui qui finance la construction de la mairie et de l’école publique de la commune, dont il est le grand bienfaiteur.
Olympe Hériot se remarie en 1887 avec Cyprienne Dubernet, une vendeuse du magasin, avec qui il a déjà eu deux enfants, qu’il a reconnus. Après leur mariage ils en ont deux autres, dont l’un, Jean, décède à 2 ans.
Outre le château de la Boissière, Hériot dispose de la maison de son frère, au Vésinet qu’il fait démolir à deux reprises pour rebâtir de façon plus spectaculaire. La dernière « villa Hériot » sera démolie un peu avant la première guerre mondiale; on la disait aussi grande que la mairie de Versailles.
Il achète et agrandit également le château d’Essoyes (Aube) dans la commune où il est né. Racheté par la commune en 1936, ce château abrite désormais l’école et la perception. Il devient maire d’Essoyes en 1892, puis conseiller général en 1893.
Cependant, dès 1888, Olympe Hériot commence à montrer des signes d’aliénation mentale, peut-être d’origine syphilitique. En 1889 une tentative de suicide, suivie d’un internement à Vanves, dans une clinique spécialisée, est présentée par une certaine presse comme une tentative d’assassinat commise par son épouse, suivi d’un enlèvement destiné à capter sa fortune. Il est obligé de cesser de gérer ses magasins et en 1894 il démissionne de ses mandats de maire et de conseiller général d’Essoyes.
Il décède en 1899, à 66 ans, dans son château de la Boissière. Son épouse, dont il a fait sa légataire universelle lui fait élever un mausolée impressionnant, avec une chapelle funéraire en sous-sol, qui écrase le cimetière.
Sa fille, Virginie, baptisée « Madame de la mer », navigatrice de grand renom, médaille d’or en voile aux Jeux Olympiques de 1928, est décédée en 1932 lors d’une régate. Elle a été enterrée dans cette même chapelle, dans le cimetière de la Boissière-Ecole, avant que son fils, respectant ses volontés, fasse immerger son cercueil en mer en 1948.
La vie de Cyprienne Hériot son épouse, qui se remariera en 1908 avec Roger Douine, mériterait, elle aussi, un article complet. Elle sera faite chevalier de la légion d’honneur en raison de sa grande générosité.
L’orphelinat Hériot
En 1884, sur le modèle de l’école des enfants de troupe de Rambouillet, le gouvernement décide la création de six écoles militaires pour les orphelins de soldats morts pour la France : Rambouillet, Saint-Hippolyte-du-Fort, Autun, BiIlom, Montreuil-sur-Mer et Les Andelys.
Cependant ces écoles ne peuvent recevoir les enfants qu’à partir de l’âge de 13 ans. Rien n’est prévu pour les plus jeunes.
Olympe Hériot, ancien militaire devenu immensément riche, décide alors de faire construire sur ses terres un établissement susceptible de recevoir les enfants en bas âge. Il cède à l’institution qu’il crée un terrain de 9,6 hectares, finance entièrement la construction des bâtiments, et s’engage à assumer seul tous les frais de fonctionnement de l’établissement.
Le 4 novembre 1886, le Général Boulanger, ministre de la Guerre signe avec « le commandant Hériot » la convention suivante :
« Monsieur Hériot s’engage d’ores et déjà, tant pour lui que pour ses ayants droits ou héritiers, à faire don, en toute propriété, au Département de la Guerre, d’un vaste établissement qu’il fera construire entièrement à ses frais, sur une partie de son domaine de La Boissière, d’une contenance de 9 hectares 60 ares.
L’Établissement dont il s’agit sera destiné à un orphelinat exclusivement réservé à des Enfants de Troupe de l’armée de Terre. Il sera construit pour en recevoir 160 au moins. Monsieur Hériot se réserve le droit, pendant la durée de sa vie de disposer dans l’Établissement de 10 places qu’il pourra accorder à des enfants de son choix.
Afin d’assurer le fonctionnement de l’établissement, Monsieur Hériot s’engage à prendre les mesures nécessaires pour qu’après sa mort soit versé un don de 1 million de francs qui sera employé a l’achat de rentes sur l’Etat, lesquelles seront affectées exclusivement à l’entretien des enfants et du personnel de l’établissement, ainsi qu’à celui des bâtiments et du mobilier, et ce à perpétuité…
Afin de perpétuer la mémoire des bienfaits de Monsieur Hériot envers l’armée, l’Orphelinat prendra et conservera dans les Établissements de la Guerre le nom d’Orphelinat HÉRIOT. »
Il est ainsi prévu d’accueillir 160 enfants, et le 10 février 1887, le premier « poussin » est admis à la Boissière.
Une convention est passée avec les soeurs de la congrégation de Saint-Vincent-de-Paul, afin qu’elles atténuent pour les petits, la rudesse de l’enseignement militaire.
En juin 40 ce sont 365 élèves et 135 adultes qui reçoivent l’ordre de se replier sur les Landes. Quelques mois après l’école est redirigée vers Billom, puis Draguignan, et finalement la Roche-Posay, avant de pouvoir revenir à la Boissière en août 45.
Olympe Hériot a respecté jusqu’à sa mort les engagements financiers qu’il a pris, et qui permettent à cet orphelinat de fonctionner. Sa veuve poursuit son action. En 1918, pour faire face aux pertes humaines de la guerre, l’effectif de l’école est porté à 300 élèves, et Mme Hériot finance alors l’ajout de deux ailes au bâtiment principal.
En 1920 elle fait don à l’école d’un château qu’elle a fait construire à Cancale (35), pour servir de lieu de vacances aux poussins.
A son décès, le 5 décembre 1945, elle lègue son château de La Boissière à l’École.
Après l’école militaire
L’orphelinat Hériot fonctionne de 1887 à 1966 selon le protocole établi initialement. Cependant les besoins de l’armée se modifient, et en 1966 l’institution est transférée du Ministère des Armées, à celui de l’Education Nationale.
Les militaires sont aussitôt remplacés par des instituteurs, et l’année suivante, les soeurs, rappelées par leur congrégation, quittent également l’école.
En 1986, l’établissement est transféré à la Région, et s’insère dans le réseau des Écoles Nationales du 1er Degré (ENPD), réparties dans l’hexagone, pour recevoir en internat des enfants de six à douze ans.
Accueillant des enfants en difficulté, du CP au CM2 (et au CE2 depuis 2020), elle se veut une école de la seconde chance.
« L’ERPD Hériot est un internat de la réussite avec école intégrée au service de la réussite scolaire qui permet aux élèves en collaboration avec les élèves-stagiaires, les jeunes en services civiques et volontaires européens de s’impliquer dans les parcours éducatifs de santé, citoyens, artistiques et culturels et avenir » (copié sur le site de l’école)..
L’organisation, les modalités pédagogiques et l’offre très riche en activités sportives, culturelles et artistiques sont un réel atout et contribuent à la réussite des enfants accueillis.
Le projet pédagogique de l’école s’oriente autour de 4 axes:
Axe 1 : Réussir à l’internat (personnaliser les parcours, veiller au bien-être et ouvrir à l’international)
Axe 2 : Pratiquer des activités sportives et culturelles
Axe 3 : Éduquer au développement durable
Axe 4 : Former au numérique (copié sur une brochure de l’école)
En septembre 2022 l’école est restée fermée. Que va-t-il advenir de ses installations ?
« La Région se donne le temps d’un an pour faire les travaux et réfléchir à un avenir qui dynamise le site. Pour elle, comme pour l’Éducation nationale, il y a une réflexion sur le rapport investissement et bénéfices. Si on investit dans un site comme celui-ci pour 20 ou pour 100 élèves, ce n’est pas la même chose.
L’école doit garder une vocation scolaire. Rien ne dit qu’on n’y accueille pas des classes vertes dans l’avenir. On pourrait y accueillir des classes en continu, comme cela se fait à Cancale. Ce serait au bénéfice des enfants des Yvelines. »
(propos de Luc Pham, Directeur Académique des Services de l’Éducation Nationale (DASEN) des Yvelines, cité par Stéphanie Petit dans Actu78
A suivre donc !
Le Ministère des Armées avait eu la chance de rencontrer, en Olympe Hériot et son épouse, de généreux philanthropes. Et l’intelligence d’accepter leur aide.
La Région aura-t-elle la même chance pour faire évoluer le site ? Et dans la négative, disposera-t-elle des fonds publics nécessaires pour mener à bien un projet de qualité ?
Les Boissériens croisent les doigts !
Christian Rouet
novembre 2022
bonjour , eleve et pensionnaire a l’ecole 4 ans (environ 1981 a 1985 ) ,membre de la fanfare aussi, un grand merci a cette ecole et a son encadrement a l’epoque qui m’ont permis de vivre les plus belles année de ma vie en scolarité !!!!!! que de bons souvenirs un GRAND MERCI!!
Bonjour,
Et merci pour cet article.
Avez-vous depuis d’autres nouvelles concernant le château ?
Cordialement.
certains Rambolitains se souviennent de la fanfare des enfants de troupe de l’école Hériot qui se produisait à l’occasion de la fête du muguet.Le directeur était Monsieur Dancona . Beaucoup d’élèves de Rambouillet ont séjourné à Cancale en classe de mer.Que de souvenirs !!