Nos ancêtres les Gaulois
Grâce au talent d’Uderzo et de Goscinny des millions de lecteurs dans le monde entier (Astérix a été traduit en 117 langues !) savent aujourd’hui que nos ancêtres s’appelaient les Gaulois, et qu’ils ont -presque- tous été conquis par Jules César.
Et si, à l’évidence, nous avons perdu le secret de la potion magique, ceci ne doit pas nous empêcher d’évoquer ici leur souvenir, en mangeant une tranche de sanglier arrosée d’un verre de cervoise.
Un récit historique revisité
C’est au XIIème siècle que Philippe-Auguste commence à être désigné par l’expression rex Franciæ (roi de France) à la place de rex Francorum (roi des Francs), et que l’on commence à parler d’histoire de France.
Aux peuples présents dans notre pays depuis le paléolithique et le néolithique sont venus s’ajouter à l’âge du bronze puis à l’âge du fer des peuples Celtes (César les classe en Celtae, Belgae et Aquitani), des romains, puis des peuples d’origine germanique (Francs, Wisigoths, Alamans, Burgondes) et plus tard des Scandinaves appelés Normands. Au fil des siècles ils ont constitué un peuple que le pouvoir royal, la religion chrétienne et plus tard la langue française ont unifié.
Parmi ces envahisseurs, nous nous sommes voulus durant des siècles les descendants des Francs. Nous sommes Français, vivant en France, et notre monnaie, hier, était le franc… Clovis (466-511) rois des Francs a fondé la première dynastie durable de notre pays , la dynastie carolingienne.
C’était un vainqueur, qui a repoussé les Wisigoths et les Alamans, et un unificateur qui est devenu roi de tous les Francs. En adoptant la religion de son épouse chrétienne, il a été à l’origine d’une alliance entre la royauté et l’église profitable autant à l’une qu’à l’autre, et déterminante pour notre pays.
Ajoutons que lorsqu’il a fallu trouver un prétexte pour refuser le trône de France au roi d’Angleterre Edouard III, fils d’Isabelle de France, et héritier direct de Philippe le Bel, c’est une loi des Francs saliques qui a été opportunément exhumée. Cette manoeuvre objectivement frauduleuse a déclenché la Guerre de Cent ans.

Mais alors pourquoi nos ancêtres sont-ils aujourd’hui les Gaulois et non plus les Francs ?
Tout simplement parce que nos historiens du XIXème siècle ont réalisé avec horreur, après la défaite de 1870, que les Francs étaient d’origine germanique… comme les Allemands !
Quoi ? Avoir des ancêtres communs avec ces horribles boches qui viennent de nous voler l’Alsace-Lorraine ?
Ce n’était pas supportable, et nos historiens se sont empressés de réécrire notre récit historique. La guerre de 14-18 n’a fait que confirmer ce récit. Oui, certes, nous avons été envahis par les Francs, et bien d’autres, mais nos ancêtres sont les Gaulois.
Accessoirement, ceci nous fait descendre des vaincus et non plus des vainqueurs, et fait de Vercingétorix, qui meurt dans un cachot romain, notre premier héros en lieu et place de Clovis 1er.
Certains y voient une explication de notre sympathie plus marquée envers ceux qui échouent que pour ceux qui réussissent.
Yveline
Pays de landes, de marais, et plus tardivement de forêt, l’Yveline est avant tout un pays d’eau.
C’est la Sylva aquilina attestée au VIIIe siècle, qui devient Evelina et enfin Iveline et Yveline. Et tous les ouvrages historiques s’accordaient jusqu’à présent à trouver dans aqualina l’origine latine « aqua » (eau). Cela semblait d’autant plus logique que c’est bien l’eau qui caractérisait notre région.
Le latin aqua serait devenu eve et ive en langue d’oïl, d’où l’ivel ou yvel (le réservoir d’eau), et finalement notre Yveline.
Or l’historien rambolitain Philippe-Jean Vallot vient de publier sur son site une analyse différente (qui fera l’objet d’une parution à la Shary) :
« Le nom Yveline ne vient pas du latin « aqua » (eau) mais d’un mot plus ancien « Equa », d’origine pré-latine attestée (gauloise ou antérieure). Ce terme n’a pas de rapport avec l’eau. Pour la nommer, les Gaulois avaient dubron, dubra, l’eau, les eaux, et abona, rivière, largement documentés et possédant un riche répertoire toponymique. Cette racine « Equa » aurait désigné un lieu sacré ou un territoire particulier, sans lien direct avec l’eau. »
D’où sa conclusion :
« Yveline dérive d’un toponyme très ancien, sacré, d’abord localisé sur un espace centré autour d’Equa (hameau d’Yvette) puis étendu par la suite à la forêt médiévale avec le développement de cette dernière.
Le nom témoigne d’une mémoire toponymique persistante autour d’un lieu cultuellement et culturellement central. »
Les druides
Évoquer un lieu sacré pour les Celtes nous conduit naturellement à rappeler l’existence et le rôle des druides.
Et revoici une question d’étymologie. Celle du mot druide fait, elle aussi l’objet de débats. Les Romains avec Pline y trouvaient le chêne (drus en grec et derw en breton). La plupart des linguistes y voient la racine weird : savoir. Et naturellement, comme souvent, ce que l’on sait d’un événement, d’un lieu, d’une pratique influe sur le sens que l’on donne au terme qui le décrit : les druides étant associés au chêne et au savoir, quoi de plus normal que de penser que leur nom y est associé ?
Quoi qu’il en soit, on sait que le druide (qui pouvait être une femme) était l’intermédiaire entre les dieux et les hommes dans la civilisation celte. Il était tout à la fois ministre du culte, théologien, philosophe, gardien du savoir et de la sagesse, historien, juriste, mais aussi conseiller militaire du roi et de la classe guerrière. Comme le dit un récit de la mythologie irlandaise : « nul ne parle avant le roi, mais le roi ne parle pas avant son druide ».
Ce binôme roi-druide où tous deux étaient indissociables était fondamental dans l’organisation du groupe. Il disparaîtra avec l’invasion romaine, mais l’alliance entre la royauté et l’Eglise, qui a caractérisé la France de l’Ancien Régime, n’en est-elle pas le retour ?
Les druides ne nous ont laissé aucun écrit permettant de mieux connaître leur organisation et leurs croyances, car leur transmission était uniquement orale. Ce sont donc les témoignages de leurs contemporains et des textes irlandais écrits après le VIIIème siècle qui nous fournissent quelques indications.

Une thèse apocryphe a fait de Pythagore, initié par des sages indiens et égyptiens, l’inspirateur du druidisme. Cependant la seule certitude est qu’il y a eu des relations entre druides et pythagoriciens, et sans doute des échanges de savoirs.
César, dans ses récits sur la guerre des Gaules, écrit qu’ils « s’occupent des choses de la religion, ils président aux sacrifices publics et privés et règlent les pratiques religieuses ; les jeunes gens viennent en foule s’instruire auprès d’eux, et on les honore grandement. » Il semble qu’il leur a témoigné du respect pour leurs connaissances et leur rôle social, et en tous cas, il n’a rien fait pour les combattre.
Il faut rappeler que les Romains étaient très religieux, mais leur religion « sans révélation, sans livres révélés, sans dogmes et sans orthodoxie » acceptait d’intégrer toute nouvelle croyance, sous réserve qu’elle ne s’opposait pas aux leurs, et ne contestait pas la divinité de l’empereur. Et les croyances celtes, leurs rites et notamment leurs sacrifices, leur science divinatoire … tout ceci était finalement très proche de la religion romaine.

L’univers gaulois était divisé en de nombreuses entités politiques plus ou moins définies et associées à un territoire fixe, qui se regroupaient en alliances de circonstances, voire en fédérations plus ou moins importantes. Les druides constituaient l’un de leurs seuls traits communs, et leur rassemblement annuel était un événement important. C’est dans ce cadre que les conflits entre tribus pouvaient se résoudre de façon pacifique : un conseil de l’ONU gaulois, en quelque sorte.
Où avait-il lieu ? On a avancé l’hypothèse que les druides auraient pu se réunir dans la forêt d’Yveline, zone limitrophe des Carnutes au sud et des Parisii au nord. La région de Jouars-Pontchartrain est souvent évoquée, mais on parle aussi beaucoup de la région de Saint-Benoît sur Loire.
Les travaux de Philippe-Jean Vallot semblent indiquer que le rôle sacré de plusieurs lieux d’Yveline étaient sans doute plus important qu’on ne le pensait. La Pierre Ardroue aurait sans doute bien des secrets à nous livrer !
Lors de la conquête romaine, le druidisme constitue pendant une courte période une résistance des coutumes celtes face à la culture romaine. Mais dès le 1er siècle les empereurs Tibère et Claude craignant que les druides ne soulèvent les Gaulois contre l’Empire prononcent leur interdiction. Quelques-uns resteront en Gaule, dans des zones peu contrôlées par les Romains, sorciers redoutés par la population, et la plupart s’embarqueront pour les Iles Britanniques, d’où avait probablement essaimé le druidisme plusieurs siècles auparavant.
Après la conquête de la Gaule, les Romains entreprennent celle des iles britanniques (Claude à partir de 43 après JC). Elle est particulièrement difficile. En 60 la rébellion bretonne de la reine Boadicée est prés de réussir. Le général romain Paulinus, craignant l’influence politique des druides, envahit la petite île sacrée d’Anglesey, le plus grand sanctuaire du druidisme.
Lors de cet assaut, l’île est entièrement rasée, les bosquets, autels et temples, sont détruits. Tous les hommes, les femmes, et les enfants sont tués avec la volonté, par un véritable génocide, d’éradiquer définitivement le druidisme.
Cependant, en Gaule, c’est d’abord le paganisme romain qui fragilise les croyances et les coutumes celtes, et c’est l’avènement du christianisme, au tournant du IVème siècle qui marque la dernière étape de leur disparition.

Ce ne sont plus des Gaulois, mais des Gallo-Romains qui ayant adopté la langue, les lois et les coutumes de Rome sont envahis dès le IVème siècle par de nombreux peuples barbares venus de l’Est…
dont les Francs qui conquièrent la Gaule de 486 à 534…
Christian Rouet
juin 2025