Les garages de Rambouillet (2)
Cet article est une évocation des anciens garages de Rambouillet. Il fait suite à un premier article accessible ici.

Le 14 juillet 1924, devant son garage du 22 rue Nationale, William Liet et son frère manquent de périr dans un incendie, en faisant le plein d’essence d’un client.
Il est depuis deux ans agent Citroën, dépendant de la succursale Bourdier (puis Flambard) à Arpajon.
Ne pouvant agrandir son atelier dans la rue principale, il crée en 1926 un garage rue des Petits-Champs (rue Clemenceau) sous l’enseigne Garage Central.

En 1931 Citroën estime que le marché rambolitain est maintenant assez développé pour justifier l’implantation d’une concession. Liet espérait l’obtenir, mais Citroën préfère la confier à son concessionnaire de Dourdan : André Gatineau.
Liet poursuit donc son activité comme agent Hotchkiss, Delage, Delahaye et Rosengart, mais ces marques ne lui assurent plus le même revenu. Il a des dettes. Son immeuble de la rue des Petits-Champs est vendu aux enchères le 12 octobre 1932, pour apurer son passif et Liet obtient d’en rester locataire. Il poursuit son activité jusque vers 1955.
Moreux, le concessionnaire Renault de Rambouillet reprend son bail pour son activité de voitures d’occasion. En 1965 il le cède à Claude Lesieur, son chef d’atelier, qui en conserve le nom.
Le Garage Central poursuit ainsi son activité, d’abord comme agent Opel (premier distributeur de voitures étrangères), dépendant de la concession de Versailles, puis en 1969, comme concessionnaire Alfa Roméo. La marque est prestigieuse, mais pas suffisante pour rentabiliser le garage. Lesieur envisage de la compléter par Volvo, mais en 1979 Alfa Roméo étudie une fusion avec le japonais Nissan (alors Datsun) et encourage ses concessionnaires à travailler avec lui. La fusion ne se fera finalement pas, mais le Garage Central conserve ces deux marques, jusqu’en 1993 date de son arrêt définitif d’activité pour cause de retraite.
Restons un instant dans la rue des Petits-Champs.
Vers 1920 Freslon (dit Herbet) s’y installe comme agent Mathis, en complément de son magasin de cycles de la rue Nationale.
A cette époque, Knoll exerce une activité de matériel agricole, agent Mac Cormick, au 36 rue de Groussay sous le nom de SAGMA (société anonyme garage machines agricoles).
Herbet et Knoll s’associent et regroupent leurs activités dans un terrain qui communique à la fois avec la rue des Petits-Champs, et la rue Gambetta. Le garage devient agent Ford, et Matford (des modèles produits par les marques Mathis et Ford regroupées).

Les rambolitains connaissent bien ce garage, qui héberge actuellement –en attente d’une promotion immobilière– les Restos du Coeur.
J’ai signalé l’installation d’André Gatineau, comme concessionnaire Citroën. Il ouvre son garage en mars 1931, au 60 rue de Groussay. La ville accepte le 3 avril de lui louer pour 300 fr la pointe de terrain formée par les rues de Groussay et des Marais de 24m2 pour qu’il puisse y loger sa fosse à essence. Un tilleul est sacrifié.
Roger Gatineau succède à son père. La concession se développe. André Frizat, son gendre, en devient directeur commercial. L’atelier est agrandi par des locaux mitoyens, et d’autres, en structure plus légère, de l’autre côté de la rue. Dans les années 1970, le chef d’atelier, Pierre Chaboche est premier adjoint au maire.
Cependant, le garage supporte trop de charges, et ses impayés se multiplient. Citroën lui retire sa concession et la cède à Philippe Van de Maele, son concessionnaire d’Etampes.
Le 18 novembre 1971 la nouvelle concession s’installe dans les locaux de l’ancienne usine à gaz, rue R. Patenôtre… que lui loue Prehel, le concessionnaire Peugeot ! Mais cette installation n’est que provisoire, et dès que la construction du garage au 50 rue G. Lenotre est terminée, la concession s’y déplace.

Erick Van de Maele succède à son père. La concession conserve son emplacement jusqu’en 2021 puis se déplace dans la zone du Brayfin. Un magasin Lidl la remplace.
Lorsque Erick Van de Maele prend sa retraite, en 2023, la concession est reprise par la Société Trujas.
Mais qu’advient-il du garage du 60 rue de Groussay ?
Privé du panneau Citroën, André Frizat crée la Sofriga (société Frizat-Gatineau) et obtient la concession VW de Rambouillet, en même temps qu’il ouvre une concession Audi-NSU à Chartres. Mais les réseaux de VW et Audi fusionnent, et la Sofriga perdant Chartres, ne peut pas se rentabiliser sur le seul secteur de Rambouillet, malgré des marques d’appoint comme Porshe ou Mercedes. Le garage ferme, et la Sofriga se lance dans la création d’une nouvelle concession à Caen, avant de fermer de façon définitive.
Les locaux de Groussay sont alors divisés : Me Audhoui y transfère sa salle des ventes de la rue d’Angiviller, dans la partie ancienne, et Serge Pajean quitte une activité d’agent immobilier pour créer dans l’extension de droite une concession BMW.
J’ai déjà signalé qu’il la transfère en 1988 à la place du garage Renault, rue Patenôtre.
Son local est alors repris par M. Paty, pour créer International Car qui veut distribuer les marques les plus prestigieuses : Ferrari, Lamborghini, Porsche… mais ne tiendra pas longtemps.
Quant aux locaux de la salle des ventes, ils ont retrouvé des voitures d’autrefois, en accueillant en 2016 l’association Renaissance Auto, délogée de la rue de la Louvière par la vente de l’ancien garage Fiat.
La concession VW est reprise par un ancien salarié du garage Gatineau, dans de nouveaux locaux, rue de la Louvière. Ce garage sera repris ensuite par Rambouillet Automobiles, pour les marques Opel et Nissan, pendant que le Garage de l’Agiot récupérera VW à la Verrière, et l’Orée Automobiles y ramènera VW en 2021.
Changeons de quartier !
Vers 1910 Herbet et Jouve s’associent pour reprendre la maison de cycles Monteil, au 71 rue Nationale. Herbet continue seul, mais il décède et c’est sa veuve qui poursuit l’affaire.
En 1935 elle travaille toujours rue Nationale.
Mais quelques années après elle installe un garage automobile au 37 boulevard Voirin (du Mal Leclerc), en association avec J. Freslon. Le garage obtient la concession Simca-Fiat (une marque créée en 1935 pour permettre à Fiat de vendre en France des véhicules sous licence, sans payer de droits de douane, et qui disparaît en 1938 pour laisser place à la marque Simca).
Mme Ve Herbet reste dans cette rue, mais y construit un nouveau garage au 51 qu’elle cède ensuite à Meresse, qui le cédera plus tard à Mercereau.
Sous l’enseigne Rambouillet Automobiles ils distribuent les marques Simca (en concession) et les marques Chrysler-France, Sunbeam et Matra.
j’ai déjà raconté comment Fiat, de son côté, avait été commercialisé par les Ateliers de la Louvière de Gérard Hude.
Cette fois ce n’est pas le concessionnaire qui disparaît … c’est la marque! Simca est reprise par Chrysler, puis en 1979 par Peugeot qui rebaptise ses modèles Talbot. Mais la marque disparaît six ans après, victime d’un positionnement et d’une stratégie commerciale discutables.
Mercereau s’associe à Gandolfini, puis le garage est repris par Olive qui ne pourra pas empêcher son arrêt définitif. Les locaux abritent ensuite une salle de sports, puis font l’objet d’une promotion immobilière.

Quant au premier garage de Mme Hebert, au 37, il est repris par Charles Campana qui commercialise les marques Morris, Austin, MG, Triumph et Rover.
Il se déplace ensuite rue des Etangs de la Tour sous le nom de Garage de la Villeneuve, qui sera plus tard repris par Auto-Racing 78, puis par Couvreur Automobiles, concessionnaire Ford.
Son précédent bail passe au Garage du Parc, puis à l’éphémère Rambouillet-Auto-Sport en 1984. Daniel Colson le reprend en 1987.
Aujourd’hui la société GLX Autos a fermé les pompes à essence, mais propose toujours des services d’entretien mécanique traditionnels… C’est aujourd’hui le garage le plus ancien de Rambouillet (en ce qui concerne les locaux).
Je n’ai pas parlé de garages plus récents, dont plusieurs existent encore aujourd’hui, et je fais confiance à mes lecteurs pour compléter ou rectifier mes informations.
Notons qu’au début de l’automobile, les garages portaient le nom de leur propriétaire, mais par la suite ce sont les enseignes qui ont été utilisées systématiquement, rendant le suivi plus compliqué.
En 2024 il y avait 45 millions de voitures immatriculées en France. Il y en avait 31 000 en 1906.
L’industrie automobile s’est organisée au plan mondial, et aucune voiture ne peut plus se prétendre entièrement construite dans un seul pays (à l’exception peut-être de modèles chinois ?), cependant les services automobiles emploient toujours plus de 465 000 salariés, dont plus de 160 000 dans le seul commerce automobile.
Au temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, un garage se caractérisait par son pont élévateur, et le garagiste par sa salopette et sa clef à molette.
Aujourd’hui un garage a besoin d’un appareil de contrôle et de diagnostic correspondant au modèle de la marque, et le garagiste ne répare plus : il remplace.
Demain un ordinateur pourra diagnostiquer à distance la voiture pendant qu’elle circule, et opérer directement les correctifs nécessaires sans même l’arrêter.
Y aura-t-il encore des garages à Rambouillet ?
Christian Rouet
avril 2025
Merci Christian de cette très intéressante rétrospective et la disparition du centre ville des marques et des familles qui ont fait les beaux jours de l’animation du centre ville .
Félicitations aussi pour ce retours hebdomadaires sur la petite histoire de Rambouillet