La Radiotechnique

L’histoire de la Radiotechnique, longtemps principal employeur de Rambouillet, est bien connue. D’anciens salariés, ou enfants de salariés sont nombreux à pouvoir apporter leur témoignage, raconter des anecdotes et fournir des documents authentiques.

Daniel Blumé de la Shary (2005) et Pierre-Yves Burgaud du PARR (2020) lui ont chacun consacré un article, et la presse locale a souvent traité l’actualité de cette entreprise.

Je profite aujourd’hui de la création du café associatif et culturel « Le Court-Bouillon » dans les locaux de son ancienne cantine d’entreprise pour vous en résumer ici l’histoire.

Aux débuts de l’électronique

A la suite de l’invention de la lampe électrique par Thomas Edison, puis de celle de la TSF, les applications se multiplient dans les domaines civils et militaires. D’énormes groupes industriels se créent, comme Philips en Hollande, Marconi en Angleterre ou Telefunken en Allemagne.

En France Emile Girardeau crée la Compagnie générale de la télégraphie Sans Fil (CSF) en 1918 et rachète l’année suivante la Radiotechnique qui fabrique à Lyon des lampes à filaments de tungstène (une reconversion inattendue de l’étirage des fils de soie).

La_Radiotechnique_-_Usines_de_SuresnesEn 1921 la Radiotechnique est transférée à Suresnes où elle fabrique des lampes, mais aussi des tubes émetteurs et récepteurs puis des tubes électroniques. « Dès 1926, six mille tubes électroniques de réception sont produits par jour par six cents ouvrières et ouvriers ».(« Suresnes d’autrefois & d’aujourd’hui ».

En 1929, la Radiotechnique ajoute à son activité d’origine un département commercial grand public : la branche « Appareils Radiola ».

Radiola
publicité Radiola

Des échanges, d’abord modestes, sont engagés avec le groupe Philips. Ils prennent de l’importance avec son entrée au capital de la Radiotechnique à hauteur de 50%. Ce partenariat ouvre à Philips le marché français. Dès 1932, une grande partie des appareils radio Philips ne seront plus importés mais fabriqués dans l’hexagone par les usines de La Radiotechnique, conjointement aux appareils Radiola. La conception technique est la même pour tous les appareils, mais, grâce à une esthétique et une stratégie marketing différentes, les appareils Philips sont positionnés haut-de-gamme et ceux de Radiola comme des appareils robustes.

En 1947, Philips rachète les actions encore détenues par la CSF et introduit la société Radiotechnique en bourse. Une première télévision est produite en 1949, et en 1951 la Radiotechnique produit la moitié de la production française des tubes de réceptions et 30 à 40% des récepteurs radio.

Son développement est tel qu’il lui faut alors se décentraliser. Entre 1953 et 1972 elle ouvre des usines à Rambouillet, Chartes, Evreux, Dreux, Nogent-le-Rotrou, Joué-Lès-Tours, Caen et Le-Mans. En 1969 l’entreprise et ses filiales emploient 10 000 personnes et produisent 25% des téléviseurs fabriqués en France, 50% des électrophones et 50% des tubes électroniques.

Le choix de Rambouillet

En 1953 la population de Rambouillet est de 8 923  et elle augmente en moyenne de 2%/an.

La municipalité de Jacqueline Thome-Patenôtre est opposée à une industrialisation qui ferait perdre à la ville son caractère résidentiel. Elle accueille pourtant le projet d’installation de la Radiotechnique avec satisfaction.

Beaucoup de petites entreprises artisanales ont fermé, victimes des évolutions du marché. Les principaux employeurs restants sont des entreprises du bâtiment, qui travaillent localement et à Paris, et emploient surtout des hommes. Il existe par conséquent un important réservoir de main d’oeuvre féminine, disponible pour des travaux de fabrication et de manutention. Ce projet va donc pouvoir employer une main d’oeuvre locale, avant de faire venir une main d’oeuvre extérieure.

La perspective des recettes fiscales importantes est naturellement prise aussi en considération. 

Pour la Radiotechnique, outre la présence de cette main d’oeuvre, les atouts de Rambouillet sont importants.

La ville met à la disposition de la Radiotechnique un terrain de 20 hectares entre la rue Louis Leblanc et la rue de Clairefontaine, qui permet de répondre à une hypothèse de croissance très optimiste. Son accès est facile, à l’entrée nord de la ville, avec deux entrées pour faciliter l’accès du personnel et des marchandises. La gare est proche. Les liaisons avec le Siège de Suresnes restent faciles, ce qui est important pour une première délocalisation.

Ajoutons que les équipements publics de la ville, ajoutés au charme de la région avaient tout pour séduire les cadres et le personnel qui viendraient travailler à Rambouillet.

1947
1956

L’usine de Rambouillet

Les travaux commencent en 1954, avec l’installation des premiers ateliers dans le local qui deviendra le réfectoire de l’usine, dès que le bâtiment principal sera opérationnel.

L’usine comporte un sous-sol et un vaste hall qui peut être aménagé et divisé à volonté pout implanter les chaînes de production.

« Les éléments de structures, poteaux de soutènement et poutres sont produits séparément et acheminés par convois exceptionnels pour être assemblés sur place. Il n’y a pas de murs porteurs extérieurs, les façades ne sont qu’un habillage de plaques de bêton et fenêtres à cadre métallique.

Cette technique, très efficace et économique présentait toutefois un inconvénient  encore négligé à l’époque : l’absence d’isolation qui nécessitait de chauffer énergiquement l’hiver et de protéger les vitres du soleil par de grands rideaux occultants, l’été. » (P.Y. Burgaud Parr-chemin 18)

La production

Camille Morvan, précédemment responsable du laboratoire de Suresnes prend la direction de cette nouvelle usine. Le transistor permet la miniaturisation des postes de radio, et ouvre la voie au marché de l’autoradio qui devient le produit phare de la Radiotechnique de Rambouillet. La première année les ateliers de Rambouillet produisent 90 000 unités par an.

Les services d’approvisionnement, laboratoires et bureaux sont progressivement transférés, et 10 ans après son ouverture, la Radiotechnique de Rambouillet est un centre industriel complet qui intègre toutes les fonctions, de la conception de nouveaux modèles jusqu’à l’expédition de produits finis.

En 1965 l’usine produit un appareil intégrant radio et lecteur de cassettes.

En 1974 sa production dépasse le million d’unités (dont 800 000 autoradios et 240 000 récepteurs portables). En 1996 elle fête son 20 millionième autoradio. En 2005 sa production annuelle dépasse les 2 millions d’unités (en plus de 50 références).

En 1956 l’usine a commencé en parallèle la fabrication de téléviseurs.

En 1974 l’entreprise teste de nouveaux produits avec l’assemblage de mini-ordinateurs, des consoles de jeux électroniques et durant quelques années une production d’ordinateurs industriels qui est rapidement abandonnée. Elle produira avec succès d’autres produits, dont le célèbre minitel.

Les matières premières sont stockées au sous-sol. En 1975 un convoyeur aérien facilitera l’approvisionnement de l’atelier. Une partie du plateau principal est consacrée à la pose des composants électroniques sur les circuits imprimés, une autre au montage des appareils.

l'atelier de la Radiotechnique
l’atelier de la Radiotechnique

Pendant des années, les composants sont soudés manuellement sur les cartes qui passent d’un poste à l’autre pour une intervention moyenne de 10 minutes. Dans les années 60 l’organisation de l’atelier évolue vers des pôles de compétence, puis vers des chaînes continues. Celles-ci se robotisent progressivement à partir de 1975. L’effectif qui est passé de 700 à plus de 1000 salariés, commence alors à se réduire. 

Loger le personnel de la Radiotechnique

La Radiotechnique a été l’un des premiers partenaires de la SEMIR, société d’économie mixte de Rambouillet et de nombreux salariés ont pu s’installer en location dans les logements sociaux du quartier neuf de la Louvière.

Elle a également investi son 1% patronal dans la construction directe de logements. Elle a ainsi acquis directement des terrains, et construit des pavillons dans le quartier voisin dit « Beausoleil », lancé en 1938 dans lequel il y a encore de nombreux lots inoccupés lorsque s’installe la Radiotechnique.

De nombreux logements ont ainsi été construits dans le cadre des SCI de la rue de Dourdan, de la SCI de la rue de la duchesse d’Uzès, et de la SCI de la rue Louis Leblanc.

En tout, ce sont plusieurs centaines de logements qui sont ainsi venus enrichir le patrimoine immobilier de Rambouillet.

L’évolution de la Radiotechnique

Les groupes industriels évoluent (et de plus en plus vite). Après 32 années passée sous l’enseigne Radiotechnique, l’usine change plusieurs fois de nom, même si elle reste Radiotechnique dans le coeur et la mémoire des Rambolitains.

  • 1980 : elle devient RTIC (Radiotechnique Industrielle et Commerciale) puis RPIC (Radiotechnique Portenseigne Industrielle et Commerciale)
  • 1990 : elle est Philips EGP (Electronique Grand Public)
  • 1996 : Philips absorbe définitivement la Radiotechnique
  • 1997 : l’entreprise devient une filiale de Philips sous le nom de Philips Car System France »
  • 1998 : le groupe Mannesmann s’associe à Philips pour la transformer en société VDO (acronyme de l’Anglo-Allemande « Vereinigte DEUTA – OTA »
  • 2001 : Siemens rachète l’entreprise et l’exploite sous le nom de Siemens VDO Automotive Rambouillet
  • 2007 : Continental AG rachète Siemens VDO et la rebaptise Continental Automotive. L’entreprise délocalise sa production, supprimant 400 emplois, mais laisse à Rambouillet des services de développement et de support technique.

Aujourd’hui les activités de Continental Automotive sont regroupées dans un nouveau bâtiment, situé dans le prolongement de l’ancien, de l’autre côté de la rue Jean Moulin. La présentation de cette entreprise sort du cadre de cet article qui se limite à son site initial.

Smartcity campusLes anciens locaux de la Radiotechnique accueillent maintenant, sous le nom de « Smartcity campus » une pépinière d’entreprises, avec services de co-working, locations de bureaux, d’espaces divers privés ou partagés…

et depuis quelques semaines le site abrite donc dans l’ancien restaurant d’entreprise le Court-Bouillon, qui se définit ainsi sur son site :

« Le Court-Bouillon est un café associatif et culturel installé sur Rambouillet. Son objectif est de mettre en lumière les dynamiques culturelles et les initiatives locales dans un cadre convivial et fédérateur accessible à tous. 

Le projet est porté par un collectif de bénévoles désireux de favoriser les rencontres et les échanges sur son territoire pour mieux vivre ensemble. »

Voici un beau programme, et j’aime beaucoup qu’il se veuille « café de curiosités ». Il est ouvert les vendredis et samedis de 17 à 23h.

Une belle idée de sortie, non ?

Christian Rouet
mai 2022

le site de l'ancienne Radiotechnique en 2022
le site de l’ancienne Radiotechnique en 2022

PS : je cite à deux reprises la rue Louis Leblanc. Il s’agit en fait de la rue Louis Le Blanc, clerc de notaire, puis greffier de paix à Grenonvilliers, conseiller municipal en 1912, adjoint au maire en 1919, conseiller d’arrondissement en 1933, décédé en 1935.
La rue de Grenonvillers (XVIIIème siècle) devenue rue de la Grange-Colombe au cadastre de 1830 a été baptisée rue Louis Le Blanc par décision municipale du 9 avril 1949.

Il semblerait qu’elle soit devenue rue Louis Leblanc par une confusion avec un autre conseiller municipal de Rambouillet, démissionnaire en 1920, et décédé en 1936 et que l’erreur se soit imposée au fil des ans. Cela ne gène personne, Louis Le Blanc n’étant pas plus connu de nos jours que Louis Leblanc ! (renseignements tirés de l’Historique des rues de Rambouillet de la Shary par Jean Blécon )

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