En remontant la rue Lachaux
La rue Lachaux a été ainsi baptisée par décision municipale du 26 novembre 1885, lorsque Aimé-Désiré Lachaux, greffier de justice, décédé sans descendants directs, a fait don de tous ses biens au Bureau de Bienfaisance et à l’Hospice de Rambouillet.
Le don devait être important pour que la municipalité décide de changer ainsi le nom de l’une des plus anciennes rues de Rambouillet, au lieu de se contenter d’une plaque commémorative, voire d’une rue nouvelle, d’un intérêt moindre.
Son nom le plus ancien était descriptif, comme tous les noms de l’époque. On prenait donc le « chemin allant du carrefour Maillet au Moulin-à-vent » pour monter au moulin. Celui-ci était situé à l’emplacement actuel de l’institution Sainte-Thérése, et son exploitation ne fut arrêtée qu’en 1749.
Au début du XVIIIème siècle la rue est mentionnée sous le nom de rue « Troussevache », parce qu’elle mène à la ferme Troussevache.
En 1794, sous la Révolution, il est envisagé de la baptiser « rue de la Montagne », mais on préfère finalement lui donner le nom de « rue Bara ».
En 1812 elle devient, sur proposition du sous-préfet Levasseur, la « rue de Smolensk » pour commémorer la victoire de Napoléon lors de sa campagne de Russie.
Cependant, en 1833, il devient prudent de supprimer toute référence à l’Empire, et la rue devient « rue du Belvéder (sic)» en raison d’un de ses immeubles, alors le plus haut de la ville.
Remontons cette rue, en remontant le temps…
Plusieurs plaques posées par la SAVRE ou la Ville nous y aident en signalant quelques lieux intéressants.
Le bas de la rue a été longtemps artisanal et commerçant. Une plaque rappelle qu’au n°2 le maître serrurier Ory aurait reconstruit la maison en 1818.
Un siècle après on y trouve toujours une entreprise de serrurerie : celle de Marius Juteau, qui y est également domicilié. L’entreprise Houze qui reprendra son fond de commerce devra plus tard quitter cet emplacement pour pouvoir se développer.
A côté, le n°4 a abrité dans ses deux niveaux plusieurs artisans. En 1913 par exemple, on y trouve le maçon Jean-Louis Halley, les cordonniers Ernest Lecourt et veuve Caillat, Mlle Ida Louvet, la couturière. La plaque posée sur la façade évoque également « un marchand de toile (…) un vitrier (…) puis un coiffeur. »
En face au n°3 se tient à la fin du XIXème siècle l’atelier et le magasin d’horlogerie de monsieur Gamet (le papa du père Gamet ). Il transfère ses activités sur la Place Félix-Faure en 1902.
Cet immeuble avait été commencé en 1782 par Martin Jouanne, entrepreneur de bâtiment, à la place de deux petites maisons des serruriers Philippe, Nicolas et Louis Marie. Mais en 1786 Jouanne est emprisonné pour dettes, et il est obligé de vendre l’immeuble non terminé à l’un de ses créanciers Pierre Laslier qui l’achève en 1787. L’immeuble est modernisé à la fin du XIXème siècle.
La rue comprend aussi des maisons de notables : y ont vécu par exemple Aimé-Désiré Lachaux, mais aussi Louis Boulle, huissier à cheval au Châtelet de Paris qui sera maire de Rambouillet de 1803 à 1808, ou Marie Gautherin, avoué, maire de 1885 à 1904.
On y trouve aussi des médecins. En 1861 le docteur Louis-Joseph Fournier. En 1913 le docteur Jean Bergonier logeait au 7, et son père le docteur Léon Bergonier au 9. (actuellement n° 13) Le cabinet et la maison seront repris ensuite par le docteur Crozier.
Arrêtons-nous devant quelques maisons remarquables :
Lorsque Louis XVI achète au duc de Penthièvre le domaine de Rambouillet, il devient accessoirement propriétaire d’une maison (N°7) où loge le procureur fiscal Hocmelle.
Celui-ci paye alors un loyer de 300 livres.
Au moment de la Terreur, Hocmelle est dénoncé par le sieur Saussaie, ancien curé de Poigny. Il s’agit pour Saussaie de se venger d’une condamnation pour chasse prohibée.
Hocmelle est donc exécuté à Versailles, et, son épouse quitte Rambouillet. La maison étant libre, elle est mise en vente aux enchères en 1794.
Le cultivateur Lefranc l’acquiert pour la somme de 12 725 livres… mais indique trois jours après à l’Administration l’avoir acquise « pour et au profit du citoyen Saussaie, vivant de son revenu au dit lieu de Rambouillet ».
En plus de sa vengeance, Saussaie acquiert donc discrètement, dans de bonnes conditions, un bien de qualité qu’il convoitait depuis longtemps… Charmant personnage !
La ville a fait construire des logements sociaux derrière cette propriété, et le porche qui y mène permet maintenant aux piétons de traverser un jardin public, pris sur la propriété de madame Duchet, rue Maurice Dechy, et de rejoindre la « sente de l’abbé Macaire » et ensuite la rue Gambetta, un peu avant la salle Patenotre.
La rénovation du « quadrilatère » compris entre les rues Poincaré, Lachaux, de Penthièvre et de Gaulle a modifié fondamentalement une partie importante du côté droit de la rue, par la construction d’immeubles neufs, reliés par des rues piétonnes à la place de la Mairie ou à la rue de Penthièvre.
Au 10 les demoiselles Ribet dirigeaient encore après la guerre « l’institution Levieux », école maternelle et primaire. C’était une école de filles, mais les garçons y étaient admis jusqu’à l’âge de sept ans.
En face, ce bâtiment tout en hauteur, c’est « le Belvéder » qui a donné son nom à la rue Lachaux de 1833 à 1885.
Qu’avait-il de particulier ?
Robert Fleuran, qui achète à Jean-Baptiste Forcade, le 22 août 1765, la petite maison qui existait alors, procède à sa reconstruction en 1766.
Une plaque de marbre blanc, sous la fenêtre du 2ème étage rappelle cette date.
Il construit alors une maison de deux étages, surmontée d’un toit avec lucarnes. Elle dépasse donc nettement toutes les maisons de la rue qui n’ont alors qu’un seul étage, et cela lui vaut, à partir de 1795 le surnom de Belvédère (écrit alors : « Belvéder »)
Vers 1830 l’immeuble est rehaussé de deux étages. Les deux étapes de la construction restent parfaitement visibles.
Il ne reste pas de traces de l’immeuble construit par la ville pour une école maternelle de Rambouillet, appelée vulgairement « l’asile ». Elle accueillait les enfants du quartier et ceux de Groussay, issus de familles défavorisées. Madame L’Allinec, la directrice était l’épouse du directeur de l’hôpital ( alors encore au pavillon de Toulouse) .
Après le déplacement de l’école, ce bâtiment est devenu annexe de la mairie, et les anciens Rambolitains n’ont certainement pas oublié les salles municipales où se tenaient les assemblées générales ou les réunions des associations.
A l’étage étaient abrités les clubs de bridge et d’échecs. Et surtout la bibliothèque, en attente de la construction de notre superbe médiathèque.
Plus haut, à l’actuel n°17, il faut s’arrêter devant la ferme Troussevache qui a donné son nom à cette rue, durant plus d’un siècle.
S’il a existé à Paris une rue Troussevache (actuellement rue de la Reynie), on sait qu’elle devait tout simplement son nom à une famille Troussevache qui y habitait.
L’explication du nom est moins évidente à Rambouillet car l’on ne trouve nulle trace d’une famille de ce nom.
La ferme appartenait à une famille Maillard, qui l’a exploitée jusqu’au début de XXème siècle, et où six générations se sont succédé. (dont Louis-Antoine dit Maillard de la Vierge, pour avoir été épargné par la foudre)
Elle ne pratiquait que des cultures céréalières, dans des champs situés vers Grenonvilliers, et de l’élevage. Ses vaches fournissaient le lait, vendu à la ferme, du beurre et du fromage. Les porcs et la basse-cour fournissaient la viande de la famille et constituaient une activité d’appoint, tout comme le champtier de vigne, situé sur le plateau.
S’il ne s’agissait peut-être pas de la ferme la plus importante de Rambouillet, c’était en tous cas la plus centrale.
Ceci explique bien les vaches… mais pourquoi « trousse » ? Si leurs pâturages avaient été situés dans le parc du château on aurait pu imaginer l’évocation de leur effort pour gravir la côte assez raide. Mais les bêtes paissaient sur le plateau voisin, à l’emplacement actuel de l’église, donc pratiquement au niveau de la ferme, et n’avaient donc pas de raison de descendre vers le carrefour Maillet. Quant au marché aux bestiaux, il se tenait sur l’actuelle place Félix-Faure, et non avec le marché de la mairie.
Alors : de belles vaches » bien troussées » ? Des vaches qui divaguaient dans les pâturages non clos et « aux trousses » desquelles il fallait se lancer pour les rassembler ?
Je vous laisse imaginer une explication que je n’ai pas trouvée.
Quoi qu’il en soit, le bâtiment sur rue n’avait initialement qu’un étage . Un second lui fut ajouté par Louis-Antoine Maillard, quand il cessa son activité, mais la porte avec sa marche de grès, les fenêtres des deux premiers niveaux, et le porche pavé n’ont pas changé. Cependant, dans la cour, que l’on aperçoit de la rue, l’étable à vaches, de même que la grange ont été remplacées par des maisons neuves.
Plus haut, rue Potocki, sur l’emplacement de l’ancien moulin, les « soeurs de Saint-Adrien » avaient acheté en 1834 une maison. En 1864 « l’école de la Saint-Enfance » acquiert un immeuble au bout de la rue Lachaux, et les deux parcelles sont alors réunies pour constituer « l’institution Sainte-Thérèse » actuelle. Elle occupe maintenant l’angle de la rue Lachaux et toute la longueur de la rue Potocki.
En face, dans le renfoncement d’un mur, la pompe qui fournissait le quartier en eau ( en plus des nombreux puits privés.) a été conservée.
Il s’agissait initialement d’un puits avec treuil mais en 1836 les riverains demandèrent l’installation d’une pompe en bois, en proposant de participer financièrement à son installation.
Le compte rendu ci-contre rappelle cette délibération aux termes de laquelle la rue fut bien dotée d’une pompe, – qui n’est pas de bois.
Et nous voici ainsi arrivés en haut de la rue Lachaux, sur le plateau qui est devenu le pôle religieux de Rambouillet, après le transfert de Saint-Lubin, et qui est maintenant son pôle culturel, avec le très bel ensemble de la médiathèque et de la Lanterne : de quoi alimenter bien d’autres articles que je vous proposerai cette année.
Christian Rouet
24 septembre 2021
Bonjour,
Un petit détail : l’école maternelle (où je suis allée, j’habitais rue Lachaux) a été peu de temps la MJC que j’ai fréquentée en 1962, avant que celle-ci s’installe à La Louvière. Cordialement YO
Bon travail, très complet. Merci.
Patrick BEGUIN (HMPY)