La CGEA
Pour les « vieux » Rambolitains la compagnie de bus s’appellera toujours « CGEA », comme l’usine de parfums, « Roja-Garnier », ou les locaux de « Smart-City », « La Radiotechnique ». Et qu’importe si les sociétés se sont transformées et ont changé de nom depuis fort longtemps…
Cet article évoquera donc la CGEA, et non « Transdev Rambouillet » !
Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais chaque fois que je vois circuler un bus dans Rambouillet, j’ai l’impression qu’il est vide. Au point que je m’interroge : est-ce que les bus ont besoin d’être aérés chaque jour, comme nous, pour ne pas souffrir de confinement ?
Mais il va de soi que mon ressenti est très éloigné de la réalité, car l’histoire de la CGEA à Rambouillet démontre sa grande activité !
Un article précédent ( lire ici ) racontait les tentatives avortées de créer un réseau inter-communal autour de Rambouillet, en installant des tramways à vapeur.
Au lendemain de la guerre, l’automobile a fait de tels progrès que l’idée d’un tramway est définitivement abandonnée. Dans sa séance du 18 octobre 1922, le conseil d’arrondissement de Rambouillet émet ainsi le vœu que soit créé à la place un réseau d’autobus.
Empruntant les routes existantes, un tel réseau ne demande pas d’investissement en infrastructure, et peut donc se mettre en place très rapidement..
Après études des services des Ponts-et-Chaussées, un premier projet comportant 6 lignes (soit 202 km cumulés) est arrêté en avril 1923 :
- Rambouillet / Montfort-l’Amaury / Thoiry,
- Rambouillet / Cernay-la-Ville,
- Rambouillet / Limours / Arpajon,
- Limours / Dourdan,
- Rambouillet / Ablis / Le Plessis-Saint-Benoist
- et Rambouillet / Dourdan.
Le marché est attribué le 11 juillet 1923, et les conventions d’exploitations signées le 23 août. La CGEA se voit octroyer 5 de ces 6 lignes pour 7 ans.
La CGEA
Son histoire commence avec deux frères, Georges et Lazare Latil. En 1898, ils tentent de moderniser les voitures à chevaux, en remplaçant ces derniers par un système de traction avant avec essieu brisé. Le premier véhicule, de conception artisanale, souffre hélas d’une transmission insuffisante à cause des cardans à croisillons qui rendent impossible la traction de charges supérieures à six cents kilogrammes.
En 1906, Georges Latil invente le cardan à rotule et dépose un brevet pour l’invention d’un avant-train parfaitement autonome (embrayage, direction, freinage) compatible avec de fortes charges. La transformation des véhicules lourds à traction hippomobile en engins automobiles devient désormais possible.
A gauche le détail du cardan à rotule que je ne me risquerai pas à commenter. Vous trouverez sans peine à l’association « Renaissance-Autos » des passionnés pour vous en expliquer le principe, et sans doute même pour vous montrer des cardans de cette époque !
Le succès commercial est rapidement au rendez-vous, mais la gestion de la société « Avant-trains Latil » manque de rigueur, et la société est mise en faillite en 1908.
Charles Blum, un polytechnicien est chargé de sa liquidation. Confiant dans l’avenir de l’automobile et dans la connaissance technique des frères Latil, il décide de sauver l’entreprise et d’en prendre le contrôle.
En 1912 une société distincte, chargée de la diffusion de la marque Latil, de l’entretien et de la réparation des véhicules, la Compagnie Générale d’Entreprises Automobiles (CGEA) est créée.
Pour sa part, la société des Automobiles Industrielles Latil poursuivra la fabrication de camions. En 1955 elle fusionnera avec la branche « poids-lourds de plus de cinq tonnes » de la Régie nationale des usines Renault, et avec Somua pour donner naissance à Saviem LRS ( Société anonyme de véhicules industriels et d’équipements mécaniques, Latil, Renault et Somua) dont Pierre Lemaigre ex PDG des Automobiles Industrielles Latil prendra la tête.
Après la guerre, les années 1920 marquent l’essor de l’automobile.
La CGEA cherche alors à mettre son savoir-faire au service des collectivités locales, particulièrement dans les domaines de la propreté urbaine et des transports de voyageurs. En 1921 avec la compagnie de l’État pour la Vallée de Chevreuse elle propose des services d’excursion, et installe un dépôt en face de la gare de Rambouillet, au 5 rue Sadi Carnot. Mais cette activité s’avère très sensible aux aléas météorologiques…
Heureusement, des concessions de lignes régulières vont permettre d’assurer une activité plus stable, tout d’abord en Seine-et-Marne avec une première ligne en 1921 suivie de 4 autres en début d’année 1922.
Et c’est ainsi qu’elle obtient en 1923 la concession de ces 5 lignes de Rambouillet.
La constitution du réseau de Rambouillet
Le croirez-vous ? L’État, qui avait promis d’apporter son soutien financier à l’opération, va tarder à se prononcer pour finalement arguer en août 1924 d’insuffisances de crédits et demander un report du lancement des cinq lignes qui doivent être exploitées par la CGEA. Quelle époque !
Le Conseil Général, qui tient à honorer ses promesses auprès de ses administrés, va donc se résoudre à amputer certaines dessertes pour respecter son propre budget : les tronçons Montfort-l’Amaury / Thoiry, Dourdan / Limours et Ablis / Le-Plessis-Saint-Benoist devraient ainsi en faire les frais.
Mais les communes concernées feront rapidement connaître leur vif mécontentement, ce qui conduira les autorités étatiques à réétudier le dossier. Et c’est en définitive le 1er décembre 1925 que l’exploitation des 5 lignes sera progressivement lancée. Le réseau sera installé dans sa totalité début mai 1926.
La CGEA fait alors circuler sur ces lignes une série de 9 autobus Latil et en 1927, après l’abandon des sections de lignes entre Ablis et Le-Plessis-Saint-Benoist, ainsi qu’entre Mérobert et Saint-Escobille, faute de clientèle suffisante, elle assure les liaisons :
- · Rambouillet / Montfort l’Amaury – Méré (Gare) / Thoiry
- · Rambouillet / Saint-Arnoult / Dourdan / Mérobert
- · Rambouillet / La Celle-les-Bordes / Limours / Arpajon
- · Rambouillet / Ablis
- · et Dourdan / Limours
En 1933, la concession de la CGEA est reconduite pour une nouvelle période de 7 ans sur les 5 lignes qui restent inchangées. L’ensemble du matériel roulant est renouvelé à cette occasion avec 11 nouveaux autobus Latil.
Aucun fait marquant n’émaillera les années suivantes, jusqu’à la fin de l’été 1939, et le début du second conflit mondial.
Dès le 5 septembre 1939, suite à la mobilisation générale et à la réquisition de son matériel, la CGEA est contrainte de déclarer la « suspension provisoire » de l’exploitation de son réseau de Seine-et-Oise, .
Dans les faits, ce provisoire durera jusqu’à la fin du conflit.
La reprise de l’après-guerre
Une fois l’armistice signé le 8 mai 1945, la France va entamer un long processus de reconstruction. Les besoins sont immenses, et priorité est donnée, concernant les transports collectifs, aux lignes les plus fréquentées.
Le dépôt CGEA de Rambouillet, qui ne dispose plus que d’un seul véhicule, devra ainsi attendre le milieu de l’année 1946 pour recevoir ses premiers autocars. Il s’agit toujours de châssis Latil. Ils sont peints avec une alliance de beige et de marron, qui succède au marron-foncé d’avant-guerre.
A partir de 1952 le matériel sera renouvelé en Saviem.
Les véhicules neufs vont arborer une découpe à deux tons de bleu, bleu moyen sur l’ensemble de la carrosserie accompagnée de deux bandeaux gris-bleu au-dessus et en dessous des baies.
Les besoins en investissements de plus en plus lourds conduisent à une très forte concentration au sein des compagnies de transport. La CGEA n’échappe pas à cette nécessité.
– En 1964, au terme d’une opération très discrète, les descendants des familles Blum et Latil cèdent leur société à la Banque de Paris et des Pays-Bas (Paribas). A cette époque, le dépôt de Rambouillet aligne alors un parc de 15 véhicules, tous de marque Saviem. A cette occasion, la carrosserie devient blanche avec une bande bleue horizontale en bas de caisse et une autre, plus large, entourant les baies. Après quelques années, la carrosserie, un temps gris clair avant de redevenir blanche, est traversée de deux larges bandes obliques, de couleur bleu foncé, et les baies sont entourées de marron.
– En 1972, la Société Continentale d’Entreprises Industrielles (SCEI, filiale du groupe suisse Electrowatt) entre à hauteur de 29,6% dans le capital de la société, et la Compagnie Générale des Eaux, qui vient de se rapprocher de la SCEI, prend une participation de 20% dans la CGEA.
– En novembre 1980, le groupe Générale des Eaux annonce avoir pris le contrôle de 91,8% du capital de la CGEA, après rachat des titres détenus par la SCEI et Paribas.
– Au cours du printemps 2000, la CGEA devient Connex, filiale du groupe Vivendi-Environnement (ex-Générale des Eaux).
Elle dispose en 2001 de 93 véhicules.
– Le 3 novembre 2005, Connex devient Veolia-Transport, afin d’harmoniser les dénominations des filiales de l’ex-groupe Vivendi-Environnement renommé en 2003 Veolia-Environnement.
– En 2011, au sein de la Société Centrale pour l’Equipement du Territoire (SCET), filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), le service d’appui aux sociétés d’économie mixte de transport public urbain est filialisé et devient la société Transcet, rebaptisée ensuite Transdev.
– Et en 2013, la fusion des groupes Veolia-Transport et Transdev débouche sur l’adoption de la dénomination unique Transdev. La société est alors détenue à 30% par Veolia et 70% par la Caisse de Dépôts et Consignations.
Les lignes de Rambouillet sont ainsi gérées par la société Transdev Rambouillet société du groupe Transdev.
La société assume seule le financement et le fonctionnement des lignes. Mais le prix du billet vendu étant en dessous du prix de revient, la région lui verse une dotation globale annuelle d’équilibre, grâce au versement transport payé par les entreprises, et aux contributions des collectivités publiques.
En 2018 Transdev Rambouillet comprenait 155 conducteurs dont 5 femmes, 4 contrôleurs, 7 mécaniciens et un encadrement de 10 personnes.
Son parc comprenait 3 minibus, midibus et R’bus, 18 R’bus standards, 14 autocars Albatrans, 69 autocars interurbains à Rambouillet, 8 à Houdan et 16 à Dourdan, 6 autocars de transport scolaire et 2 cars de tourisme.
Le nombre de voyageurs transportés annuellement dépassait les 3,5 millions
Totalement saturé, avec des véhicules stationnant dans la cour marchandises de la gare voisine puis sur un parking au sud des voies, le dépôt historique du 5/7 rue Sadi Carnot a été transféré le 2 novembre 1980 rue Ampère, dans la Zone Industrielle nord-est de Rambouillet, avec parking, atelier et locaux d’exploitation
En 1985, pour faire face à l’extension du parc de véhicules, une parcelle est acquise de l’autre côté de la rue Ampère pour servir de parking complémentaire. Puis, en 1986, atelier et locaux d’exploitations sont agrandis en prolongement du bâtiment existant.
Le dépôt de Rambouillet, site principal de remisage, est ainsi constitué d’un bâtiment unique, avec du côté nord les locaux d’exploitation et de direction, au centre l’atelier ( 5 travées pour véhicules standards, dont une sur fosse et une autre pouvant accueillir les véhicules de 15 mètres) et au sud une partie dédiée au personnel de conduite (vestiaires, salle de repos…).
L’atelier assure l’entretien mécanique, les prestations de carrosserie étant sous-traitées soit à l’établissement Transdev d’Ecquevilly, soit à l’extérieur du groupe.
Le parking des véhicules s’effectue en grande partie à l’ouest du bâtiment principal (62 places pour standards), complété par une station-service (2 postes de charge) et une station de lavage.
Une autre parcelle située de l’autre côté de la rue Ampère, accueille les véhicules d’exploitation et 16 autocars.
Christian Rouet
octobre 2021
Merci à Benjamin Weyer qui m’a permis d’utiliser son excellent article consacré à Transdev-Rambouillet dans le magazine Réseaux-Urbains de l’association FPTU d’avril 2017. Toutes les photos de bus publiées ici sont tirées de ce même article.